La période d’essai est exclusivement destinée à permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. (Article L 1221-20)
La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, de même que la jurisprudence, ont profondément modifié et encadré la période d’essai, dont la gestion doit être très rigoureuse, tant lors de la conclusion puis de l’exécution du contrat de travail, qu’au moment où la rupture est envisagée.
1. Les conditions de validité de la période d’essai :
• Au stade de la conclusion du contrat de travail : pas d’écrit, pas d’essai
Selon l’article L 1221-23, « la période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail. » Il semble donc bien qu’il ne suffit plus qu’une convention collective portée à la connaissance du salarié dès son embauche, prévoie qu’il doit accomplir une période d’essai de 6 mois, pour que cette période d’essai soit applicable, même si le contrat n’en a pas prévu l’existence (Cass. soc., 01-02-2000, n° 97-41.908 :
convention collective des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d’assurances et de capitalisation)
La durée de la période d’essai est à présent fixée par l’article L 1221-19 en matière de contrat à durée indéterminée :
2 mois pour les ouvriers et employés
3 mois pour les agents de maitrise et les techniciens
4 mois pour les cadres.
Si le renouvellement est possible en application d’un accord de branche étendu et d’une clause du contrat de travail, aucune période d’essai ne pourrait dépasser le double de ces durées, renouvellement compris (article L 1221-21)
Ces durées légales présentent un caractère impératif, sous réserve d’autres dispositions concernant les VRP, assistantes maternelles… et à l’exception :
des durées plus courtes conclues par accord collectif ou contrat de travail postérieurement au 26 juin 2008
ou des durées plus longues conclues par un accord de branche étendu conclu avant cette date.
Cependant, une convention collective qui prévoirait une durée d’essai de six mois, renouvelable une fois, serait contraire à la Convention n° 158 de l’OIT du 22 juin 1982 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur et dont l’article 2, § 2.b vise « les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable » (cf la CCN des réseaux de transports publics urbains de voyageurs par exemple). En effet, selon la Cour de Cassation : « est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d’essai et de l’exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d’un an du stage prévu par la convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée » (Cass. soc., 04-06-2009, n° 08-41.359, FS-P+B+R)
En cas de concours de conventions collectives nationale et locale simultanément applicables, comportant chacune une clause relative à la période d’essai, c’est la disposition prévoyant la durée de période d’essai la plus faible qui doit être retenue (Cass. soc., 08-06-1999, n° 97-42.284)
Dans certains cas, la durée de la période d’essai est également réduite :
En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables (article L 1221-24) ;
Lorsqu’une entreprise embauche un intérimaire à l’issue d’une mission, dans la même fonction, la durée des missions exécutées dans l’entreprise durant les trois mois précédant le recrutement s’impute sur la période d’essai (article L 1251-38) ;
De même, si un contrat à durée déterminée se poursuit après son terme, sa durée globale sera déduite de celle de la période d’essai éventuellement prévue dans le contrat à durée indéterminée.
En présence de deux contrats successifs conclus entre les mêmes parties, la période d’essai stipulée dans le second contrat n’est licite que si ce contrat est conclu pour pourvoir un emploi différent de celui qui a fait l’objet du premier contrat. (Cass. soc., 11-12-2002, n° 01-40.440, F-D).
En ce qui concerne la période d’essai dans le contrat à durée déterminée, elle est régie par l’article L 1242-10 : elle ne peut excéder une durée calculée à raison d’un jour par semaine dans la limite de deux semaines lorsque la durée du contrat à durée déterminée est d’au plus 6 mois, et d’un mois dans les autres cas.
Mais l’employeur qui fixerait la durée du contrat à durée déterminée à 6 mois et 4 jours pour permettre de porter à un mois la durée de la période d’essai commettrait une fraude à la loi… (Cass. soc., 15-06-1999, n° 97-40.088)
En toute hypothèse, la durée de la période d’essai prévue par la convention collective ne peut dépasser la durée légale de la période d’essai pour le contrat à durée déterminée, qui est plus favorable (Cass. soc., 24-03-1993, n° 89-42.909)
• Au cours de l’exécution de la période d’essai : prolongation ? renouvellement ?
Si la période d’essai peut être stipulée en cours de contrat, la durée de l’activité déjà exécutée est déduite de cette période (Cass. soc., 28-06-2000, n° 98-43.835). En effet, le début de l’essai ne peut en aucun cas être différé après le début de l’exécution du contrat. Un tel report n’est pas valable :
même si le travail occupé pendant cette période n’est pas le même que celui pour lequel il est engagé (Cass. soc., 25-02-1997, n° 93-44.923)
et même si l’employeur impose au salarié en début de contrat de participer à un séminaire de formation pendant lequel il est soumis aux obligations de son contrat (Cass. soc., 25-02-1997, n° 94-45.381)
En revanche, la période d’essai peut être suspendue tant par les absences pour maladie de la salariée que par les congés annuels de l’entreprise, pendant lesquels la salariée est elle-même en congé (Cass. soc., 16-03-2005, n° 02-45.314, Mme Cécile Gannay, épouse Ravenel c/ société Ateliers techniques Cobra, F-D). Elle est alors prolongée d’une durée équivalente à celle de l’absence.
