Je ne m’attarderai pas ici sur les deux derniers de ces articles. Il importe simplement de savoir qu’ils ont été modifiés pour abaisser la majorité de colotis exigée pour demander à l’autorité publique compétente de modifier les documents du lotissement (article L.442-10) et renforcer la faculté, pour cette même autorité, de mettre en concordance les documents du lotissement avec le Plan Local d’Urbanisme (article L.442-11). Mais ces deux possibilités sont, à ma connaissance, assez peu utilisées et la jurisprudence en la matière reste très clairsemée.
L’article L.442-9 du Code de l’Urbanisme, en revanche, fait l’objet d’un contentieux qui se développe et ne peut à mon avis qu’augmenter, à la fois car il est très maladroitement rédigé et compte tenu du manque de terrains disponibles pour construire.
En voici la version actuelle (qui diffère très peu de celle issue de la loi ALUR, tenant simplement compte d’un changement de numérotation de l’article qui concerne les terrains lotis en vue de la création de jardins) :
« Les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu.
De même, lorsqu’une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s’appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu, dès l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l’article L. 115-6.
Toute disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble, contenue dans un cahier des charges non approuvé d’un lotissement, cesse de produire ses effets dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 précitée si ce cahier des charges n’a pas fait l’objet, avant l’expiration de ce délai, d’une publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier.
La publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier est décidée par les colotis conformément à la majorité définie à l’article L. 442-10 ; les modalités de la publication font l’objet d’un décret.
La publication du cahier des charges ne fait pas obstacle à l’application du même article L. 442-10. »
Rappelons-le : les parties communes et éléments communs des lotissements sont le plus souvent administrés par des Associations Syndicales Libres (ASL) ou des Associations Foncières Urbaines Libres (AFUL), dont l’organisation interne est régie par des statuts.
S’y ajoutent, en règle générale, un cahier des charges, un règlement de lotissement ou un cahier des charges approuvé. Malheureusement, les dénominations varient et ces documents coexistent parfois, ce qui contribue au flou artistique en la matière.
Ils comportent souvent des règles encore plus contraignantes que celles contenues dans le Plan Local d’Urbanisme de la commune à laquelle le lotissement appartient, d’où la volonté législative d’en altérer la portée.
Le cahier des charges est contractuel par nature, ce qui logiquement devrait le rendre inamovible. Pour tenter de passer cet écueil, le texte distingue en son sein « les clauses de nature réglementaire » des « droits et obligations régissant les rapports entre colotis ». Les premières sont réputées caduques dans les dix ans de l’arrêté de lotir. Quant aux seconds, ils sont maintenus. Mais qu’est-ce qu’une clause de nature réglementaire ? Comment demander au Juge Civil de porter une telle appréciation ? Et comment, au surplus, appréhender la notion de « disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble », introduite par la loi ALUR ? Ce malaise évident n’est sans doute pas étranger au fait qu’aucun décret ne soit encore paru (trois ans plus tard et à deux ans de l’échéance fixée) s’agissant des modalités de publication mentionnées au dernier alinéa de l’article L.442-9… Et sa parution n’apporterait d’ailleurs pas franchement de solution au problème.
Cela pourrait paraître plus simple s’agissant du règlement de lotissement et du cahier des charges approuvé. Le règlement de lotissement est en réalité, depuis 1977, la nouvelle appellation du cahier des charges approuvé. Ce changement visait à mettre fin à la double nature (à la fois administrative et civile, réglementaire et contractuelle) du cahier des charges approuvé. La loi ALUR a en tout cas, pour ces deux documents, supprimé la possibilité pour les colotis de demander le maintien des règles qu’ils contiennent à la majorité de l’article L.422-10 (et privé d’effet les demandes de maintien opérées avant son entrée en vigueur). Ainsi, la situation devait a priori être plus claire que pour les cahiers des charges non approuvés : les règles d’urbanisme contenues dans les règlements de lotissement et les cahiers des charges approuvés devaient être frappées de caducité dans les dix ans de l’arrêté de lotir, sans qu’il soit besoin de trier, d’interpréter, etc…
Mais la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation ne l’entend pas de cette oreille et l’année 2016 nous a apporté à ce sujet quelques démonstrations éclatantes.
Dans son arrêt du 7 janvier 2016 (n°14-24.445), elle confirme ne voir aucun obstacle à ce que les membres d’un lotissement choisissent de « contractualiser » un règlement de lotissement, de façon à ce que les règles qu’il contient échappent à la sanction de la caducité passés les dix ans de l’autorisation de lotir.
La loi ALUR, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, ne remet donc pas en cause cette possibilité, ouverte avant elle par la jurisprudence.
En outre, est validée la position de la Cour d’Appel qui avait estimé qu’un article du règlement de lotissement prohibant un certain type de constructions n’était pas une règle d’urbanisme « mais une disposition destinée à régir les rapports entre les colotis et les modalités de vie en commun (…) ».
