1. Rappel
« Le gage sans dépossession est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite. » [3].
Cette publicité est réalisée par l’inscription sur un registre. [4]
Les modalités de cette inscription sont réglées par le décret 2006-1804 du 23 décembre 2006.
Selon l’article 2 de ce décret, l’inscription au registre est faite par la remise au greffe du tribunal de commerce de l’acte constitutif de la sûreté et d’un bordereau comportant diverses informations obligatoires.
L’inscription conserve son effet pour une durée de 5 ans (cinq ans) à compter de sa date et peut être renouvelée sur simple demande tant que son effet n’a pas cessé.
À défaut de renouvellement, l’effet de l’inscription cesse et le greffier est tenu de procéder d’office à sa radiation.
2. Question
Bien souvent, le gage sans dépossession a une durée contractuelle plus longue que le délai d’effet initial de l’inscription de 5 ans.
Bien souvent, dès lors, le créancier souhaitera renouveler son inscription pour la faire durer aussi longtemps que la durée contractuelle du gage.
Comment le créancier peut-il réinscrire son gage sans dépossession s’il n’a pas demandé le renouvellement avant l’expiration de l’inscription (par exemple, par oubli) et a ainsi vu périmer son inscription alors que la durée du gage n’est, elle, pas expirée ?
3. Analyse
Tout d’abord, la péremption de l’inscription ne concerne évidemment que l’inscription et n’a aucun effet sur la validité du gage entre les parties à l’acte de gage.
En effet, l’article 2337 du Code civil prévoit la publicité aux seules fins d’opposabilité aux tiers et non aux fins de validité.
C’est là une différence avec le nantissement d’outillage pour lequel, en application de l’article L525-11 du code de commerce, le privilège du créancier disparaît, faute de renouvellement de l’inscription.
C’est un point commun avec l’hypothèque pour laquelle la péremption de l’inscription laisse subsister le droit hypothécaire. [5]
On peut ensuite se demander si le renouvellement ne serait pas possible, même si l’inscription est périmée, tant que le greffier n’a pas procédé à la radiation (à savoir la « suppression matérielle » de l’inscription du registre de sorte qu’elle n’apparaisse plus sur les états délivrés par le greffe).
Sans réponse à cette question, la prudence commande de considérer que le renouvellement n’est plus possible dès que l’inscription a cessé de produire effet, à savoir à la fin du délai de cinq ans éventuellement renouvelé et qu’il n’est pas possible de « faire revivre » une inscription qui est définitivement périmée.
Dès lors que le renouvellement n’est plus possible, il faut procéder à une nouvelle inscription, a priori soumis aux mêmes exigences que l’inscription initiale.
On se heurte ici à une difficulté.
En effet, le décret prévoit que le créancier remet au greffier du tribunal de commerce « un des originaux constitutifs de la sûreté » si l’acte de gage a été, comme dans la plupart des cas, conclu sous seing privé.
Or, lors de la signature du gage, on aura le plus souvent signé un seul exemplaire par partie [6] outre un exemplaire pour l’inscription au registre de sorte que le créancier n’a qu’un seul original à sa disposition et il sera très réticent à s’en départir au profit du greffe, même pour procéder à la nouvelle inscription.
Il faut donc signer un nouvel original (ou un équivalent tel un acte recognitif du gage initial, signé par les deux parties, ainsi que l’acceptent certains greffes).
Cette solution pose une difficulté car elle suppose la participation du constituant et elle est dès lors soumise à son bon vouloir.
Ce n’est pas admissible, le créancier devant pouvoir inscrire et réinscrire son gage sans dépossession sans intervention du constituant.
On comparera la situation avec celle du créancier hypothécaire qui peut faire réinscrire son hypothèque sans le consentement du débiteur [7]
Dans l’attente d’une adaptation du décret ou encore de son application pragmatique par les greffiers (qui accepteraient par exemple la remise d’une copie de l’acte de gage certifié conforme seulement par le créancier) on pense à 2 mesures qui prémunissent le créancier du risque de devoir demander au constituant de signer un nouvel original, en cas de non-renouvellement en temps utile :
la signature de l’acte de gage par acte authentique puisque selon l’article 2 du décret, le créancier peut inscrire le gage en remettant une « expédition de l’acte ». Or, « l’expédition de l’acte » est une copie de l’acte que le notaire peut émettre à la demande d’une seule des parties ;
ou, plus simple, prendre la précaution de faire signer plusieurs originaux de l’acte de gage destinés au créancier afin que ce dernier puisse en disposer pour procéder, le cas échéant, à une nouvelle inscription.