Requalification de CDD en CDI : rémunération des périodes interstitielles si le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Mathilde Fruton Létard, Élève-avocate.

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Explorer : # requalification de contrat # périodes interstitielles # charge de la preuve # rappel de salaire

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 février 2024 (n° 22-11.149), a rappelé que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée à temps complet ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant les contrats que s’il prouve s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

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1) Faits et procédure.

Une salariée a été engagée, en qualité d’animatrice de vente, par la société Pénélope par une succession de contrats de travail à durée déterminée qui ont été exécutés entre le 1er mars 1996 et le 24 avril 2010, terme du dernier contrat.

Le 7 février 2013, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à effet au 1er mars 1996 et en paiement de certaines sommes à titre de rappels de salaire et au titre de la rupture de la relation de travail.

La Cour d’appel d’Angers, statuant sur renvoi après cassation dans un arrêt du 10 juin 2021, a rejeté la demande de la salariée en requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps complet et sa demande en paiement d’un rappel de salaire à temps complet du 7 février 2008 au 24 avril 2010.

La salariée a alors formé un pourvoi en cassation.

2) Moyens.

La salariée affirme au soutien de son pourvoi que :

  • En application de l’article L3123-14 du Code du travail, dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur des dispositions issues de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail à durée indéterminée, en l’absence d’écrit, était présumé à temps complet et il appartenait alors à l’employeur, pour contester cette présomption, de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ;
  • Qu’en rejetant la demande en requalification du contrat à durée indéterminée en contrat à temps complet ainsi que la demande de rappel de salaire à temps complet du 7 février 2008 au 24 avril 2010, motif pris que le salarié engagé par plusieurs CDD non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en CDI ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail, ce qui lui appartient de démontrer", la cour d’appel a inversé la charge de la preuve.

3) Solution.

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de la salariée.

Elle rappelle que :

« 5. La requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

6. Il résulte de la combinaison des articles L1245-1 et L3123-14 du Code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée à temps complet ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant les contrats que s’il prouve s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail ».

Or en l’espèce, sans inverser la charge de la preuve, la Cour d’appel a, par une appréciation souveraine, fait ressortir que :

« avant 2000, la salariée avait été engagée pour des journées à temps complet, d’autre part, constaté, qu’à compter de l’année 2000, elle avait bénéficié de contrats de travail écrits précisant ses horaires de travail, toujours dans les mêmes conditions d’opérations très ponctuelles sur un temps très court et qu’elle avait connaissance de la durée exacte de son temps de travail, enfin relevé que, s’agissant des périodes interstitielles, elle n’établissait pas s’être tenue à la disposition de l’employeur afin d’effectuer un travail ».

4) Analyse.

Cette solution n’est pas nouvelle et n’est qu’un rappel de la position constante de la Cour de cassation sur le sujet [1].

Sources : Cass. soc., 28 février 2024, n° 22-11.149

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
Mathilde Fruton Létard élève avocate EFB Paris
Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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Notes de l'article:

[1Voir notamment Cass. soc., 17 octobre 2012, n° 11-10.866.

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