de
marianigonzalez
le Sam 03 Avr 2010 16:49
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Profession: Avocat
Bonjour,
pour donner une idée de la profession je peux apporter mon témoignage.
je suis collaborateur libéral à Paris depuis 3, 5 ans, bientôt 4 ans.
Déduction faite des charges sociales obligatoires, je finis le mois, en moyenne avec 2100 ou 2200 euros.
Je fais des permanences en mairie (en ce moment rétribuées 150 € par séance de 3 heures, pour une désignation tous les mois et demi), et je suis inscrit à l'Aide Juridictionnelle dans une discipline où je reçois régulièrement des désignations : le droit des étrangers.
Quand je traite un dossier d'Aide juridictionnelle, la quasi totalité des clients ont une Aide Juridictionnelle totale, donc je n'ai pas le droit de demander des honoraires. A la fin de la mission (c'est à dire plusieurs mois plus tard : 6 mois, voire plus en fonction de l'évolution de la procédure), je reçois, pour une Aide Juridictionnelle totale environ 455 € (pour contester un refus de séjour) ou 144 € pour contester une reconduite à la frontière (je parle de dossiers pour lesquels les clients ont une Aide Juridictionnelle à 100 %, c'est-à dire que dans ce cas, l'avocat ne peut demander des honoraires.
Et pour ce prix là, je m'efforce de faire un travail correct, et même de produire des mémoires en réponse, par conscience professionnelle (alors que je ne suis pas payé au nombre de pages !)
Si j'ai la chance de gagner mon procès (pas évident), je demande un article 37, c'est à dire une indemnité supérieur au montant que doit me verser l'Aide Juridictionnelle, mais qui me sera payée directement par la partie adverse à condition que je renonce à percevoir l'indemnité de l'AJ) : par exemple, récemment, le Tribunal Administratif de PARIS m'a accordé 800 € d''article 37 pour un procès gagné, c'est à dire deux fois plus que l'indemnité AJ : c'est bon à prendre !
Si mes étrangers sont contents de moi, ils m'amènent d'autres personnes (pour l'instant, je n'ai que très peu bénéficier de cette façon de récupérer des dossiers persos), ou alors, ils me parlent d'un autre problème : et si ça touche à un domaine où je m'y connais un peu, j'accepte de rempiler pour un nouveau dossier d'Aide Juridictionnelle pour traiter d'un autre problème (je n'ai que peu bénéficier de cette façon de récupérer de nouveaux dossiers, car j'ai refusé à plusieurs reprises de m'occuper de certains problèmes qu'on me proposait, car je pense que l'avocat a un devoir de compétence, et aussi parce..... il faut penser à soigner les dossiers que l'on gère en tant que collaborateur et penser à ne pas crouler sous une trop grosse masse de travail !)
Je précise que les tarifs dont je fais état sont ceux de Paris, a priori les plus élevés.
Ma charge de travail ? facilement de 8 h 30 à 19 h 30 ou plus tard si nécessaire.... je n'aime pas travailler trop tard le soir (la fatigue de la journée s'accumule....). Parfois, si nécessaire, je reviens au cabinet le WE (on n'y travaille bien, car pas dérangé par le téléphone et les bruits ambiants des collègues...)
J'ai le souhait, comme beaucoup de confrères ayant autant d'expériences que moi je pense, de créer un jour ma structure et de devenir indépendant... cela étant rien n'est facile, et c'est vrai qu'à PARIS c'est plus difficile qu'ailleurs.
Pour avoir travailler dans le 94, je sais que les rétrocessions y sont beaucoup plus basses qu'à PARIS, mais là bas, un avocat est collaborateur pendant deux ans et créateur de son propre cabinet au bout de trois ans s'il sait s'y prendre (plus d'opportunités de saisir des dossiers et de développer plus facilement sa clientèle perso).
Et à mon avis, les barreaux périphériques ne sont pas les moins intéresseants : j'ai l'impression qu'il n'y a que des cabinets généralistes où on peut traiter de toutes les matières, et aller au feu (en adience, en maison d'arrêt visiter les clients, en expertise, en délacements divers....)
Je crois que les collaborateurs en périphérie ont plus l'opportunité qu'à PARIS d'apprendre le vrai métier et de développer plus vite sa clientèle perso, donc de s'installer plus tôt.
A Paris, même si on est pas esclave collaborateur dans un cabinet de conseil, c'est beaucoup plus dur (car Paris est plus anonyme, et il y a davantage d'avocats : en nombre, PARIS, c'est la moitié des avocats de France, donc pour les jeunes qui débutent, c'est pas évident).
Voilà, c'est très dur comme boulot : voilà ce que je dis à ceux qui envisagent la profession : nous sommes une jungle, et il faut se battre pour tout simplement faire son trou.
... et à PARIS, il y a une quantité appréciable de jeunes confrères qui abandonnent la profession au bout de deux ans, car trop dégoûtés...
Maintenant, il est vrai qu'il y a plusieurs facteurs qui vont changer la donne
- votre patron vous laissera t-il développer votre clientèle perso, ou sera-t-il un tyran (espèce assez présente à PARIS)
- Etes vous à PARIS ou en banlieue (les rétrocessions et les charges sociales sont plus élevées à PARIS)
- la localisation géographique et le domaine d'activité sont également importants (il est tout à fait exact, comme je l'ai lu plus haut, que certains barreaux sont en rade d'avocats, ce qui n'est pas satisfaisant )
Et puis je pense que certains domaines nouveaux sont en train d'apparaître et il n'appartient qu'aux avocats de s'y engoufrer et de tenter leur chances, car qui ne tente rien n'a rien (ex : le message un peu plus haut où il est question d'un confrère en droit agricole qui exerce dans un endroit où il est seul compétent dans un rayon de 200 km)
Alors évidemment, tout ceci, c'est également des choix de vie et il importe à chacun de voir ce qu'il veut faire.
Les solutions pour améliorer la profession ? je pense qu'à l'échelon individuel, il ne faut pas hésiter à prendre des initiatives et à se créer un réseau, car je pense que ce n'est que comme ça qu'on peut arriver à bien s'en sortir (les avocats sont assez forts pour ça je pense, il y a beaucoup d'associations...)
Au niveau global, il est certain qu'il y a mauvaise répartition géographique et mauvaise répartition de compétence (par exemple, j'ai lu 3,3 % de confrères qui font du droit public) : mais je ne sais pas comment inciter les confrères à se plonger dans une matière qui ne les intéresse pas a priori ou comment les inciter à déménager dans un coin de la France où ils ne connaissent personne ?
J'imagine que c'est une question de politique globale, et les instances représentatives peuvent agir en ce sens, mais à mon avis, c'est un travail sur plusieurs années... sauf pour ce qui est question d'investir de nouveaux champs de compétence : alors là, la profession est en ce moment beaucoup en train de bouger, et je pense qu'il ya des opportunités à prendre : il appartient à chacun de regarder ce qui se passe et de rester à l'affut)
le numérus clausus ? oui..... je ne sais pas si ce serait la solution idéale.... on est quand même en France environ 42.000 avocats pour 64 millions de français recensés et je ne compte pas les innombrables entreprises, associations, collectivités territoriales qui sont de potentiels consommateurs de droit : le marché du droit me paraît énorme.... et je pense avant tout qu'il y a mauvaise répartition des compétences et des localisations géographiques.
voilà ce que j'ai à dire : je suis éventuellement disponible sur message privé pour plus de précisions si vous souhaitez....
bon courage à tous,