S’agissant de la possibilité de renouveler la période d’essai, lorsque le renouvellement n’a pas été initialement prévu, il n’est plus possible de l’instaurer ultérieurement (Cass. soc., 10-11-1998, n° 96-41.579).
Mais ce renouvellement impose l’accord du salarié au moment où il est envisagé : s’il est décidé par le contrat de travail dès sa conclusion, il est illicite, de sorte que la rupture du contrat de travail pendant la période renouvelée est réputée être intervenue après l’expiration de la période d’essai (Cass. soc., 21-12-2006, n° 05-44.806 FP-P+B+R+I).
Il convient aussi de s’assurer que ce renouvellement est conventionnellement prévu. A défaut, la clause du contrat de travail prévoyant son éventuel renouvellement serait nulle, quand bien même la durée totale de la période d’essai renouvelée n’excéderait pas la durée maximale prévue par la convention collective (Cass. Soc., 5 février 2009, N° de pourvoi : 07-40155, publié au bulletin).
La période d’essai, calculée de date à date, en mois, en semaines, en jours, s’achève au jour prévu. Si le dernier jour est un jour non travaillé dans l’entreprise (jour férié, dimanche), il n’y a pas de prorogation de l’essai au premier jour ouvrable (Cass. soc., 10-11-1988, n° 85-46.558)
2. Les précautions liées à la rupture de la période d’essai :
• Au stade du projet de rupture de l’essai : attention aux risques d’abus ou de nullité
Les dispositions relatives à la rupture du contrat à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d’essai (article L 1231-1).
Toutefois, si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l’expiration de la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus (Cass. soc., 05-05-2004, n° 02-41.224, publié).
Ainsi, par exemple, la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai est abusive à chaque fois que l’essai est détourné de sa finalité, qui doit être centrée sur l’appréciation des qualités professionnelles :
quand elle est précipitée et n’a pas pu permettre au salarié d’exercer sa profession dans des conditions normales pour faire ses preuves, voire quand le contrat de travail n’a pas fait l’objet d’un commencement d’exécution (Cass. soc., 02-02-1994, n° 90-43.836, Cass. soc., 16-10-2002, n° 00-46.378)
lorsqu’elle intervient après une lettre du salarié qui demande des informations supplémentaires concernant le contrat de travail ou qui émet des critiques (Cass. soc., 07-01-1988, n° 85-41.822 ; Cass. soc., 20-04-1989, n° 86-42.652)
lorsqu’elle avait en réalité pour objet, d’assurer le remplacement d’un salarié ou de limiter le contrat à la durée de l’essai, dès l’origine (Cass. soc., 05-10-1993, n° 90-43.780)
ou encore, quand de l’aveu même de l’employeur, il a rompu le contrat de travail au seul motif que le salarié refusait la diminution de sa rémunération pour motif économique (Cass. soc., 10-2-2008, n° 07-42.445, société Slanac France, F-P+B).
La preuve d’une rupture abusive de la période d’essai par l’employeur permet au salarié de prétendre au paiement de dommages intérêts (Cass. soc., 23-04-1997, n° 90-45.757)
Outre la rupture constitutive d’abus de droit, certaines circonstances peuvent également conduire à la nullité de la rupture :
Tel est le cas, lorsque le contrat est rompu pendant la période d’essai pour un motif discriminatoire lié à l’état de santé du salarié, en violation de l’article L. 122-45 (nouvel article L 1132-1) du Code du travail (Cass. soc., 16-02-2005, n° 02-43.402 S-P+B)
En l’espèce, la période d’essai d’un employé de banque avait été notifiée quelques jours après retour d’un arrêt pour cause de maladie : les juges ont déduit de cette fâcheuse concomitance, que l’employeur avait manifestement souhaité écarter un salarié en raison de ses récents problèmes de santé. Le salarié doit seulement présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination ; il appartient ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination…
Lorsque la rupture au cours de la période d’essai intervient durant la période de suspension résultant d’un accident du travail, elle est également nulle, sauf faute grave du salarié ou impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail (Cass. soc., 25-02-1997, n° 93-40.185)
Cette protection s’applique aussi aux salariées enceintes. En revanche, il a été jugé que les dispositions de l’article L. 122-25-2 (nouvel article L 1225-5) du Code du travail relatives à l’annulation du licenciement d’une salariée en état de grossesse en cas de connaissance postérieure par l’employeur de cet état ne sont pas applicables à la rupture en période d’essai (Cass. soc., 21-12-2006, n° 05-44.806, FP-P+B+R+I)
• Lors de la notification de la décision : un formalisme plus ou moins allégé
Lorsque l’employeur est fondé à rompre la période d’essai, sa décision n’est soumise à aucun formalisme particulier, sauf protection du salarié, clauses conventionnelles contraires ou faute.
