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Les chausse-trappes de la clause de non concurrence. Par Tristan Chaix, Avocat.

Les chausse-trappes de la clause de non concurrence.

Par Tristan Chaix, Avocat.

5772 lectures 1re Parution: 4.6  /5

La clause de non concurrence est peut être l’un des outils les plus difficiles à mettre en oeuvre pour l’employeur, et peut même s’avérer pénalisant financièrement.
Entre une rédaction qui doit jongler avec des conditions de validité qui varient en fonction des situations, le point de départ de l’obligation dépendant du départ effectif du salarié, et des possibilités de levée de la clause appréciées de manière restrictive par la Cour de cassation, il n’est pas aisée de s’y retrouver.
On fait le point sur ces principales difficultés.

-

La clause de non concurrence est fréquemment insérée dans les contrats de travail de salariés clés dans l’entreprise, afin de tenter de les décourager de passer à la concurrence, et de protéger son savoir-faire.

Cette clause, pour qu’elle soit considérée comme valable et opposable au salarié, doit respecter plusieurs conditions, concernant notamment sa durée, son champ d’application, ou encore sa contrepartie financière (1.).

Le moment du versement de l’indemnité de non concurrence a même une importance cruciale, et peut faire échec à sa mise en œuvre (2).

Néanmoins, dans la grande majorité des cas, l’employeur d’un salarié dont le contrat est rompu ne souhaite pas exécuter cette obligation de non concurrence, qui nécessite le versement d’une contrepartie financière importante (de 20% à 40% de la rémunération sur la période de non concurrence), et dont la démonstration de la violation n’est pas chose aisée.

L’employeur peut alors lever la clause de non concurrence au moment de la rupture du contrat de travail, et sous réserve de respecter les conditions prévues par le contrat de travail et, le cas échéant, la convention collective.

Or, la jurisprudence a une position très stricte à ce sujet, pouvant, dans certains cas, obliger l’employeur à verser l’indemnité d’une clause de non concurrence, alors que sa levée avait respecté les conditions prévues contractuellement (3.).

Un rappel des règles s’impose.

1. L’interdépendance des conditions de validité d’une clause de non concurrence.

A titre préliminaire, il est important de préciser que l’employeur ne pourra jamais se fonder sur l’absence de validité de la clause pour refuser de verser la contrepartie financière.

En effet, selon le principe « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », l’employeur ne peut pas profiter de l’absence de respect des conditions de validité de la clause qu’il a rédigé pour se soustraire à ses engagements [1].

Ainsi, seul le salarié peut valablement contester la validité, ou l’opposabilité, de la clause pour se libérer d’une clause de non concurrence.

Les conditions de validité d’une telle clause sont multiples, et étroitement imbriquées :

- Une nécessaire protection des intérêts légitimes et réels de l’entreprise, ce qui est souvent le cas lorsque le salarié est en contact avec la clientèle, ou a un rôle clé dans l’entreprise, lui donnant accès à des informations importantes et confidentielles, ou à un savoir-faire spécifique de l’entreprise ;
- L’absence d’atteinte disproportionnée à la liberté du travail du salarié : Le champ d’interdiction de la clause ne doit pas rendre impossible pour le salarié la possibilité d’exercer une activité professionnelle.
- On pourra prendre pour exemple un salarié Commercial ayant réalisé l’ensemble de sa carrière dans un même secteur spécifique en France, et dont la clause lui interdirait de travailler dans ce domaine. Une telle clause pourrait être jugée comme privant le salarié de la possibilité de retrouver un emploi conforme à ses capacités.
- A l’inverse, un salarié dont les fonctions peuvent indifféremment être réalisées dans un autre secteur que celui où il exerçait son activité peut valablement être empêché par une clause de non concurrence de travailler pour des concurrents. [2]

- Limitation temporelle : la clause doit impérativement être limitée pour une période donnée, qui ne doit pas être excessive. Elle varie souvent entre 1 et 2 ans.

- Limitation dans l’espace : la limitation géographique est aussi une condition essentielle de la clause. La limitation à la France métropolitaine a été considérée comme valable, quand celle circonscrite au Monde entier a été retoquée (ce qui est logique, le travail interplanétaire n’étant pas encore très répandu…).

