L’entrée de l’avocat en garde à vue par le Conseil Constitutionnel - 30 juillet 2010.
Le Conseil constitutionnel a jugé le 30 juillet 2010, par une décision rendue après une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), que le régime de garde à vue français était contraire à la Constitution en ce qu’il portait une atteinte excessive aux droits de la défense.
Plus précisément, le Conseil Constitutionnel avait critiqué :
- La disproportion entre, d’une part, l’objectif de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la protection des droits de la défense causée par le champ d’application très large de la garde à vue qui, sauf en matière de flagrance, peut concerner les contraventions ou les délits non punis d’une peine d’emprisonnement (défaut d’assurance, délits de presse ou certains délits au Code de la consommation) ainsi que sa durée prolongeable à un total de 48 heures (2 x 24 heures).
Autrement dit, « le présumé assassin était traité de la même manière que le débiteur de pension alimentaire à jour de ses obligations mais qui n’aurait pas déclaré son adresse à son ex-conjoint ». Ce qui créait un problème aigu de proportionnalité (commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel).
- L’insuffisance des droits de la défense puisque la personne interrogée, retenue contre sa volonté, n’avait pas la possibilité de « bénéficier de l’assistance effective d’un avocat ». Il estime excessive cette restriction dès lors qu’« elle est imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ». S’il admet des exceptions au principe de l’assistance d’un avocat, le Conseil constitutionnel avait jugé que le caractère général des dispositions du Code de procédure pénale privant la personne gardée à vue de ce droit à un avocat portait une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et n’est pas conforme à la Constitution.
Grand prince, le Conseil Constitutionnel, afin d’éviter une annulation de toutes les procédures pénales en cours, a reporté dans le temps les effets de cette censure au 1er juillet 2011 le temps qu’une nouvelle loi soit adoptée en urgence.
La consécration de l’avocat en garde à vue par la loi du 14 avril 2011.
La réforme de la garde à vue (GAV) était devenue obligatoire après la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 qui invalidait le régime ordinaire de garde à vue, au motif notamment qu’il ne garantissait pas suffisamment les droits de la défense. Le Conseil avait donné au gouvernement jusqu’au 1er juillet 2011 pour qu’une nouvelle loi permette de mettre en oeuvre ses préconisations.
Le Parlement a finalement adopté la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue qui prévoit une réforme majeure de la garde à vue :
- La garde à vue est dorénavant limitée aux délits passibles de prison, et donc interdite à ceux sanctionnés par une simple amende (comme les violences volontaires sans ITT appelées violences légères)
- La garde à vue ne peut être prolongée de 24 heures (pour atteindre 48 heures) que pour les délits punis d’au moins un an d’emprisonnement
- Le gardé à vue doit se voir notifier son droit au silence
- La pratique des « fouilles au corps » est plus strictement encadrée.
Mais c’est sur l’avocat que la réforme est la plus importante : la présence de l’avocat est désormais autorisée pendant toute la durée de la garde à vue de droit commun (au lieu de 30 minutes auparavant). L’avocat, qui peut ainsi assister à toutes les auditions de la personne dès le début de la mesure de garde à vue, a accès aux procès-verbaux d’audition de son client.
Ce droit à l’avocat est cependant limité dans 4 cas :
1) si la personne a renoncé expressément à bénéficier de l’assistance de celui-ci
2) lorsque les autorités qui procèdent à l’enquête doivent agir immédiatement pour éviter de compromettre sérieusement une procédure pénale « lorsque les nécessités de l’enquête exigent une audition immédiate de la personne » (c’est le point modifié par la réforme)
3) « à titre exceptionnel » (c’est-à-dire, dans les faits, essentiellement pour des infractions relatives à la criminalité organisée), dans deux cas où un report de 12 voire de 24 heures « apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête » : « soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne » prévu à l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale
4) lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique d’un suspect ou d’une personne poursuivie, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté.
Enfin, la procédure de garde à vue reste sous le contrôle du procureur de la République et non pas sous celui du juge des libertés comme la Commission des lois de l’Assemblée nationale l’avait proposé.
La loi était prévue pour entrer en vigueur 45 jours plus tard, le 1er juin 2011.
L’entrée dans la danse de la Cour de Cassation - 15 avril 2011.
