Lorsque le litige concerne l’utilisation à fin privative des parties communes par un copropriétaire, la tentation peut être grande pour le Syndic de copropriété d’avoir recours à la voie du référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance, saisi d’une demande de cessation du trouble manifestement illicite que peut constituer une telle utilisation.
Cette voie d’action, outre qu’elle offre une célérité accrue par rapport à l’instance au fond, dispense par ailleurs le Syndic de recueillir l’autorisation préalable de l’Assemblée Générale des copropriétaires.
En effet, l’article 55 du décret du 17 MARS 1967 qui consacre la règle selon laquelle « le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale », prévoit entre autres exceptions « les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés ».
Une ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN en date du 15 FEVRIER 2012 est toutefois venue préciser certaines limites apportées à l’action du syndicat des copropriétaires, en rappelant que les dispositions des articles 808 et 809 du Code de procédure civile, qui fondent les pouvoirs du juge des référés, ne lui laissent pas nécessairement toute l’attitude…
Les faits de l’espèce étaient relativement communs :
Il s’agissait d’une copropriété de grande importance, comportant plusieurs bâtiments dans lesquels certains copropriétaires avaient, pour la plupart sans autorisation de l’Assemblée Générale des copropriétaires, procédé au fil des années à l’aménagement de leurs parties privatives, en y installant des installations de climatisation.
Il en avait résulté une prolifération plus ou moins anarchique d’appareils de climatisations qui étaient positionnés le plus souvent en façade des immeubles ou sur le sol des coursives du rez-de-chaussée de la copropriété, parties communes.
Dans une précédente délibération, l’assemblée générale des copropriétaires avait posé quelques limites à l’utilisation des parties communes par ces installations de climatisation, en exigeant d’une part que les compresseurs des climatiseurs ne soient pas posés à même le sol commun, et en demandant par ailleurs que les « condensats » générés par ces appareils de climatisation soient récupérés par leurs copropriétaires et dirigés vers les parties privatives.
Il en résultait donc implicitement une tolérance de l’assemblée générale des copropriétaires pour les appareils de climatisations se conformant à ces impératifs.
A la suite de cette décision de l’assemblée Générale, un des copropriétaires dont le lot était loué à une entreprise qui y exploite un commerce alimentaire, se voyait mettre en demeure par le syndic de copropriété pour qu’il soit procédé à la mise en conformité de l’installation de climatisation de ce commerce avec les dispositions de ladite assemblée générale.
Les travaux de récupération des condensats n’étant pas exécutés dans un délai suffisamment rapide aux yeux du syndicat des copropriétaires, celui-ci faisait assigner le copropriétaire et son locataire devant le Juge des référés en demandant l’enlèvement de l’installation litigieuse.
Le syndicat des copropriétaires fondait son action sur le trouble manifestement illicite résultant de l’occupation des parties communes par ces installations de climatisation dont l’implantation n’avait pas été autorisée par l’assemblée Générale des copropriétaires.
En défense, le copropriétaire cité faisait valoir que le trouble manifestement illicite allégué par le syndicat des copropriétaires devait s’apprécier au regard des délibérations prises par l’assemblée Générale des copropriétaires qui, en fixant certaines conditions à l’implantation des installations de climatisation, en avait implicitement mais nécessairement admis la légitimité.
Il faisait également valoir que d’autres copropriétaires avaient procédé à des installations d’appareils de climatisation dans la copropriété sans avoir reçu l’aval de l’assemblée Générale des copropriétaires, et que dés lors l’action dirigée contre lui seul constituait une atteinte prohibée à l’égalité de traitement entre les copropriétaires, dont le principe a été rappelé à de multiples occasions par la Cour de cassation (Ex Cas Civ 3ième 11 MAI 2006- Bull Civ III N° 120—Cas Civ 3ième 11 MARS 2009 Pourvoi N° 08- 10566—Cas 3ième Civ 16 JUIN 2009 Pourvoi N° 08-16069).
De son côté le locataire qui exploitait l’appareil de climatisation litigieux s’engageait à la barre à faire procéder aux travaux de récupération de condensats, opération relativement aisée à mettre en œuvre.
Le procès interrogeait donc les critères d’appréciation du trouble manifestement illicite, le demandeur considérant une appréciation abstraite, fondé sur le principe de non occupation privative d’une partie commune, la partie requise défendant pour sa part une appréciation « in concreto », impliquant une adaptation des principes aux données concrètes de la cause.
Dans son ordonnance du 15 FEVRIER 2012, Monsieur le Juge des référés a considéré qu’aucune des exigences des articles 808 & 809 du Code de procédure civile n’était acquise au débat.
C’est dire que le Juge des référés a non seulement écarté toute notion d’urgence (article 808 CPC) s’agissant d’installations qui étaient en place depuis plusieurs années, et qu’il a par ailleurs considéré que le trouble manifestement illicite allégué par le syndicat des copropriétaires n’était pas établi au cas d’espèce.
Le Juge des référés a ainsi consacré une appréciation « in concreto » de la notion de trouble manifestement illicite dont les contours doivent être appréciés en considération des faits particuliers dont il est saisi.
Il était en effet nécessaire de tenir compte des décisions prises par l’assemblée générale des copropriétaires, qui avaient en quelque sorte posée une limite au-delà de laquelle le trouble constitué par l’implantation d’appareils de climatisation sur les parties communes sans son autorisation préalable, pouvait être considérée comme « manifestement illicite ».
Cette appréciation du caractère manifestement illicite du trouble allégué se justifie pleinement en matière de relation dans une copropriété surtout lorsque, comme c’était le cas en l’espèce, des copropriétaires dans une situation identique étaient traités différemment par le syndicat des copropriétaires demandeur : comment considérer une même action comme manifestement illicite dans un cas, et acceptable dans un autre ?
De surcroît, elle s’inscrit dans le respect d’une autre règle fondamentale en matière de gestion de la copropriété, qui veut que « le syndic de la Copropriété se doit de mettre en application les délibérations adoptées par l’assemblée générale des copropriétaires » (article 18 de la loi du 10 juillet 1965), qui implique qu’il n’aille pas au-delà des décisions prises en assemblée générale.