- Existence d’une contrepartie financière non dérisoire : la clause de non concurrence, qui est une atteinte au principe de la liberté d’entreprendre, doit prévoir une compensation pécuniaire raisonnable, qui ne doit pas être dérisoire.
- Bien entendu, plus l’obligation de non concurrence est étendue géographiquement, dans l’espace, ou dans le secteur d’activité, plus la contrepartie financière doit être importante pour être proportionnée.
- La jurisprudence et les conventions collectives évaluent dans la plupart des cas cette contrepartie entre 20% et 35% de la rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois [3].
- Enfin, le montant ne peut pas varier en fonction de la nature de la rupture, même si cette variation est prévue par la convention collective (démission, licenciement, rupture conventionnelle).
- Dans un tel cas, on retiendra le montant le plus favorable au salarié [4].

Plus l’obligation de non concurrence est extensive, et recouvre un champ d’application important (domaine étendue, champ géographique important), ou une longue durée, plus la contrepartie financière devra être intéressante pour le salarié.

A titre d’exemple, un salarié avait travaillé pendant 9 ans en qualité de chef de zone, puis responsable commercial au sein d’une entreprise de location de palettes à des entreprises de la grande distribution.
Au moment de sa démission, son ex-employeur lui a indiqué qu’il se prévalait de la clause de non concurrence pour empêcher son salarié de rejoindre un concurrent qui exerçait dans le domaine des palettes.

La Cour d’appel de Versailles a considéré que la contrepartie financière de la clause de non concurrence, qui s’élevait à 35% de la rémunération mensuelle brute, pour une obligation valable pendant 1 an dans toute la France métropolitaine, était insuffisante au regard de la contrainte.

En effet, en pratique, cela ne permettait pas au salarié de rechercher un emploi dans l’activité qu’il avait exercé pendant 9 ans, et pour laquelle il avait le plus de chances d’être engagé.

La clause de non concurrence a donc été considérée comme nulle [5].

Cela explique aussi qu’il est en pratique impossible de concevoir un modèle de clause de non concurrence qui soit valable pour l’ensemble des situations.

Chaque cas est différent, que ce soit par rapport au poste, mais aussi par rapport au salarié lui-même.

Les juridictions du fond (Conseil de prud’hommes, Cours d’appel) ont un rôle important dans l’appréciation de ces différents critères, et peuvent choisir entre réduire le champ d’application de la clause ((durée, périmètre géographique, etc.), et son annulation.

Et même si la clause de non concurrence est jugée valable, l’absence de paiement de la contrepartie financière dans les temps peut permettre au salarié d’en solliciter son inopposabilité.

2. L’obligation de versement de l’indemnité de non concurrence au moment du départ effectif du salarié.

Dans de nombreux cas, il arrive que le salarié qui démissionne, ou qui a été licencié, soit dispensé de préavis par son employeur, pour éviter le risque de détournement de la clientèle, ou de documents importants.

L’employeur, qui souhaite se prévaloir de la clause de non concurrence, ne commence alors à indemniser le salarié qu’au moment de son départ des effectifs, soit après le terme du préavis, même non effectué.

C’est une erreur.

En effet, l’obligation de non concurrence et son corollaire, le versement de la contrepartie financière, débute au moment du départ effectif du salarié de l’entreprise, c’est-à-dire à la date de la dispense de son préavis [6].

Le salarié peut alors très bien cumuler, pendant une certaine période, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de non concurrence.

Le défaut du respect de cette règle n’est pas sans conséquence.

Le retard de quelques mois dans le versement de la contrepartie financière au salarié peut suffire à libérer ce dernier de son obligation de non concurrence [7].

Dès lors, l’employeur a tout intérêt à bien respecter son obligation de paiement de la contrepartie financière dans les délais, faute de quoi, il ne pourra plus de prévaloir de l’obligation de non concurrence [8].

Au vu de tous ces tracas, et pour éviter de payer la contrepartie financière, il n’est pas rare que l’employeur souhaite libérer son salarié de sa clause de non concurrence.

Pourtant, là encore, la levée de l’obligation de non concurrence peut, si elle n’est pas faite dans les temps, conduire l’employeur à devoir tout de même verser la contrepartie financière.

3. Le piège de la levée de la clause de non concurrence.

La plupart des clauses de non concurrence prévoient une possibilité de lever la clause de non concurrence dans les jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail (lettre de licenciement, démission).