Dans le cas particulier du salarié protégé : conseiller prud’homme, conseiller du salarié ou médecin du travail, l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail est requise, même pour rompre une période d’essai.
Par ailleurs, l’employeur qui invoque un motif disciplinaire pour mettre fin à une période d’essai doit respecter la procédure disciplinaire (Cass. soc., 10-03-2004, n° 01-44.750, publié) : convocation à entretien préalable, respect du délai d’un jour ouvrable après la date fixée pour l’entretien et motivation de la lettre de rupture.
Mais sauf raison disciplinaire, un écrit non motivé notifiant la fin de la période d’essai suffit. En effet, cette décision ne peut pas revêtir la forme d’une déclaration orale en présence du personnel de l’entreprise (Cass. soc., 07-02-2001, n° 99-42.041).
L’écrit est d’autant plus utile si le contrat comporte une clause de non-concurrence, dont l’employeur souhaite dispenser le salarié, sachant qu’une telle obligation peut produire ses effets après rupture du contrat durant l’essai (Cass. soc., 03-02-1993, n° 88-41.181 ; Cass. soc., 22-06-1994, n° 91-41.773)
La rupture d’un contrat de travail se situera alors à la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture (Cass. soc., 11-05-2005, n° 03-40.650 F-P+B+R+I).
Cependant, l’article L 1221-25 impose désormais à l’employeur qui met fin « au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L 1221-19 à L 1221-24 « de prévenir le salarié dans un délai qui ne peut être inférieur à :
Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence
Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence
Deux semaines après un mois de présence
Un mois après trois mois de présence.
Il précise que « la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ».
S’agissant de la période d’essai définie à l’article L. 1242-10 d’un contrat à durée déterminée « stipulant une période d’essai d’au moins une semaine », l’article L 1221-25 impose aussi à l’employeur qui décide d’y mettre fin, de prévenir le salarié dans l’un des délais précités, inclus dans la période d’essai. En considération de la durée de cet essai plafonné à 2 semaines ou 1 mois, ce délai de prévenance devrait correspondre à 24 heures pour une période d’essai d’une semaine et à 48 heures entre huit jours et un mois de présence.
Pour déterminer la durée de ce préavis selon le temps de présence du salarié, faut-il prendre en compte la durée de son appartenance à l’entreprise ? ou sa période de travail effectif, absences déduites ? Etant donné que la période d’essai est suspendue du fait de ces absences, il devrait être possible de se référer à la période de travail effectif pour fixer la durée du délai de prévenance, par analogie avec « l’ancienneté de services continus » retenue en matière de préavis de licenciement… Raisonner autrement pourrait également aboutir à fixer un préavis d’une durée supérieure à la période d’essai !
Quelle sera la sanction du non-respect de ce préavis légal ? D’après la jurisprudence concernant un préavis conventionnel, dès lors que la notification de la rupture a eu lieu au cours de la période d’essai, le non-respect par l’employeur d’un délai de prévenance conventionnel n’a pas pour effet de rendre le contrat définitif. Le salarié ne peut prétendre qu’à une indemnité compensatrice (Cass. soc., 29-06-1999, n° 97-41.132 ; Cass. soc., 11-10-2000, no 98-45.170). Afin de prévenir tout risque de requalification, il est néanmoins recommandé d’observer ce délai de prévenance.
En revanche, « lorsqu’il est mis fin à la période d’essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à huit jours » (article L 1221-26). Dans ce cas, il n’est pas prévu, que ce délai doit être compris dans la période d’essai.
L’ensemble de ces dispositions légales prévalent sur les clauses conventionnelles qui seraient moins favorables au salarié.
En conclusion, la période d’essai, souvent trop courte aux yeux des employeurs, ne doit jamais être « aménagée d’un commun accord » en marge de la loi et de la convention collective, au risque d’ouvrir droit à indemnisation en cas de rupture. Il convient de la mettre à profit pour évaluer, sur la base d’éléments aussi objectifs que possible, les qualités professionnelles et les aptitudes du salarié, auquel il importe de faire connaitre les attentes de l’entreprise.
M.J. CHAUMONT
Avocat en droit social au Barreau d’Epinal