L’article 99-2 du même Code permet au magistrat instructeur de remettre un bien meuble saisi pénalement à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d’aliénation dès lors que sa conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, que sa confiscation est prévue par la loi et que le maintien de la saisie serait de nature à en diminuer la valeur.
Il résulte de ces deux dispositions un risque d’une confrontation entre une procédure de restitution engagée par le propriétaire du bien meuble d’une part, et une procédure de remise à l’AGRASC aux fins d’aliénation à l’initiative du juge d’instruction. En effet, la seconde procédure a pour aboutissement la vente du bien saisi qui, dès lors, ne pourra plus être représentée au propriétaire qui cherche par la première procédure à récupérer le bien saisi. La possibilité de solliciter la restitution du bien à l’occasion du recours contre l’ordonnance de remise à l’AGRASC aux fins d’aliénation faciliterait l’articulation entre les deux contentieux. Néanmoins, une telle faculté, offerte à l’appelant d’une décision de remise prise par le procureur de la République sur le fondement de l’article 41-5 du Code de procédure pénale, est exclue lors du recours contre une ordonnance ayant le même objet rendue par le juge d’instruction sur le fondement de l’article 99-2 du Code de procédure pénale [2].
La demande de restitution postérieure à une ordonnance de remise à l’AGRASC.
L’hypothèse la plus simple en matière d’articulation entre le contentieux de la restitution et celui de la remise à l’AGRASC aux fins d’aliénation est sans doute lorsque l’ordonnance a acquis un caractère définitif au moment où le propriétaire sollicite la restitution du bien saisi.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé que le caractère définitif de la remise pour aliénation n’avait pas pour effet de rendre irrecevable une requête en restitution formée ultérieurement sur le même bien [3].
Si le demandeur à la restitution obtient gain de cause, il peut être confronté à deux situations.
En premier lieu, dès lors que l’ordonnance a pour effet non d’aliéner le bien mais uniquement de la remettre à l’AGRASC pour aliénation, il est possible que l’objet placé sous main de justice ne soit pas encore vendu et soit donc restituable en nature.
En second lieu, dès lors que l’ordonnance était définitive au moment de la restitution, il est possible qu’il ait déjà été vendu. Dans ce cas, le demandeur se verra restituer le produit de la vente du bien remis plutôt que le bien meuble lui-même. L’article 99-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale dispose que le produit de la vente
« est restitué au propriétaire des objets s’il en fait la demande » « en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée ».
Toutefois, cette disposition ne fait que régler l’issue de la procédure s’agissant du produit de la vente du bien remis. Elle n’interdit nullement de solliciter, à tout moment de la procédure, la restitution de ce produit comme il en va d’un objet qui resterait placé sous main de justice, indépendamment de l’ordonnance de règlement ou de la décision au fond.
Dans l’hypothèse où la chambre de l’instruction de la cour d’appel se trouve saisie tant de l’appel de l’ordonnance de refus de restitution que de l’ordonnance de remise à l’AGRASC aux fins d’aliénation, lorsque la requête en restitution est présentée après l’ordonnance de remise, la chambre de l’instruction doit se prononcer sur l’appel de l’ordonnance de remise au regard des dispositions de l’article 99-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale, sans tenir compte de sa décision statuant sur la restitution [4]. Ainsi, alors même que l’ordonnance de refus de restitution viendrait d’être infirmée par la chambre de l’instruction, cette même juridiction ne peut juger que l’appel de l’ordonnance de remise à l’AGRASC est de ce fait devenu sans objet.
Il est néanmoins difficilement envisageable que la chambre de l’instruction infirme le refus de restitution tout en confirmant la remise à l’AGRASC pour aliénation, notamment en raison de la principale condition commune aux deux contentieux qu’est la confiscabilité. Toutefois, la restitution d’un bien en théorie confiscable peut résulter d’un contrôle de proportionnalité de la saisie au regard de l’atteinte portée au droit de propriété. Or, un tel contrôle est exclu dans le contentieux de la remise à l’AGRASC [5]. La contradiction entre les arrêts de la chambre de l’instruction n’aurait toutefois pas plus de conséquence pratique que l’infirmation d’un refus de restitution en présence d’une ordonnance définitive de remise à l’AGRASC.
La demande de restitution antérieure à une ordonnance définitive de remise à l’AGRASC.
Dans cette hypothèse, qui est loin d’être un cas d’école, la demande de restitution est antérieure à toute ordonnance de remise à l’AGRASC, mais après avoir rendu une ordonnance de refus de restitution, le juge d’instruction remet par une autre ordonnance le bien à l’AGRASC aux fins d’aliénation du bien dont il vient de refuser la restitution.
Il est établi que le juge d’instruction peut, sans attendre que l’ordonnance de refus de restitution acquière un caractère définitif, rendre une ordonnance de remise à l’AGRASC [6], ce qui implique la possibilité de prendre une telle décision pendant le délai d’audiencement du recours contre l’ordonnance de refus devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel [7].
Il a été précédemment indiqué que le fait de laisser l’ordonnance de remise acquérir un caractère définitif en n’exerçant aucun recours ne remet pas en cause l’appel formée contre l’ordonnance de refus de restitution. En outre, dès lors que la demande de restitution a été présentée antérieurement à l’ordonnance de remise à l’AGRASC, la chambre criminelle de la Cour de cassation a énoncé que cette dernière ordonnance n’est pas exécutoire tant qu’il n’a pas été statué définitivement sur la demande de restitution [8]. A ce titre, la Cour de cassation a jugé qu’une fois saisi d’une demande en restitution d’un bien placé sous main de justice, le juge d’instruction ne peut en ordonner la remise à l’AGRASC qu’après avoir statué par ordonnance motivée sur la requête [9].
Il est à noter qu’à l’époque où la chambre criminelle s’est prononcée en ce sens, l’absence de réponse du juge d’instruction privait le demandeur de tout recours.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 juin 2016 [10], l’absence de réponse dans un délai d’un mois ouvre la possibilité au demandeur de saisir directement le président de la chambre de l’instruction [11].