Par un accord trouvé en 2003 entre Amazon et le Luxembourg, pays comprenant le siège social du géant de l’e-commerce, le Grand Duché aurait accordé des rescrits fiscaux [1] ayant permis l’entreprise Amazon EU de transférer ses bénéfices réalisés en Europe vers une seconde société, Amazon Europe Holding Technologies, qui elle, est exonérée d’impôts. Alors que les bénéfices d’Amazon en Europe s’élèvent à près de 51 milliards d’euros en 2021, la réalisation de ce montage aurait permis au géant américain d’échapper au paiement de 250 millions d’euros d’impôts.
Même si les rescrits fiscaux, représentants une réponse de l’Administration fiscale afin d’éclairer la situation d’un demandeur, sont tout à fait admis par le droit européen, il n’en est pas moins que la Commission européenne a considéré, en l’espèce, un tel mécanisme comme étant « un avantage contraire au marché intérieur » [2], autrement dit, une aide d’État illégale.
C’est ainsi que le Tribunal de l’Union européenne est dans un premier temps saisi par l’exécutif européen, réclamant le remboursement de 250 millions d’euros d’économies réalisées par Amazon provenant des avantages fiscaux indûment attribués. Par une décision remarquée du 12 mai 2021 [3], les juges rejetteront la demande de la Commission au motif qu’il était impossible d’établir la réelle existence d’un avantage octroyé par le Luxembourg, ne pouvant donc caractériser une aide d’État illégale et entraîner une condamnation.
Mécontente de cette décision, la Commission forma un pourvoi, avec la volonté de faire de cette éventuelle condamnation un exemple à l’égard des géants de la Silicon Valley s’installant en Europe dans un objectif exclusivement fiscal.
Néanmoins, par cet arrêt tant attendu du 14 décembre 2023 [4], la Cour de justice de l’Union européenne rejeta le pourvoi formé par la Commission, affirmant de nouveau qu’en aucun cas, il était possible de démontrer une quelconque illégalité dans les rescrits fiscaux accordés, en raison d’une absence d’avantage caractérisé au profit d’Amazon.
Cette décision n’est pas surprenante, puisqu’elle s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence européenne qui décida, le 5 décembre 2023 [5], de ne pas condamner l’entreprise énergétique française Engie, pour des montages financiers similaires qui lui auraient permis de bénéficier d’une économie d’impôt à hauteur de 120 millions d’euros. Des décisions similaires ont été rendues au profit des entreprises Fiat, Starbucks ou encore Apple.
Enfin, la réponse apportée par la Cour de justice de l’Union européenne pourrait provoquer à l’avenir des conséquences à trois niveaux.
Tout d’abord, il est possible que la légitimité de la Commission européenne se trouve entachée en raison de ce nouvel échec face aux multinationales, presque intouchables jusqu’alors d’un point de vue de la fiscalité.
Ensuite, cette décision risque de conduire à une hausse des montages financiers de la sorte au profit de multinationales, dans le but de réduire voir d’éliminer totalement l’imposition de ces dernières, parfois au détriment des États.
Enfin, cette décision ne sera pas sans conséquences sur les Etats européens disposant d’une politique fiscale avantageuse, en ne citant que le Luxembourg ou encore l’Irlande. En effet, ces derniers ainsi que de nouveau états pourraient être amenés à proposer des dispositifs similaires afin de renforcer d’une part leur système économique fondé en partie sur l’attirance des grandes entreprises sur leur territoire et d’autre part, afin de favoriser une politique de plein-emploi si recherchée par les États.