1/ Les délais de prescription des faits fautifs.
Aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l’exercice de poursuites pénales [1].
Le délai de 2 mois prévu par l’article L1332-4 du Code du travail s’apprécie au jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié [2].
Lorsqu’un rapport d’enquête est nécessaire pour statuer sur le caractère fautif des faits litigieux, le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du dépôt du rapport [3].
Par exception, les règles de prescription ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à 2 mois, dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai [4].
Tel est le cas, par exemple, lorsque le salarié a continué ses activités concurrentielles malgré les injonctions de l’employeur, et a expressément refusé d’y mettre fin [5].
Les agissements antérieurs prescrits ne peuvent cependant être pris en considération, à l’appui d’un fait fautif survenu dans le délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, que s’ils procèdent d’un comportement identique [6].
Ainsi, une Cour d’appel ne peut pas prendre en considération, pour décider que le salarié a commis une faute grave, des agissements fautifs antérieurs prescrits qui ne sont pas de même nature que ceux commis dans le délai de prescription [7].
Enfin, le Code du travail prévoit qu’aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction [8].
Ce texte ne concerne que le cas où une nouvelle faute est commise après une première sanction, et non après une première faute [9].
2/ Les exigences supplémentaires de la Cour de cassation.
En cas de mise en œuvre d’une sanction disciplinaire, le délai de prescription de 2 mois doit impérativement être respecté par l’employeur.
A défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.
Mais la Cour de cassation va plus loin…
Dans son arrêt du 20 décembre 2023 [10], celle-ci rappelle que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir « dans un délai restreint » après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
Les juges du fond ne peuvent donc pas se contenter de constater que l’employeur a respecté le délai de prescription des faits fautifs.
Cette notion de « délai restreint » avait déjà été retenue par la Cour de cassation en matière de licenciement pour faute grave [11].
Cette position a été réaffirmée dans un arrêt du 31 mars 2021 [12].
La règle est également applicable en cas de rupture anticipée du CDD pour faute grave, sur le fondement de l’article L1243-1 Code du travail.
Ainsi, dans un arrêt du 6 octobre 2010 [13], la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui, pour dire la rupture justifiée par une faute grave, se bornait à constater que les faits, connus par l’employeur environ 6 semaines avant la mise en œuvre de la procédure, n’étaient pas prescrits, et rendaient impossible le maintien du contrat.
En conclusion, la solution de la Cour de cassation invite l’employeur à faire preuve de la plus grande célérité.