Pour rappel, celle qui s’estime victime d’un tel accident peut choisir la voie amiable en saisissant la Commission d’Indemnisation des Accidents Médicaux, ou la voie contentieuse en saisissant le juge compétent, voire les deux parallèlement en application des dispositions de l’article L1142-19 du Code de la santé publique.
Si la commission estime que le dommage de la victime résulte d’un accident médical fautif, elle rendra un avis sollicitant l’émission d’une offre d’indemnisation, par l’assureur de responsabilité, dans un délai de quatre mois [1]. L’assureur, ou l’Office national d’indemnisation des accidents médiaux (ONIAM), reste cependant libre de ne pas émettre d’offre [2].
De manière constante, comme elle peut le faire s’agissant des accidents de la circulation, la Cour de cassation assimile l’offre manifestement insuffisante à une absence totale d’offre [3].
Tel était le cas dans l’espèce considérée, les ayants droits d’un homme décédé suite à une chute dans un centre hospitalier avaient saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux d’une demande d’indemnisation.
Laquelle commission, estimant la responsabilité du centre hospitalier engagée, a rendu un avis favorable enjoignant à l’assureur de l’établissement d’avoir à formuler une offre d’indemnisation dans un délai de quatre mois.
L’offre proposée étant considérée comme dérisoire, la famille a saisi le juge administratif et a notamment demandé une indemnisation spécifique du fait du caractère manifestement insuffisant de l’offre.
Cette demande a été rejetée par la cour administrative d’appel au motif qu’il n’existerait aucun préjudice moral distinct de ceux déjà indemnisés.
Le Conseil d’Etat, par une décision inédite, censure la cour d’appel en jugeant qu’il existe un préjudice autonome indemnisable
« par le fait, pour la victime ou ses ayants droit, de s’être vu proposer une offre d’indemnisation manifestement insuffisante au regard du dommage subi et d’avoir dû engager une action contentieuse pour en obtenir la réparation intégrale en lieu et place de bénéficier des avantages d’une procédure de règlement amiable ».
Cette décision est rendue au visa de l’article L1142-14 alinéa 9 du Code de la santé publique, lequel dispose bien que, si le juge saisi par la victime, estime que l’offre formulée est manifestement insuffisante, il condamne l’assureur à verser à l’ONIAM une somme au plus égale à 15% de l’indemnité qu’il alloue « sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime ».
La disposition précitée était toutefois classiquement interprétée comme offrant la possibilité à une victime (ou à ses ayants-droits), indemnisée par l’ONIAM en substitution de l’assureur défaillant, de s’adjoindre à la procédure diligentée par l’ONIAM à l’encontre de cet assureur.
Rappelons en effet qu’en application des dispositions de l’article L1142-15 du Code de la santé publique, en cas de silence ou de refus d’offre de la part de l’assureur de responsabilité civile dans le délai de quatre mois suivant réception de l’avis formulé par la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux, la victime a alors le droit de solliciter cette indemnisation auprès de l’Office national, lequel se trouvera alors substitué dans les droits de la victime et agira à l’encontre de l’assureur défaillant pour obtenir le remboursement des sommes versées et le paiement de la majoration de 15%.
Dans une telle hypothèse, la victime ou ses ayants droits ayant obtenu leur indemnisation, il était particulièrement rare de les voir se joindre à l’ONIAM dans son recours face à l’assureur …
Par sa décision présentement commentée, le Conseil d’Etat vient donc affirmer l’autonomie du préjudice subi par la victime, du simple fait d’avoir à saisir les juridictions alors qu’elle avait choisi la voie amiable et ce, sans que ladite victime ait eu à solliciter la substitution de l’ONIAM.
Cette solution apparaît particulièrement heureuse pour les victimes. D’une part, puisque cela renforce considérablement l’intérêt de la procédure devant la Commission d’Indemnisation (au sein de laquelle l’expertise est supportée par la solidarité nationale) et d’autre part, puisque si la procédure de substitution peut paraître attrayante, celle-ci se fait nécessairement au prix de l’application du barème d’indemnisation de l’ONIAM dont on ne peut pas dire qu’il soit réellement favorable aux victimes.
Reste à savoir si l’autonomie de ce préjudice sera également retenue par la Cour de cassation dans le cas d’un accident médical fautif engageant la responsabilité d’un professionnel de santé libéral ou d’une clinique …