Que signifie l’expression « donner quitus » ?
Donner quitus consiste à approuver la bonne exécution des missions confiées à une ou plusieurs personnes dans le cadre d’un mandat. Par définition, le fait de donner quitus décharge le mandataire de toutes ses responsabilités. Aussi, la notion de quitus est-elle indissociable de la notion de mandat (tout mandataire gère les biens d’autrui et doit selon l’article 1993 du Code civil rendre compte de son mandat).
Au sein d’une copropriété, les copropriétaires donnent mandat à un syndic de gérer la copropriété.
Chaque année, le syndic rend compte de cette gestion auprès des copropriétaires au cours de l’assemblée générale. Il peut alors leur demander de lui donner quitus, par un vote à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire de ratifier tous les actes qu’il a accomplis et d’attester que son mandat a bien été exécuté.
Cette ratification porte non seulement sur les actes pertinents des pouvoirs donnés au syndic par l’article 18 de la loi de 1965 susvisée, mais également sur les actes qui relèvent d’un pouvoir autonome du syndic, tel celui du licenciement du personnel du syndicat des copropriétaires en application de l’article 31 du décret du 17 mars 1967.
Toutefois, les copropriétaires n’ont pas l’obligation de donner quitus au syndic. Il est parfois même conseillé de ne pas le faire puisque le fait de donner quitus décharge le syndic de toutes ses responsabilités eu égard à la gestion de la copropriété (CA d’Aix-en-Provence, 1re ch., du 10 mai 2006, n°2005/04576).
Afin de limiter la portée du quitus, celui-ci peut ne porter que sur un ou plusieurs actes de gestion et ainsi ne pas couvrir l’ensemble de la gestion du syndic.
Il reste que le quitus ne porte bien entendu que sur les faits correspondant à la période pour laquelle il a été donné (CA de Paris, 23e ch., du 23 octobre 2003, n°2003/05407).
Quel que soit l’étendue du quitus, les copropriétaires n’ont alors plus la possibilité d’attraire le syndic en raison de sa gestion. Ils se privent ainsi d’une action éventuelle en responsabilité contractuelle alors que des fautes du syndic peuvent se révéler bien après le vote du quitus.
On citera par exemple, le défaut de paiement de la prime d’assurance qui peut être découvert à l’occasion d’un sinistre, une dette non réglée qui peut resurgir a posteriori, etc.
La limite de l’exonération du syndic.
Mais, le quitus perd son caractère exonératoire pour les actes non portés à la connaissance de l’assemblée générale ou lorsque le syndic a tenu les copropriétaires dans l’ignorance par des manœuvres frauduleuses. Il ne saurait pas plus concerner un litige en cours (CA d’Aix-en-Provence, 4e ch., du 1er juin 2007, n°2007/287).
A contrario, si le syndic a informé complètement et loyalement le syndicat d’un manquement ou d’une difficulté, le quitus le libère, même en cas de faute. Dans cette hypothèse, il ne suffira pas au syndic d’invoquer le quitus. Il devra en outre, apporter la preuve qu’il a bien informé les copropriétaires sur les faits qui lui sont reprochés. La plupart des actes de gestion ayant une traduction comptable, il semble facile, pour le syndic, de démontrer qu’en approuvant les comptes, les copropriétaires, sans le savoir, en ont nécessairement eu connaissance.
Mais gardons à l’esprit que c’est au juge qu’il incombera d’apprécier souverainement si le syndic a réellement apporté une information loyale et complète à l’assemblée générale.
Il est intéressant de souligner également que le quitus donné par l’assemblée générale ne joue que sur le terrain contractuel, le fondement du lien de droit entre le syndic et la copropriété étant un mandat, qui est un contrat. Il ne prive donc pas un copropriétaire d’engager la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle du syndic pour une faute commise par ce dernier et qui aurait causé un préjudice personnel au dit-copropriétaire à condition d’en apporter la preuve (CA de Paris, 23e ch., du 10 février 2005, n°2004/07762).
Cependant, si un copropriétaire compte agir individuellement contre le syndic, il semble préférable qu’il n’est pas voté le quitus lors de l’assemblée générale.
Le mandat de syndic, un contrat avant tout basé sur la confiance.
Il pourrait donc être tentant de refuser le vote du quitus, par simple prudence. Toutefois, le refus de donner quitus met la copropriété dans une position délicate vis-à-vis de son gestionnaire puisque le fait d’opposer un refus systématique équivaut clairement à un acte de défiance, contraire à la notion même de mandat. Une telle situation, ne démontre-t-elle pas la nécessité de changer de syndic ?
Profitons de cette interrogation pour balayer ici l’idée selon laquelle, le refus de quitus entraîne la révocation tacite du syndic : si les copropriétaires veulent révoquer le syndic, ils doivent le faire de façon expresse par un vote qualifié à la majorité de l’article 25 de la loi de 1965. Ainsi, si le refus du quitus peut apparaître comme un vote de défiance à l’égard du syndic, ce vote ne vaut pas pour autant motion de censure. Inversement, le vote du quitus ne vaut pas reconduction tacite de son mandat (CA d’Aix-en-Provence, 1re ch., du 10 mai 2006, n°2005/04576). Là encore, un vote à la majorité de l’article 25 est nécessaire.
