Le « vieux Palais » fait donc preuve d’une réjouissante modernité avec cette Plateforme, résolument inscrite dans l’air du temps, qui permet à tout citoyen :
de proposer la création d’une mission d’information sénatoriale ; ou
de soumettre une proposition de texte législatif en vue de son inscription à l’ordre du jour.
Dans les deux cas, si au moins 100.000 signatures sont recueillies dans un délai maximum de 6 mois avec identification via FranceConnect (ah, modernité, quand tu nous tiens !), la proposition est transmise à la Conférence des présidents du Sénat pour validation.
Pour l’inscription d’un texte législatif à l’ordre du jour du Sénat, qui est finalement la proposition la plus intéressante et concrète puisqu’elle permet au quidam ordinaire de se réapproprier la souveraineté nationale qui lui appartient en vertu de l’article 3 de la Constitution, deux contrôles de recevabilité sont prescrits.
Le premier, est composé de quatre sous-parties relatifs à la forme dont l’obligation d’un « titre clair », mais encore...?
Le second, est composé de rappel des principes élémentaires de droit constitutionnel 1ère année, par exemple, l’appartenance au domaine de la loi défini par l’article 34 de la Constitution (« … ») et, surtout, la conformité aux règles de recevabilité financière au regard de l’article 40 de la Constitution.
Sur ce point, et dans sa grande mansuétude mais sans doute aussi par pur philanthropisme, le Sénat renvoie, par un lien hypertexte très moderne accessible par un « clic » de mulot, au « Guide pratique du Sénat sur les irrecevabilités de nature constitutionnelle », qui, lui-même, renvoie l’internaute à une page générale du site du Sénat « Textes de référence et guides pratiques du Sénat » sur laquelle il faut dénicher le guide « irrecevabilités de nature constitutionnelle », qui n’est autre qu’un document de 74 pages dans lequel le chapitre I, relatif à l’irrecevabilité financière de l’article 40 de la Constitution (composé de 10 pages), rappelle les principes, bien connus du quidam ordinaire pourvu d’un minimum de culture générale basique, tels que :
les « administrations publiques concernées par l’article 40 » ;
« L’asymétrie entre les recettes et la dépense » ;
« Pourquoi distingue-t-on les recettes et la dépense ? Pluriel et singulier… » ;
« Les recettes : la possibilité de les « gager » », bien évidemment en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 76-64 DC du 2 juin 1976 ;
« A quelles conditions peut-on redéployer une dépense dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances ? » (cf. l’article 47 de la LOLF, à ne pas confondre avec l’acronyme LOL, quoique...!)
Le tout illustré d’exemples concrets et clairs comme de l’eau de roche :
« La perte de recettes résultant pour l’Etat de (…) est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts.
La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de (…) est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts » - véridique !.
Bien évidemment, la proposition d’un texte législatif ne doit pas avoir, au moment de son dépôt :
« a) un objet identique à celui d’une disposition déjà examinée par le Sénat depuis moins de douze mois ;
b) pour objet d’abroger une disposition adoptée par le Parlement depuis moins de douze mois ; ».
Ni avoir :
« un objet identique à une disposition examinée par le Sénat ou dont l’examen est prévu ni ne vise à abroger une disposition adoptée durant la période de recueil de signatures ».
Toujours est-il que si ces conditions de recevabilité sont respectées, alors la Conférence des Présidents en prend acte et en informe tous les sénateurs... Lesquels décident, ou pas, d’inscrire à l’ordre du jour la proposition, étant encore précisé que, toujours selon le site Petitions.senat.fr :
« La Proposition de loi peut être différente du texte de la pétition, notamment pour respecter tous les critères légistiques et, le cas échéant, pour s’intégrer au mieux dans le droit en vigueur. Elle peut également apporter des modifications de fond au texte de la pétition, sans pour autant remettre en cause ses principales dispositions ;
La proposition de loi sénatoriale sera par la suite examinée selon la procédure parlementaire de droit commun, au même titre que tout autre texte de loi. Il est donc possible qu’elle soit substantiellement modifiée au cours de son examen, du fait du droit d’initiative des sénateurs : ces derniers peuvent en effet librement amender le texte. »
Autant dire que « votre » proposition résonnera encore, longtemps, très longtemps, dans l’hémicycle sénatorial (quasi vide à 3h du mat’ comme disent les d’jeunz), pendant que nos représentants, qui exercent notre souveraineté nationale, feront craquer leurs articulations et le parquet du Golf-Drouot au moment où le disque jockey fera chauffer son tourne disque grâce aux Canned Heat !