Un chef d’entreprise est plus susceptible de recevoir la visite d’un inspecteur du travail, d’un agent des Douanes, d’un inspecteur des impôts ou d’un agent de la Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) que d’un officier de la Police Judiciaire.
Faisons ainsi le point sur ces personnes et institutions qui sont à l’origine du déclenchement de l’action publique à l’encontre de l’entreprise et/ou de ses dirigeants.
1. La partie lésée
Il faut naturellement commencer par la partie lésée elle-même qui, en application de l’article 1er al.2 du Code de Procédure Pénale (CPP), peut, à l’instar du procureur de la République, mettre en mouvement l’action publique.
Elle peut déposer plainte auprès des commissariats, gendarmeries ou même directement auprès du parquet.
La partie lésée peut, elle-même, délivrer une citation directe devant le Tribunal de Police ou le Tribunal Correctionnel ou en déposant plainte avec constitution de partie civile lorsque sa plainte simple a fait l’objet d’un classement sans suite par le Parquet ou n’a pas suscité de décision du Parquet dans un délai de trois mois à compter de son dépôt.
En cas de plainte avec constitution de partie civile, un juge d’instruction est alors désigné.
2. Les personnes dotées de pouvoirs de police judiciaire
La police judiciaire est exercée par la gendarmerie nationale, la police nationale, la douane judiciaire, la police municipale, et également par certains corps de fonctionnaires qui disposent d’une compétence spéciale, ainsi notamment certains agents de la SNCF et de la RATP, les inspecteurs du travail, les agents de l’administration fiscale, les maires et leurs adjoints… (articles 12 et suivants du CPP).
Sans pouvoir eux-mêmes déposer plainte, les fonctionnaires et agents des administrations et des services publics peuvent être à l’origine du déclenchement des poursuites en portant à la connaissance du Ministère Public l’existence d’infractions.
Ils sont chargés de constater les infractions par des procès-verbaux dressés en double exemplaires pour être normalement transmis l’un au Préfet, l’autre au procureur de la République qui décide de la suite à donner.
Ils disposent des pouvoirs d’investigation accordés par les textes qui leurs sont applicables.
3. Les institutions alertant ou transmettant les faits au Parquet
Un certain nombre d’institutions peut déclencher l’action publique soit en déposant elles-mêmes une plainte, soit en transmettant les faits au Parquet.
a) Les commissaires aux comptes
En application de l’article L. 823-12 du Code de commerce, les commissaires aux comptes ont l’obligation, notamment, de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance et de déclarer à Tracfin tout fait d’être susceptible d’être lié au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
Rappelons que dans les sociétés anonymes et les SAS, la nomination d’un commissaire aux comptes est toujours obligatoire. Dans les SARL, cette désignation est exigée lorsque sont dépassés, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils suivants : 50 salariés permanents, 310 000 € HT de chiffre d’affaires, 1 550 000 € au total du bilan.
b) Les syndicats professionnels
Les syndicats professionnels peuvent déposer plainte ou se constituer partie civile lorsque l’infraction visée porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession, comme, par exemple, dans le cadre d’un accident du travail ayant entraîné les séquelles d’un salarié, en se prévalant d’une atteinte aux intérêts qu’il défend à raison de la mise en danger de la sécurité des travailleurs.
Ils peuvent également exercer « une action en substitution » dans l’intérêt individuel d’un salarié victime sans pour autant avoir reçu de mandat de ce dernier dans un nombre limité d’infractions dont notamment celles relatives :
au prêt illicite de main d’œuvre (article L. 8242-1 du Code du travail) ;
au travail temporaire (article L. 1251-59 du Code du travail) ;
au travail à durée déterminée (article L. 1247-1 du Code du travail) ;
à l’emploi irrégulier d’étrangers (article L. 8255-1 du Code du travail).
Le syndicat professionnel a l’obligation d’avertir le salarié lequel peut s’opposer à toute action en renonçant à la poursuivre.
c) Les Autorités Administratives Indépendantes (AAI)
Les AAI sont chargées, au nom de l’Etat, d’assurer la régulation de secteurs considérés comme essentiels. Elles peuvent notamment disposer d’un pouvoir de sanction lorsqu’un des acteurs du secteur d’activité contrôlé ne respecte pas les règles posées par ces institutions ou les obligations qui lui incombent.
En outre, si elles ne peuvent pas déposer plainte, elles peuvent toutefois transmettre leurs rapports ou constatations lorsque des faits paraissent constitutifs d’une infraction pénale.
Sans volonté d’exhaustivité, les entreprises et leurs dirigeants sont susceptibles d’entrer en relation notamment avec les AAI suivantes :
la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui fait respecter la vie privée des individus face au développement des techniques informatiques. Elle a un rôle de conseil et de régulation ;
le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui régule le secteur de l’audiovisuel ;
l’Autorité des marchés financiers qui régule et veille au bon fonctionnement des marchés financiers français ;
l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) qui délivre des agréments et des homologations, lutte contre les sites illégaux et contre la fraude et le blanchiment d’argent ;
l´Autorité de la concurrence qui est spécialisée dans le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, l’expertise du fonctionnement des marchés aux échelons européen et international et dans le contrôle des opérations de concentration ;
le Défenseur des droits qui est institué pour lutter contre « une dilution des responsabilités qui est par elle-même préjudiciable aux droits des personnes ». Il succède au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) dans leurs droits et obligations au titre de leurs activités respectives.
Enfin, il convient de préciser que même si elles n’ont pas le pouvoir d’engager l’action publique en application des articles 2-1 et suivants du Code de Procédure Pénale, des associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent avec l’accord de la victime se constituer Partie civile.
Peuvent être notamment concernées par des procès dans lesquels des entreprises et leurs dirigeants sont poursuivis les associations de lutte contre la discrimination fondée sur le sexe ou sur les mœurs, les associations de défense de la nature et de l’environnement et les associations de défense des consommateurs. Ces dernières sont notamment habilitées pour faire supprimer les clauses abusives.
Au vu de la diversité des personnes et institutions susceptibles de déposer plainte ou de dénoncer les infractions au Parquet, il va de soi que les entreprises et leurs dirigeants doivent redoubler de prudence, notamment veiller au respect de la réglementation en vigueur et à la formation du personnel et se doter d’assurances adaptées de responsabilité civile tant de l’entreprise que des dirigeants.