Sachant qu’un quitus n’est valablement exonératoire que s’il a été donné sans réserve, il peut donc être plus adroit de voter le quitus en émettant des réserves. Il est alors nécessaire de préciser les actes sur lesquels elles portent pour qu’elles soient valables dans le procès-verbal d’assemblée générale. Le fait d’émettre une ou des réserve(s) a ainsi deux conséquences majeures : il remet, tout d’abord, la question au vote l’année suivante.
Ainsi, le syndic a le temps d’apporter des réponses et des solutions aux copropriétaires. Pour pousser le raisonnement jusqu’au bout, avant le vote du quitus, le syndic peut même être amené à présenter un véritable rapport de gestion. D’autre part, il permet de se préserver d’un quelconque rapport de force et donc de conserver un climat de confiance.
Discussions en cours :
Bonjour,
Quels sont les éventuels inconvénients réels de ne pas donner quitus à son syndic ?
De mon point de vue, en lui donnant quitus, on se prive de tout en échange de rien, et en ne le donnant pas, on garde des possibilités en ne perdant rien.
Mais peut-être ai-je tort, et j’aimerais donc connaître les réels inconvénients, en terme de droit, de contrats, etc à ne pas donner quitus.
Bien entendu, je comprends que ça puisse déplaire au syndic qui le verrait comme une défiance, mais à mon sens la susceptibilité n’a pas sa place dans une relation contractuelle (la confiance n’exclut en rien le contrôle - bien au contraire, et tout professionnel digne de ce nom doit le comprendre), donc cet argument est à mes yeux dépourvu de toute valeur.
Ce qui m’intéresse, c’est le risque réel : qu’il soit en terme de procédures judiciaires, de coûts, et autres.
Si comme je le pense, il n’y a en effet aucun intérêt à donner le quitus, et aucun risque à ne pas le donner, je m’interroge sur sa simple raison d’existence, et sur le simple fait de ne pas avoir légiféré sur son abolition...
Qui plus est, le simple fait de "demander le quitus", rend à mes yeux le syndic suspect : pourquoi demande-t-il ce blanc-seing ? Se sait-il coupable de quelque chose ? Sent-il que sa gestion n’est pas irréprochable et l’expose à des risques ?
Les copropriétaires lors de l’AG ont donné quitus au syndic et l’ont révoqué au point suivant de l’ordre du jour, c’est à dire "renouvellement du contrat de syndic".
Cela me paraît une incohérence.
Pour ma part ayant eu un problème important avec mon compte personnel (réclamation de 500 € que je ne devais pas) j’ai voté contre.
J’ai particulièrement apprécié le parallèle entre le quitus et la notion de défiance vis à vis du gestionnaire. 99% des copropriétaires votent en suivant l’exemple d’une personne plus ou moins influente dans l’assemblée, sans connaître la véritable portée de leur avis.
Bonjour,
C’est effectivement la raison pour laquelle il me semble primordial d’expliquer en AG la notion de quitus.
Bien cordialement
Bonjour et merci des infos.
Ayant refusé le quitus dans l’assemblée de 2018 et ayant la m^meintention pour 2019, le syndic ne l’a pas demandé dans l’ordre du jour ! Comme cela il ne risque pas de rejet !
Il dit qu’il n’a pas obligation de solliciter ce quitus chaque année.
Alors que faire pour manifesté son désaccord de façon formel ?
Merci beaucoup de votre aide
JF 0607052013
Bonjour,
Chaque année en assemblée générale, on vote l’approbation des comptes mais pas le quitus. Cela semble suffire à notre syndic. Jusqu’à maintenant, il ne nous a encore jamais demandé de voter de quitus. Mais quelle différence y a-t-il entre quitus et approbation des comptes ?
Merci
Il est important de ne pas confondre approbation des comptes et quitus, les deux n’étant pas nécessairement liés : même si les deux questions font souvent l’objet de deux résolutions distinctes de l’ordre du jour lors de l’assemblée générale des copropriétaires, elles doivent donner lieu à deux votes séparés afin que l’approbation des comptes n’emporte pas quitus et que l’annulation de l’une n’ait pas d’effet automatique sur l’autre (CA de Paris, 23e ch., du 28.6.01, n° 2000/14364, 2000/18112).
Si le quitus n’est pas inscrit à l’ordre du jour, l’approbation des comptes ne vaudra pas quitus, car seules les questions inscrites à l’ordre du jour sont valablement votées par l’assemblée générale.
Rappelons également qu’en approuvant les comptes, le syndicat des copropriétaires entérine l’ensemble des opérations financières réalisées par le syndic au cours de l’exercice écoulé, et non l’ensemble de sa gestion qui englobe les aspects tant administratifs que comptables de sa mission.