ASL, AFUL et lotissements : cinq années de jurisprudence (4ème partie : 2021).

Par Jérôme Nalet, Avocat.

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Explorer : # associations syndicales libres (asl) # actes de saisine # prescription # plan parcellaire

Cet article est le quatrième d’une série de cinq, tous consacrés à la jurisprudence récente de la Cour de Cassation en matière d’ASL, d’AFUL et de lotissements. Il traite des arrêts notables pour l’année 2021.

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Commençons par un arrêt intéressant, bien que d’importance mineure, rendu le 28 janvier 2021 (3ᵉ chambre civile, n°18-26339). Il a le mérite de rappeler deux aspects du contentieux des ASL et des AFUL. D’une part, s’il est vrai qu’elles se forment par un consentement unanime constaté par écrit, la preuve d’une constitution régulière de l’Association peut se faire par tous moyens. Les juges du fond peuvent donc retenir cette régularité, au titre de leur appréciation souveraine, quand bien même les documents établissant le consentement de chaque membre d’origine ne leur auraient pas été fournis, s’ils disposent de suffisamment d’éléments concordants (ici, deux procès-verbaux d’assemblée générale approuvant à l’unanimité les statuts, puis entérinant le premier rapport de gestion). C’est d’autant plus compréhensible lorsque la question est soulevée pour la première fois, presque 50 ans après la constitution de l’Association, comme en l’espèce… L’arrêt, d’ailleurs, ne dit pas si une prescription avait été soulevée : en théorie, le caractère irrégulier de la constitution d’une ASL ou d’une AFUL ne devrait pas pouvoir être soulevé au-delà du délai quinquennal de droit commun. D’autre part, beaucoup plus classiquement, cette décision rappelle que l’appartenance à une Association Syndicale Libre présente un caractère réel : elle est attachée au bien immobilier en question, non à la personne de son propriétaire.

L’arrêt rendu le 15 avril 2021 (3ᵉ chambre civile, n°19-18093 et 19-18619), publié au Bulletin, est beaucoup plus important. Et il a le mérite, pourrait-on dire, de citer ses sources (c’est-à-dire de rappeler les décisions antérieures sur lesquelles il se fonde, comme la Cour de Cassation le fait de plus en plus souvent). Le raisonnement de la Haute juridiction, relatif aux actes de saisine du juge par une Association Syndicale Libre et à leur caractère interruptif de prescription, est tellement limpide que je me permettrai de le citer :

« (…) 23. La jurisprudence de la Cour de cassation distingue deux situations différentes en ce qui concerne la régularité des actes de saisine du juge délivrés par une association syndicale libre.
24. D’une part, lorsque l’acte a été délivré par une association syndicale libre qui n’a pas publié ses statuts constitutifs, l’irrégularité qui résulte de ce défaut de publication, lequel prive l’association de sa personnalité juridique, constitue une irrégularité de fond qui ne peut être couverte (3ᵉ Civ., 15 décembre 2004, pourvoi n° 03-16.434, Bull. 2004, III, n° 238, 3ᵉ Civ., 10 mai 2005, pourvoi n° 02-19.904 et 3ᵉ Civ., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-11.778).
25. D’autre part, lorsque l’acte a été délivré par une association syndicale qui a publié ses statuts, mais ne les a pas mis en conformité avec les dispositions de l’ordonnance du 1ᵉʳ juillet 2004, l’acte de saisine de la juridiction délivré au nom de l’association est entaché d’une irrégularité de fond pour défaut de capacité à agir en justice, qui peut être régularisée jusqu’à ce que le juge statue (3ᵉ Civ., 5 novembre 2014, pourvois n° 13-25.099, 13-21.329, 13-21.014, 13-22.192, 13-23.624, 13-22.383, Bull. 2014, III, n° 136 et 3ᵉ Civ., 3 décembre 2020, pourvois n° 19-20.259 et 19-17.868).
26. Aux termes de l’article 2247 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, l’interruption de la prescription est regardée comme non avenue si l’assignation est nulle pour défaut de forme.
27. Sous l’empire de cette disposition, il a été jugé qu’est également privé d’effet interruptif de prescription l’acte introductif d’instance affecté d’une irrégularité de fond (2ᵉ Civ., 2 octobre 1981, pourvoi n° 80-14.753, Bull. II, n° 176 et 3ᵉ Civ., 18 février 2004, pourvoi n° 02-12.205).
28. Ayant constaté que l’AFUL n’avait publié ses statuts que le 17 octobre 2003, ce dont il résultait que, avant cette date, elle était dépourvue de la personnalité juridique, la cour d’appel a exactement retenu, par ces seuls motifs, que les assignations délivrées par l’AFUL avant la fin de la garantie décennale, intervenue le 30 mars 2003, n’avaient pu produire aucun effet interruptif et que l’irrégularité de fond qui affectait ces assignations ne pouvait pas être couverte.
29. Elle a donc légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes sur l’éventuel maintien de l’effet interruptif attaché, d’une part, aux assignations jusqu’au rejet de l’action et, d’autre part, aux ordonnances de référé auxquelles elles avaient abouti (…)
 ».