Jusqu’en 2008 et l’introduction de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), d’ailleurs à l’origine de la décision du Conseil Constitutionnel sur la garde à vue, le Conseil Constitutionnel était surtout un organe politique assoupi dont peu de gens se souciaient.
C’était alors essentiellement la Cour de Cassation qui était chargée de défendre les libertés individuelles, grâce au controle de conventionnalité qui permet de controler la conformité d’une loi française avec le droit européen, au premier rang duquel la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH).
Le problème c’est qu’avec la décision du 30 juillet 2010, la Cour de Cassation a été piquée dans son égo de ne pas avoir dégainé la première contre le régime de garde à vue français. Un conflit feutré au plus haut sommer de l’autorité judiciaire est alors né.
La Cour de Cassation fit donc le peu qu’elle pouvait encore faire si tardivement, en supprimant le report dans le temps des effets du Conseil Constitutionnel : pour elle, les atteintes étant si importantes qu’aucun report ne pouvait avoir lieu.
C’est ainsi que le 15 avril 2011, la Cour de cassation a rendu quatre arrêts indiquant que la mise en conformité du régime de la garde à vue ordinaire avec l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme (assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue) ne pouvait être différée.
C’est donc avec 45 jours d’avance que la décision du Conseil Constitutionnel est entrée en vigueur par l’effet des décisions de la Cour de Cassation.
La directive C de l’Union Européenne - 22 octobre 2013.
Peu après, le Parlement Européen est lui aussi entré dans la danse en prenant le 22 octobre 2013 la « Directive C » (Directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires) avec une entrée en vigueur dans les droits internes des États membres au plus tard le 27 novembre 2016.
La Commission Européenne, insatisfaite du cadre procédural français a mis en demeure l’état Français de se mettre en conformité avec la Directive C.
Par une nouvelle mise en demeure en date du 23 septembre 2021, la Commission a fait connaître au Gouvernement qu’elle estimait que certaines des dispositions du code de procédure pénale étaient contraires à la « directive C ».
Après que le Gouvernement lui a, sans juger bon d’en aviser le Parlement, adressé de nouvelles observations le 23 novembre 2021, la Commission a rendu un avis motivé le 28 septembre dernier pour pointer une transposition « incorrecte » sur deux points qui concernent :
- d’une part, l’étendue du droit de la personne gardée à vue de communiquer avec un proche en ce qu’elle limite les personnes pouvant être prévenues à « une personne avec laquelle elle vit habituellement » ; « l’un de ses parents en ligne directe » ou « l’un de ses frères et soeurs » [1]
- et, d’autre part, les conditions dans lesquelles il est possible pour les officiers de police judiciaire de procéder à l’audition d’une personne gardée à vue sans l’assistance de son avocat puisque la Commission considère que sont contraires au droit européen :
- l’audition immédiate « lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent » au motif que ce motif est trop large et fourre-tout [2]
- la possibilité donnée à l’officier de police judiciaire, deux heures après avoir contacté l’avocat du gardé à vue, de débuter la première audition même si l’avocat ne s’est pas encore présenté : « La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé [...] de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat » [3].
On rappellera que, dans cette hypothèse d’audition sans avocat comme à tout moment de la garde à vue, la personne concernée peut au demeurant exercer son droit à garder le silence, droit dont elle aura obligatoirement été informée au démarrage de la mesure.
C’est donc un sacré camouflet pour la France qui, en dépit de la réforme de 2011, n’a toujours pas un régime de la garde à vue conforme au droit européen.
Le projet de loi n°2041.
Pour palier ces trois problèmes, le projet de loi n°2041 actuellement en discussions (27 décembre 2023) prévoit que :
1) Le gardé à vue peut faire prévenir « toute autre personne qu’elle désigne » (ami, collègue, tiers, potentiel complice, etc.) et non pas seulement des membres de sa famille limitativement désignés [4]
2) Si l’avocat désigné (qu’on dit aussi ’choisi’ dans le jardon) ne peut être contacté ou déclare ne pas pouvoir se présenter ou ne se présente pas dans les deux heures suivant la prise de contact, l’OPJ ne peut pas commencer l’audition mais doit contacter la permanence du Barreau pour avoir un avocat commis d’office
3) Le délai de carence de deux heures pour effectuer la première audition en présence de l’avocat commis d’office est supprimé, aucune audition ne peut avoir lieu sans l’avocat commis d’office même s’il arrive après un délai de deux heures (« Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’article 63‑3‑1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat » est supprimé)
4) La dérogation « permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves » est remplacée par la formule plus restrictive « éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale ».
