Le dispositif de rupture conventionnelle du contrat de travail a été instauré par la loi du 25 juin 2008.
Bien que critiquées, les ruptures conventionnelles ont déjà remporté un fort succès (67.000 entre Août 2008 et Mars 2009) ; de surcroît, en passant au stade de l’analyse du dispositif, la plupart de ces critiques ne résistent pas à un examen approfondi.
Les premières interrogations à l’égard de ce dispositif portaient sur le fait qu’il puisse ne présenter aucun intérêt pour le salarié, et qu’il ne sécuriserait pas les séparations ni n’améliorerait la situation par rapport à la pratique des licenciements pour motif économique déguisés.
D’une part, la rupture conventionnelle du contrat de travail constitue aujourd’hui le seul mode de rupture du contrat de travail dans lequel les positions employé et employeur sont équilibrées.
Ainsi, il n’est plus nécessaire de déguiser la rupture d’un commun accord entre un employeur et son employé en licenciement.
Le salarié n’a plus à se rendre ou se prétendre fautif pour pouvoir mettre fin à la relation de travail dans des conditions acceptables.
Grâce à cette réforme, dans le cadre de la rupture de leur relation contractuelle, les employés et employeurs peuvent enfin se comporter en adultes responsables.
La rupture conventionnelle pacifie et dédramatise les discussions relatives à la rupture du contrat de travail entre employeur et employé, c’est une véritable révolution.
D’autre part, la loi a instauré des garanties procédurales permettant de s’assurer du libre consentement de l’employé, en dépit du lien de subordination qui le lie à son employeur.
Ainsi, le salarié a la possibilité de se faire assister lors des entretiens ayant pour objet de discuter d’une éventuelle rupture conventionnelle, et de ses modalités notamment financières.
Pour officialiser l’accord intervenu entre l’employeur et l’employé, les parties doivent remplir et cosigner un formulaire préétabli.
Une fois le formulaire signé, les deux parties disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires, et la rupture doit, en tout état de cause, faire l’objet d’une homologation par la Direction Départementale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.
Ces modalités procédurales ont pour but de placer les deux parties sur un pied d’égalité, et sécurisent ainsi la rupture du contrat de travail.
Certes des voies de contestations restent ouvertes, mais elles sont limitées en pratique aux vices du consentement (dol, violence…).
Ainsi, si à ce jour, un licenciement sur cinq est contesté, le contentieux des ruptures conventionnelles du contrat de travail devrait rester embryonnaire.
Ce nouveau dispositif présente l’indéniable avantage de générer moins d’incertitude judiciaire, moins de frais pour l’employeur, l’employé, et l’Etat, et contribue à désengorger les Conseils de Prud’hommes et Cours d’Appel.
Enfin la rupture conventionnelle est un mode de rupture qui limite et limitera la pratique des licenciements pour motif économique collectifs déguisés.
En effet, la Loi prohibe expressément le recours aux ruptures conventionnelles pour les ruptures de contrat de travail pour motif économique nécessitant l’instauration d’un plan de sauvegarde de l’emploi (obligatoire lorsque plus de 9 salariés sur une même période de 30 jours font l’objet d’une rupture de contrat de travail pour motif économique).
Le respect de cette interdiction est assuré par les Directions Départementales du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, dans la mesure où chaque rupture conventionnelle doit leur être adressée pour homologation. Celles-ci sont vigilantes, et refuseront d’homologuer des ruptures conventionnelles qui seraient adressées en masse sur une même période.
Ainsi, la rupture conventionnelle, tout comme elle contribue à la limitation des licenciements pour motif personnel déguisés, contribue à la limitation de la pratique des licenciements pour motif économique collectifs déguisés.
On peut également s’interroger sur le fait que ce dispositif permette de se séparer facilement des seniors, lesquels n’hésiteraient plus à enchaîner chômage de convenance et retraite. Mais permettrait aussi, aux salariés les plus qualifiés de faire, entre deux emplois, des pauses, bien rémunérées par le pôle Emploi et ainsi, diminuerait les moyens disponibles pour l’accompagnement et l’indemnisation des salariés moins qualifiés.
A cela il peut être objecté, que si le dispositif ne règle pas le problème de l’emploi des seniors, il n’a pas pour effet de le dégrader. De la même façon qu’un senior proposait hier son licenciement, il proposera aujourd’hui la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
S’agissant des « pauses » aux frais du pôle Emploi que pourrait permettre aux salariés les plus qualifiés la rupture conventionnelle, c’est bien méconnaître la portée et les conséquences catastrophiques de telles « pauses », sur le parcours professionnel de ces salariés…
La rupture conventionnelle, on peut le regretter, n’a pas pour objet, ni pour effet de résoudre toutes les problématiques de l’emploi en France.
L’objectif poursuivi par les partenaires sociaux par le biais de la rupture conventionnelle était de « sécuriser les conditions dans lesquelles l’employeur et les salariés peuvent convenir en commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ». Indéniablement, l’objectif des partenaires sociaux est atteint.
Le dispositif de rupture conventionnelle était un dispositif attendu qui contribue et contribuera à faire évoluer les relations employeur/employés, pacifie et sécurise les ruptures et garantit le salarié. Il faut s’en féliciter.
- Catherine Brun Lorenzi
- Alexandre Bensoussan
DS Avocats
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