Son arrêt du 21 janvier 2016 (n°15-10.566) est le seul à avoir fait l’objet de quelques commentaires, sans doute car il a été publié au bulletin.
Il confirme le caractère contractuel des clauses du cahier des charges régissant les constructions comprises dans le lotissement, ce qui en soi n’est pas étonnant.
Mais, au passage, l’opportunité de poser une question préjudicielle à la juridiction administrative (sur le fait de savoir si la clause considérée devait être qualifiée ou non de règle d’urbanisme) est écartée.
Or, il s’agissait d’un article du cahier des charges « limitant la superficie des constructions pouvant être édifiées sur chaque lot »…
Cette prise de position prend d’autant plus de force que la décision de premier degré était une ordonnance du Juge des Référés ordonnant une démolition après avoir retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite, ce qui paraissait extrêmement sévère.
L’arrêt rendu le 29 septembre 2016 (n° 15-22414 et 15-25017) me paraît tout aussi important.
La Cour d’Appel estimait qu’un règlement de lotissement (dont on comprend qu’il avait ensuite été rebaptisé cahier des charges, certaines modifications ayant à cette occasion été opérées) devait être considéré comme ayant acquis une valeur contractuelle.
Cette appréciation est validée sans équivoque par la Cour de Cassation, mais avec encore plus de fermeté que dans sa décision du 7 janvier 2016 :
« Mais attendu qu’ayant retenu souverainement que l’article 3-02 du cahier des charges du lotissement, prévoyant la création d’une construction par lot d’un ou plusieurs logements, n’était pas la reproduction de la règle d’urbanisme plus contraignante prévoyant une seule construction d’un logement par lot et exactement que cette règle du cahier des charges avait un caractère contractuel et était justifiée par la destination du lotissement et engageait les colotis entre eux, la Cour d’Appel, qui a relevé qu’une construction à usage d’habitation avait déjà été édifiée sur le lot n° 15, n’a pu qu’en déduire, sans dénaturation, que M. J… et Mme I… devaient démolir la construction édifiée (…). »
La 3ème Chambre Civile persiste et signe le 13 octobre 2016 (n° de pourvoi 15-23674), cette fois concernant un cahier des charges approuvé.
Elle affirme sans détour « que les clauses du cahier des charges d’un lotissement, quelle que soit sa date, approuvé ou non, revêtent un caractère contractuel et engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues (…). »
Une démolition lourde de conséquences est à nouveau validée : il s’agit d’une piscine, de trois murs de soutien et d’un local technique.
Mais elle marque aussi la volonté de la Cour de Cassation de s’affranchir de la lettre de l’article L.442-9 du Code de l’Urbanisme issu de la loi ALUR, ce quel que soit le document considéré.
En résumé, les règlements de lotissement peuvent selon elle devenir des contrats au-delà des dix ans de l’autorisation de lotir (si les colotis en ont marqué la volonté) et les cahiers des charges (qu’ils soient approuvés ou non) rester applicables dans leur globalité sans condition de délai.
A la réflexion, cette entrée en résistance n’a rien de surprenant : abstraction faite des difficultés d’interprétation presque insurmontables engendrées par l’article L.442-9 du Code de l’Urbanisme, la nécessité de construire davantage ne doit pas se faire au mépris d’autres impératifs (en l’occurrence, la force obligatoire du contrat et le respect du droit de propriété).
Discussions en cours :
Vos articles sont très intéressants.
Ma question : Est-il possible d’étendre le périmètre d’une ASL ? Si tel était le cas, je suppose que cela nécessite une décision à l’unanimité ? Peut-on limiter le pouvoir des nouveaux entrants ?
Précisions : Lotissement 10 colotis. L’ASL possède une rue d’accès au lotissement situé en bout de rue enclavé sans cette rue. A charge de l’ASL et de ses membres, l’entretien de la rue et des trottoirs et une servitude de canalisations souterraines et "un droit de passage les plus étendus" , ces deux servitudes conventionnelles accordées aux riverains de la rue non enclavés et ne faisant pas partie de l’ASL. Peut-on pour plus de commodités et avec l’accord des fonds dominants étendre le périmètre de l’ASL pour inclure ces riverains pour permettre de réglementer le stationnement dans la rue et de faire participer tous les riverains colotis ou non aux frais de réfection puis d’entretien de la rue ?
Je vous remercie
Chère Madame,
Etendre le périmètre d’une ASL est possible, pour autant que cela soit conforme à son objet. Il faut à tout le moins l’accord de ceux qui "entrent". Mais le sujet est complexe et le mieux serait que nous en discutions de vive voix, au 0130987500.
Bien cordialement
JN
Je vous remercie de me m’avoir répondu.