Autrement dit, le projet de loi :
- Supprime le délai de carence (le délai d’attente obligatoire de l’avocat par les enquêteurs) de deux heures qui permettait à l’OPJ de commencer la première audition sans l’avocat commis d’office une fois ce délai expiré
- Supprime la possibilité pour l’OPJ d’effectuer les auditions postérieures sans l’avocat.
Sans la présence de son avocat choisi ou commis d’office, peu importe qu’il ait été prévenu, « le gardé à vue ne peut être entendue sur les faits ».
Ce texte renforce donc la présence de l’avocat « dès le début de la garde à vue » mais surtout encore plus important « à tout moment au cours de celle‑ci ».
Aucune audition du gardé à vue ne pourra plus avoir lieu sans l’avocat, sauf exception dument motivée
En effet, une pratique courante de certains commissariats était de faire une première audition « à blanc », ou « vide », en présence de l’avocat qui serait forcément là puisque prévenu avec un délai de deux heures, et de provoquer une deuxième audition, la « vraie audition » qu’ils pouvaient commencer immédiatement sans aucun délai de carence, ne laissant bien souvent pas le temps à l’avocat, retourné à son cabinet après l’audition n°1, de revenir au commissariat immédiatement. L’OPJ pouvait ainsi, par ce subterfurge autorisé par le texte, réaliser des auditions sans attendre l’avocat.
Les possibilités de procéder à une audition immédiate sont toujours possibles, mais plus strictement encadrées et surtout nécessitent d’être justifiées, justification qui pourra être contestée en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Les failles du projet de loi.
Une faille subsiste : le gardé à vue pourra toujours renoncer tout au long de la garde à vue à son droit à un avocat. Nul doute que les enquêteurs s’engouffreront dans cette brèche pour fortement suggérer au gardé à vue de renoncer à ce droit, en faisant miroiter comme toujours des mirages : sortie de garde à vue plus rapide, clémence du Procureur, peine plus légère, faux coup de fil devant le prévenu, voire même cigarette offerte.
Mon avis d’avocat praticien.
Cette réforme est une bonne chose puisqu’elle :
- permet de rééquilibrer les pouvoirs envers un Procureur de la République qui, malgré ce qu’il prétend, enquête toujours à charge et jamais à décharge
- prend en compte la disponibilité et les contraintes organisationnelles de l’avocat qui était jusqu’ici considéré comme la dernière roue du carrosse, derrière le médecin et l’intérprète
- donne un rôle plus important à l’audience pénale avec, comme dans les pays de Common Law, une enquête qui se fait également au cours de l’audience et cette fois dans des conditions beaucoup plus équilibrées avec notamment l’accès au dossier, la cross examination, le temps, etc.
- renforce la sécurité des procédures en donnant force plus probante aux éventuelles réponses du gardé à vue réalisées en présence de son avocat
Aux Cassandre qui crient déjà à la perte d’efficacité, ce sont les mêmes qui étaient déjà vent debout contre la réforme de 2011 et mettaient en garde contre une destabilisation de la procédure et une atteinte à la manifestation de la vérité.
Pourtant, à la suite de la réforme de 2011 le nombre de condamnations est resté stable : de 590 000 en 2011, il n’a que très légèrement diminué à 560 000 en 2021 (Source : Ministère de la justice/SG/SDSE, fichier statistique du Casier judiciaire national).
Les pouvoirs s’équilibrent entre poursuite et défense, et c’est une bonne chose pour la Justice et le justiciable.
Résumé de la réforme.
A la demande de la Commission Européenne, l’état Français va modifier le régime juridique de la garde à vue en imposant de manière effective l’avocat dès le début de la garde à vue et tout au long de la mesure. La réforme supprime le délai de carence de deux heures qui permettait jusqu’alors à l’enquêteur de commencer l’interrogatoire, même sans avocat, une fois ce délai expiré.