En résumé, si une ASL ou une AFUL fait délivrer une assignation en justice alors que ses statuts constitutifs n’ont pas été publiés, il y a là une irrégularité de fond qui ne peut être couverte. Par conséquent, si un délai de prescription ou de forclusion expire ensuite, il ne pourra y être remédié. En revanche, si les statuts de l’Association ont bien été publiés au départ mais qu’ils n’ont pas été mis en conformité avec l’ordonnance du 1ᵉʳ juillet 2004, la situation peut être régularisée jusqu’à ce que le juge statue.

Signalons ensuite, pour l’anecdote, l’arrêt rendu par la 3ᵉ chambre civile de la Cour de Cassation le 3 juin 2021 (n°20-11791). Le litige concerne, comme souvent, un arriéré de charges. La Cour d’Appel de Bastia avait jugé que, le commencement d’exécution par le débiteur faisait obstacle à ce qu’il en oppose la nullité par exception. Mais il s’agissait d’un moyen relevé d’office, ce qui imposait d’inviter les parties à présenter leurs observations, dans le respect du principe du contradictoire… Les juges d’appel n’ayant pas pris cette précaution, leur décision est logiquement cassée.

Enfin l’arrêt rendu par la 3ᵉ chambre civile le 16 septembre 2021 (n°19-26337) vient apporter des précisions utiles à propos du plan parcellaire, prévu à l’article 4 de l’ordonnance du 1ᵉʳ juillet 2004 et dont traite également l’article 3 du décret du 3 mai 2006 (et non du 5 mai 2006, la décision étant à ce titre affectée d’une petite coquille) :

« (…) 7. S’il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’un plan parcellaire doit être établi, qu’il doit être tenu à jour par le président de l’association syndicale et annexé aux statuts mis à jour et qu’une copie doit en être jointe à la déclaration à la préfecture ou à la sous-préfecture, aucune disposition n’impose qu’il figure dans les statuts eux-mêmes ou soit annexé aux statuts mis à jour lors de leur adoption par l’assemblée générale de l’association.
8. Ayant retenu à bon droit que les statuts eux-mêmes n’avaient pas à contenir, à peine de nullité, le plan parcellaire prévu à l’article 4 de l’ordonnance du 1ᵉʳ juillet 2004, la cour d’appel, qui n’a pas statué sur l’obligation d’inclure dans les statuts la liste des immeubles compris dans le périmètre de l’association et qui n’a pas dit que l’exigence relative au plan parcellaire ne s’appliquerait qu’en cas de création d’une association nouvelle, mais pas lors de la mise en conformité des statuts, en a exactement déduit que l’absence de plan parcellaire n’entraînait pas la nullité des statuts mis à jour ni celle de la délibération les approuvant (…)
 ».

Jérôme Nalet
Droit Immobilier
Barreau de Versailles
Avocat Associé au sein de la Selarl Lyveas Avocats
http://www.nalet-avocat.com/
https://www.lyveas.fr/

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