Faits et procédure.
M. [M] et plusieurs autres individus étaient mis en examen dans le cadre d’une information suivie contre eux des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs.
M. [M] ainsi que d’autres individus ont été condamnés à des peines allant d’un an à neuf ans d’emprisonnement.
Le 14 janvier 2019, ils ont saisi la chambre de l’instruction de Dijon pour annulation d’actes de procédure.
Le 10 avril 2019, les débats se sont tenus devant ladite chambre. L’affaire a ensuite été mise en délibéré.
Le 22 mai 2019, la chambre de l’instruction a rendu un arrêt par lequel elle a rejeté les demandes d’annulation d’actes ainsi que l’exception de nullité tirée de ce que le mis en examen n’avait pas eu la parole en dernier.
M. [M] a formé un pourvoi.
Ainsi, la question posée à la Cour de cassation à l’occasion de ce pourvoi était : une audience pénale au cours de laquelle la défense n’a pas eu la parole en dernier est-elle « valide » ?
Réponse de la Cour de Cassation.
La Cour de cassation répond par la négative en rappelant le principe selon lequel
« la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ».
En l’espèce, la Cour de cassation indique que l’arrêt du 22 mai 2019 de la chambre de l’instruction mentionne le rapport oral du président, puis fait état des plaidoiries de trois avocats, des réquisitions orales de l’avocat général, et indique que, les débats étant terminés, l’affaire a été mise en délibéré.
En d’autres termes, les avocats avaient formulé leurs observations et avaient plaidé avant les réquisitions du ministère public.
Ainsi, les mentions de l’arrêt critiqué ne permettent pas à la Cour de cassation de s’assurer que le principe ci-dessus rappelé a bien été respecté.
La cassation est donc encourue au visa des articles 199 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour rappel, les articles 460, 513 et 346 du Code de procédure pénale prévoient précisément l’ordre des auditions devant le Tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels et la Cour d’assises.
En ce qui concerne la procédure devant la chambre de l’instruction, l’alinéa 3 de l’article 199 du Code de procédure pénale est beaucoup plus évasif. Il mentionne qu’ « Après le rapport du conseiller, le procureur général et les avocats des parties sont entendus ».
Il apparait donc que l’alinéa précité n’organise pas de manière claire l’ordre des auditions devant la chambre de l’instruction.
Quant à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, il garantit des droits au bénéfice d’un procès équitable notamment le fait que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) » et que « tout accusé doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense » (art 6 §3 b).
C’est donc au visa desdits articles que la Cour rappelle fermement que le principe selon lequel défense doit avoir la parole en dernier s’applique aussi devant la chambre de l’instruction.
Enfin, la Cour ajoute que la décision rendue par la juridiction doit impérativement retracer le déroulement des débats afin de lui permettre d’exercer son contrôle quant au respect de l’ordre de parole.
C’est ainsi que les magistrats ne cessent de réaffirmer ce principe depuis le revirement de jurisprudence du 28 septembre 1983 n°8494697 en annulant toute procédure méconnaissant ce principe.
Source : Cass. Crim, 12 oct 2022, n° 21-86.138.