L’affirmation a de quoi surprendre au premier abord, mais le Comité Social et Economique (CSE) est bien un « non-professionnel ».
On le sait, dans les relations dites « B to C » (Business to Consumer), le droit français et européen prévoit un large panel de règles protectrices visant à prémunir les « consommateurs » et les « non-professionnels » contre certains périls contractuels avérés ou présumés.
Ainsi, l’article L212-1 du Code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
Le code de la consommation prévoit même une liste de clauses dites « noires », qui doivent être réputées non écrites, puisque le législateur considère qu’elles créent inévitablement un déséquilibre dans le contrat signé avec le consommateur [1].
Par ailleurs, d’autres dispositions du Code de la consommation prévoient un régime particulier dans le cadre de l’exécution des contrats conclus avec les consommateurs.
Ainsi, un prestataire de services qui a conclu avec un consommateur un contrat comprenant une clause de reconduction tacite doit obligatoirement l’informer par écrit, avant l’arrivée du terme, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat.
Si cette obligation n’est pas respectée, son cocontractant peut mettre fin au contrat à tout moment, et ce sans bourse délier, à partir de la date de reconduction [2].
Ces protections contre les clauses abusives et les tacites reconductions sont applicables non-seulement au « consommateur » (comme vous et moi lorsque nous faisons nos courses), mais également au « non-professionnel », qui correspond, selon l’article préliminaire du code de la consommation dans sa version applicables aux faits, à « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » [3].
Mais que peut-bien être une « personne morale » qui n’agit pas en tant que professionnel ?
Au premier abord, seules les associations nous viennent à l’esprit, mais la Cour de cassation confirme que les Comités d’Entreprises font également partie du club.
Dans l’affaire en question, le Comité Social et Economique d’une société avait décidé de souscrire un contrat avec tacite reconduction afin de proposer aux salariés un accès à une offre culturelle en ligne.
Ce faisant, le Comité Social et Economique exerçait pleinement ses attributions en matière d’activités sociales et culturelles [4].
Le contrat était arrivé à son terme et le Comité Social et Economique n’avait pas effectué les démarches nécessaires pour résilier le contrat à temps et faire échec au mécanisme automatique de la tacite reconduction.
Toutefois, le Comité Social et Economique avait transmis un courrier à la société. Ce courrier indiquait que, faute d’avoir reçu un rappel sur la possibilité de rompre le contrat avant la tacite reconduction, le Comité Social et Economique entendait se prévaloir des dispositions prévues à l’ancien article L136-1 du Code de la consommation, devenu depuis L215-1 à L215-3 et L241-3.
En d’autres mots, le Comité Social et Economique annonçait avec fracas qu’il se considérait comme un « consommateur » ou un « non-professionnel » et qu’il entendait donc se prévaloir des dispositions du Code de la consommation.
Le prestataire l’a alors poursuivi devant les juridictions civiles pour obtenir le complet paiement de l’abonnement censé avoir été tacitement renouvelé pour une certaine durée.
L’affaire est allée jusqu’en Cassation.
Finalement, la Cour de cassation a rejeté la demande de la société prestataire et a validé la position adoptée par le Comité Social et Economique.
Ainsi, lorsqu’il conclu des contrats dans le cadre de ses attributions sociales et culturelles dans l’entreprise [5], le Comité Social et Economique n’agit pas à des fins professionnelles.
En conséquence, en sa qualité de non-professionnel, il bénéficie des dispositions du Code de la consommation sur les contrats tacitement reconductibles.
Il s’agit là d’une confirmation pure et simple d’une précédente décision rendue le 6 juillet 2016 [6].
Quelles conséquences pour les prestataires des Comités d’Entreprises ?
Les conséquences d’une telle décision ne sont pas neutres : le « marché » des comités d’entreprises existe bel et bien, comme le montre la tenue de « salons des CE » [7] dans de nombreuses villes françaises, au cours desquels les prestataires de voyages et d’activités culturelles ou de loisirs proposent leurs services au travers de stands d’exposition.
Certains CE sont dignes d’une PME [8] et constituent d’intéressants clients en termes de volumes de ventes.
Or, le droit de la consommation crée une fracture entre les contrats de consommation et les contrats d’affaires : les contraintes ne sont plus les mêmes pour les prestataire.
L’application du droit de la consommation devra donc inciter les partenaires des Comités d’Entreprises à revoir leur politique contractuelle et à adapter leur gestion des risques à ces nouvelles contraintes.
Il conviendra donc de réaliser un audit des contrats en cours et des modèles de contrats puis d’analyser les clauses « à risque ».
Cet audit devra lister les clauses à risques et apprécier les risques concrets engendrés par ces mêmes clauses, afin de fixer des priorités d’actions sur le plan de la gestion des modèles de contrats.