Il ne sera donc plus possible d’auditionner le gardé à vue sans son avocat, à moins que ce dernier ne renonce à son droit ou que la procédure relève du régime dérogatoire de la criminalité organisée.
Discussions en cours :
Cet article est à charge contre le Parquet et la police, c’est une vision plutôt manichéenne, réductrice et peu objective. Le rôle des juges européens est d’interpréter le droit français au regard des textes européens ratifiés par la France. Or, la jurisprudence européenne interprète les textes d’un point de vue anglo-saxon alors que notre droit est inquisitoire devenu mixte sous l’influence de la CEDH. Devant ces juridictions c’est majoritairement les droits de la défense qui sont évoqués par les avocats, même si l’État français à son mot à dire. Il est ainsi normal que le procès pénal français finisse par évoluer toujours plus sur ce volet, au bénéfice des mis en cause (C’est vrai que les plaignants ne sont que rarement assistés). Mais vous omettez de dire que le droit anglo-saxon offre des pouvoirs de police plus importants et plus intrusifs qu’en France en contre-partie. Certes il y a les droits de la défense, mais il y a aussi la défense de la société, de l’Ordre public et des plaignants, mission à la charge de l’Etat et non des avocats. Le symbole de la justice c’est l’équilibre. Les exemples que vous donnez pour les enquêteurs sont à la marge de la réalité mais vous en faites une généralité. Quel est l’intérêt pour l’enquêteur d’être malhonnête alors que la procédure est contrôlée à plusieurs stades ? Les avocats pourraient utiliser le droit mais pas les enquêteurs ? C’est le rôle du policier que de rechercher la preuve et d’avoir aussi une approche psychologique. À même échelle, parlons alors des avocats qui ne maitrisent pas la procédure pénale car non pénalistes au détriment de leur client, ceux qui jouent sur leur portable pendant les auditions, ceux qui passent des appels pendant les interrogatoires, ceux qui ne se présentent pas lors des prolongations car c’est moins bien payé et ceux qui font exprès de venir en retard pour ralentir la procédure. Comment la police fera s’il faut appeler le barreau toutes les deux heures ? On ne fait plus d’audition ? Le délai de carence c’est pour éviter que les avocats ne viennent que quand ça les arrange et pour ne pas trop ralentir l’enquête durant le temps de garde à vue qui sert à rechercher les preuves à charge et à décharge. Vous n’avez pas évoqué les gardés à vue qui finissent par renoncer à l’avocat car ils en ont assez de l’attendre dans leur cellule. Le rôle de l’avocat c’est de montrer le doute s’il existe, expliquer à son client les rouages de la chaîne pénale, l’accompagner et travailler sur le quantum de la peine. Ce n’est pas de perdre ou gagner des procès. L’avocat est un acteur du procès pénal et il doit travailler avec l’enquêteur pour s’approcher de la vérité judiciaire, c’est dans l’intérêt du mis en cause, du plaignant et de la société.
Antoine,
Vous prétendez conclure en affirmant que : "’L’avocat (...) doit travailler avec l’enquêteur pour s’approcher de la vérité judiciaire. C’est dans l’intérêt du mis en cause, du plaignant & de la société".
Vous devriez vous souvenir de votre cours de libertés publiques : la liberté est le principe & la privation de liberté l’exception.
Sous le contrôle du juge & non de l’enquêteur, l’avocat ne travaille pas avec l’enquêteur car il a vocation à défendre le GAV par une application du CPP qui doit être stricte.
Et il n’est pas du devoir de l’avocat de rechercher la vérité mais de signaler dans ses observations orales & écrites les éventuelles irrégularités des GAV.
En résumé, chacun doit rester à sa place.
Respectueuses salutations.
Pierre MARTEL, avocat sp. en droit fiscal & en droit douanier, membre de la Défense Pénale Assistée du barreau de Grasse.