Vos articles sont très clairs et c’est rare
Je suis président d’une Association syndicale libre avec 23 colotis. Je remercie Mr Nalet pour sa mise au point fort intéressante. Je compte évoquer la position de la Cour de Cassation sur la loi Alur lors de notre prochaine Assemblée générale. L’analyse de Mr Nalet me sera d’un grand secours. Très cordialement.
M Martin
BONJOUR
MA VOISINE NOUS CONVOQUE MOI ET MON EPOUSE DEVANT UN CONCILIATEUR JURIDIQUE POUR DES BRANCHES QUI EMPIETERAIT
SUR LA TOITURE DE SON APPENTIS DE SON ABRI VOITURE .(mauvaise foi)
PUISQUE AUCUNE BRANCHE N APPROCHE DE SA TOITURE.
CET ABRI VOITURE A ETE RAJOUTE EN DEHORS DES LIMITES DE CONSTRUCTION DU CAHIER DES CHARGES DU LOTISSEMENT LIMITE DE 3M NON CONTRUCTIBLE DE 3M.(autour de la parcelle)
CET APPENTI AU FAITE DEPASSE 6 METRES DE HAUT LIMITE SUR LA PARCELLE ET A L EPOQUE VERS LES ANNEES 2000 NOUS AVONS SUBI
UN PREJUDICE ET MIS DEVANT LE FAIT ACCOMPLI.OMBRE MILIEU D APRES MIDI SUR NOTRE TERRAIN REALISATION EN FACE NOTRE SALLE A MANGER OMBRE EGALEMENT PRECOCE APRES MIDI ;
MUR DE 2M ENVIRON BRUT . moellon apparent sans crepis.
VOTRE ARTICLE M INTERESSE PARTICULIEREMENT PUISQUE VOUS PARLEZ DE DROIT DU CAHIERS DES CHARGES DU LOTISSEMENT
ET POUVANT DEMANDER LA SUPPRESSION DE CET APPENTIS
JE VOUDRAIS ETRE SUR DE MON BON DROIT ET VOTRE ARTICLE
ME DONNE DE L ESPOIR DE RAISONNER MA VOISINE.
BONNE JOURNEE YVES
Cher Monsieur,
Effectivement, si l’appentis est non conforme au cahier des charges, vous pouvez théoriquement en demander la démolition (dans les 30 ans de son édification). Je suis à votre disposition pour en discuter au 0130987500.
Bien cordialement
JN
Je n’avais jamais lu un article juridique aussi évident, clair, documenté et argumenté.
Merci.
Cher Monsieur,
Merci vivement pour ce retour positif.
Bien cordialement
JN
Tout est dit, et les contentieux, déjà nombreux avant Alur, ne vont pas manquer tant cet article 442-9 modifié laisse à croire (c’était d’ailleurs la volonté du législateur) que le CC a disparu en matière de clauses réglementaires...
Alain JACQUES
Expert évaluateur Fnaim
Certifié REV par Tegova
Formateur indépendant
Qu’entendez-vous par CC ?
Bonjour,
Concernant l’obligation de respecter le cahier des charges d’un lotissement quant aux règles de construction et de distances, est ce que ces obligations perdurent également pour les ZAC ?
Cordialement
Cher Monsieur, à mon sens, les règles du cahier des charges continuent à s’appliquer tant que l’ASL n’a pas été dissoute et ce malgré l’existence d’une ZAC. Je reste à votre disposition pour en discuter (0130987500).
Cahier des charges approuvé en 1955 par le préfet du VAR.
J’ai cru comprendre que ce cahier des charges pouvait être modifié par ajout d’une clause interdisant la division des lots et autorisant une seule construction mono-familiale par lots si 2/3 des colotis représentant 50% des superficies le demandent. Je précise que cette clause figurait dans le Règlement et qu’elle est devenue caduque du fait de la loi ALUR
J’ai cru comprendre aussi que cette demande devait être sollicitée par l’ASL auprès de l’autorité compétente, le Maire, lui demandant de prononcer cette modification dans la mesure où elle est compatible avec le PLU de la Commune, ce qui est le cas.
Je suppose qu’il suffit de déposer un dossier à la Mairie contenant toutes les demandes individuelles reçues des colotis signées avec tous les calculs justifiant la réalisation de la majorité qualifiée de l’article L442-10.
Dois-je comprendre que le cahier des charges disparaîtra si l’ASL est ensuite dissoute ?
Cher Monsieur,
La question est complexe.
Sur le plan administratif, vous pouvez effectivement demander au Maire d’opérer une modification dans les conditions de l’articles L442-10. Mais vous pouvez tout aussi bien, sur le plan civil, modifier vos documents contractuels en ce sens si les règles d’urbanisme en vigueur ne s’y opposent pas, selon la majorité prévue par vos statuts.
Enfin, la dissolution de l’ASL n’emporte pas nécessairement disparition des contraintes contenues dans le cahier des charges.
Je reste à votre disposition pour en discuter au 0130987500.
Bien cordialement,
JN