Or, malgré cette rédaction, il existe certaines situations où il est impossible pour l’employeur de lever la clause après rupture du contrat de travail.

Comme pour le versement de l’indemnité de non concurrence, l’employeur doit impérativement lever la clause de non concurrence au plus tard à la date de départ effectif du salarié de l’entreprise [9] :

- Ainsi, si la lettre de licenciement dispense le salarié d’effectuer son préavis, l’employeur doit impérativement lever la clause de non concurrence au plus tard au même moment [10].
- Il en est de même en cas de licenciement pour faute grave d’un salarié, dont la notification met un terme sans préavis au contrat du salarié [11].
- Si le salarié est licencié pour motif économique et qu’il a accepté le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), la clause de non concurrence doit être levée au plus tard au terme du délai de réflexion de 21 jours, après réception des documents du CSP [12].

- En cas de rupture de période d’essai, la levée de la clause doit s’effectuer compte tenu des modalités contractuelles prévues, et au plus tard au terme du délai de prévenance.

- Dans le cadre de la rupture conventionnelle, la Cour de cassation indique que la levée de la clause doit impérativement intervenir au plus tard à la date de la rupture du contrat, tel qu’elle est fixée dans la convention de rupture [13].

- Et en cas de départ à la retraite du salarié ? la clause de non concurrence est valable et doit être levée. Si le salarié notifie sa volonté de partir à la retraite, l’employeur doit impérativement veiller à bien lever la clause de non concurrence dans le délai prévu, faute de quoi l’indemnité de non concurrence est due [14].

- Pour la démission et la prise d’acte du contrat par le salarié, la logique est la même que pour le licenciement. En cas de dispense de préavis par l’employeur, la levée de la clause de non concurrence doit s’effectuer selon les dispositions contractuelles ou conventionnelles prévues, et, le cas échéant, au plus tard au terme de la dispense du préavis.

- Enfin, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, le contrat est réputé rompu au jour du prononcé de la décision du Conseil de prud’hommes. Le délai prévu pour permettre à l’employeur de renoncer à une clause de non-concurrence court à compter de la date du jugement [15].

On le voit, la rédaction et la mise en œuvre de la clause de non concurrence n’est pas sans poser des risques élevés pour l’employeur, qui a tout intérêt à limiter son utilisation aux seuls salariés clés de l’entreprise.

Il est important de se faire accompagner, que ce soit lors de la mise en place d’une telle clause, mais aussi lors de sa mise en œuvre, ou sa levée, afin de ne pas être confronté à des effets indésirables, pouvant coûter très cher.

Tristan Chaix,
Avocat en Droit du travail
https://chaixavocat.com/

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Notes de l'article:

[1Pour exemple : Cour d’Appel de Nancy, 27 octobre 2016, n°15/01135.

[2Cass. Soc., 31 octobre 2012, n°11-23.251

[3Pour exemples : article 51 de la CCN du personnel des agents généraux d’assurances ; article 7.4 de la CCN des personnels permanents des entreprises de travail temporaire ; article 1.2. de l’accord du 17 avril 2008 de la CCN SDLM.

[4Cass. Soc., 14 avril 2016, n°14-29.679 ; Cass. Soc., 9 avril 2015, n°13-25.847.

[5Cour d’Appel de Versailles, 1er septembre 2021, n°19/00013.

[6Cass. Soc., 11 mars 2015, n°13-23.866.

[7Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 1er juillet 2016, n°13/22649 ; Cass. Soc., 11 mars 2015, n°13-23.866 ; Cour d’Appel de Chambéry, 14 janvier 2016, n°15/00901.

[8Hormis pour éviter de verser l’intégralité de la contrepartie financière, s’il a des éléments de preuve comme quoi le salarié travaille pour une entreprise concurrente.

[9Cass. Soc., 24 mai 2018, n°16-24.616.

[10Cour d’Appel de Grenoble, 2 juillet 2020, n°19/04193.

[11Cour d’Appel de Paris, 7 septembre 2017, n°14/11215

[12Cass. Soc., 2 mars 2017, n°15-15.405.

[13Cass. Soc., 26 janvier 2022, n°20-15.755

[14Cass. Soc., 21 juin 2017, 16-15.271

[15Cass. Soc., 6 mai 2009 n° 07-44.692

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