Maître,
Je pense que vous n’avez pas compris mon propos et vous répondez à côté : mon commentaire n’est pas la question de la décision de privation de liberté ni son contrôle par l’avocat. Son rôle ne se cantonne pas qu’à cela (ça fait partie du fait "d’expliquer les rouages de l’enquête à son client"), même si je consois qu’il peut parfois être difficile de faire plus durant cette partie de l’enquête. Et je n’ai jamais remis en cause cette prérogative de base ni indiqué que les OPJ contrôlaient les privations de libertés bien que leur qualification spécifique leur confèrent une responsabilité (toujours sous le contrôle d’une autorité judiciaire). Les avocats travaillent aussi sur le doute car "il bénéficie à l’accusé". C’est, à mon sens, bien essayer de se rapprocher d’une vérité judiciaire en vue du procès pénal. L’avocat travaille sur le doute (et dès la phase de garde à vue pour beaucoup de vos confrères). Le policier lui doit enquêter à charge et à décharge, car il a en face de lui des suspects ou mis en cause (et non des accusés ou condamnés) : il doit lever le doute ou ne laisser qu’un doute raisonnable. Ces deux principes se complètent pour la vérité judiciaire. Chacun à sa place, chacun son rôle oui mais, ils se complètent. C’est cela mon propos car je vous ai reproché d’avoir une vision un peu trop manichéenne entre policiers et avocats alors que bien souvent ils travaillent de concert, chacun jouant son rôle pour la vérité judiciaire (lever le doute c’est une forme de défense, c’est bien s’approcher de la vérité judiciaire qui ne se conclut pas toujours par une condamnation). On n’oppose trop souvent les avocats et les policiers, c’est ça que je voulais conclure car chacun justement oublie souvent qu’il n’est pas dans un camp. Et les interprétations de jurisprudence par les uns et les autres se nourrissent trop de cette fausse situation : les uns voyant d’un mauvais oeil le renforcement de la défense durant l’enquête car ils se demandent comment ils vont faire pour élucider à la fin, les autres en demandant toujours plus pour démonter plus facilement les réquisitions du Parquet. C’est oublier l’équilibre de la justice, son symbole, que de favoriser l’un ou l’autre. C’est l’arbre qui cache la forêt : la vraie question, pour moi, c’est continuons nous de nous faire condamner notre droit inquisitoire par la jurisprudence européenne ou sautons-nous le pas et reformons le procès pénal vers l’accusatoire ? L’entre-deux actuel complique le travail des enquêteurs qui ne demandent qu’une vraie simplification de la procédure avec un équilibre entre droits de l’homme et pouvoir de police.
Article d’une consternante mauvaise foi quant à la pratique des enquêteurs qui sont les premiers à vouloir respecter la procédure pénale.
Les OPJ responsables de la garde à vue vont, en plus de subir encore et toujours la lourdeur de la procédure pénale, devoir attendre des heures et des heures qu’un avocat se pointe pour un simple vol à l’étalage si le gardé à vue désire un avocat. On marche sur la tête alors que les FDO sont déjà suremployées.
Ce n’est qu’une réforme de plus... Les avocats peuvent se réjouir...Mais pour répondre à l’auteur de cet article :
Vous dénoncez le comportement des OPJ qui suite à la réforme de 2011 promettaient tout et plus aux personnes placées en garde à vue en échange de la présence de l’avocat... Vous oubliez de parler du comportement de certains avocats qui attendaient sciemment le délai de deux heures avant de contacter le commissariat pour annoncer leur arrivée imminente...quelques fois plusieurs heures après.....
Lors de cette révolution qu’a été la présence de l’avocat au cours des auditions, la majorité des conseils se sont rués sur les commissariats, enfiilant leurs robes... Déclamant comme en audience... et puis petit à petit....... les "ténors" se sont rendus compte qu’ils perdaient du temps... et donc de l’argent... et ils sont venus de moins en moins... "Vous direz à mon client que je le verrai à l’audience"... Laissant la place aux avocats commis d’office........... qui n’étant pas assez nombreux, ne pouvaient assurer l’ensemble des demandes.....
Cette réforme comme toute les réforme sera absorbée par les enquêteurs... Ils s’adapteront et comme vous le dites si bien... Les déclarations des personnes mises en cause faites devant un avocat si mauvais soit il... ont plus de crédit.... cela rassure.......
Néanmoins, lorsque l’on connait le nombre d’avocats présents sur un département et le nombre de garde à vue qui s’y déroule par jour, on peut douter du fait que chaque personne placée en garde à vue bénéficie de la présence d’un avocat au cours de celle-ci..... A moins que nos universités n’en forment davantage.