Si cela ne constituait pas une réelle nouveauté au sein de l’arsenal juridique français (cf. article L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime - saluons tout de même le caractère symbolique de la loi), l’on peut espérer qu’elle inspirera les juridictions, dans les effets qu’un tel statut pourrait créer à l’égard de nos amis les bêtes. Pour l’instant, elle semble avoir trouvé entendeur auprès de la première chambre civile, en droit de la consommation.
En l’espèce, une éleveuse a vendu à un particulier un chiot de compagnie, lequel s’est révélé être atteint, après la vente, d’une cataracte héréditaire, laquelle était à l’origine de troubles importants de la vision. L’acheteuse s’est alors retournée contre sa vendeuse sur le fondement de la garantie légale de conformité prévue par les articles L.211-4 et suivants du Code de la consommation, réclamant la réparation du défaut de conformité du chiot ainsi que de son préjudice moral.
Arguant que le coût de la réparation était manifestement disproportionné (les frais médicaux s’élevaient à des milliers d’euros), l’éleveuse a préféré proposer le remplacement de l’animal. L’article L.211-9 du Code de la consommation autorise en effet l’acheteur à choisir entre la réparation et le remplacement du bien, à moins que le professionnel ne considère que « ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut ».
La vendeuse s’appuyait sur la jurisprudence constante selon laquelle les dispositions régissant la garantie légale de conformité sont applicables aux ventes d’animaux conclues entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle ou commerciale et un consommateur (Cass. Civ. 1ère, 19 février 2014, n°12-23519, au visa des articles L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime et des article L. 211-1 à L. 211-17 du Code de la consommation).
La Cour de cassation rejette l’argumentation de l’éleveuse pour confirmer la position des juges du fond qui avaient retenu que « le chien en cause était un être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique », et qui avaient fait ressortir l’attachement de l’acheteuse pour son chien, pour en déduire que son remplacement était impossible au sens de l’article L. 211-9 alinéa 2 du Code de la consommation. Concernant le préjudice moral, la Cour de cassation retient que, la vendeuse agissant à titre professionnel, elle était présumée connaitre le défaut de conformité du bien vendu et avait donc commis une faute dont elle devait réparation auprès de son acheteuse.
La Cour de cassation pose ainsi clairement une exception à la règle du remplacement du « bien » en cas de défaut de conformité, concernant les animaux de compagnie.
S’agirait-il d’une directe application du « nouveau » statut de l’animal instauré par la loi du 16 février 2015 ? On pourrait le penser. Toutefois, et si l’on regarde plus avant la justification de la Cour de cassation, l’on constate que les qualités de l’animal mises en avant pour juger de son caractère irremplaçable sont non pas sa sensibilité, mais plutôt qu’il s’agit d’un « être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître ».
Autrement dit, outre le caractère vivant de l’animal, qui d’ailleurs ne lui a jamais été dénié par le droit français, ce sont bien les qualités que son maître lui confère en raison de l’affection qu’il lui porte (« unique », « irremplaçable », « de compagnie », « destiné à recevoir l’affection de son maître »), plus que ses qualités intrinsèques qui font de l’animal un être « irremplaçable ». Ce caractère « irremplaçable » suffit d’ailleurs à démontrer que c’est bien du point de vue du maître de l’animal que l’on se place, et non du côté de l’animal. La décision aurait pu être tournée de la même façon à l’égard d’un objet cher à l’acheteur...
Une véritable consécration de la sensibilité de l’animal aurait conduit à ajouter à cette argumentation que l’animal, lui aussi, aurait souffert d’un éventuel remplacement qui l’aurait séparé du maître auquel il se serait attaché.
Il ne s’agit donc pas d’une évolution concernant le statut de l’animal, mais plutôt d’une jurisprudence battant en brèche l’application aux animaux du régime juridique des biens, selon les termes de l’article 515-14 du Code civil, consacrant ainsi le caractère irremplaçable de l’animal aux yeux de son maître.
Notons tout de même enfin que, pour éviter ce genre de différend, l’acheteuse aurait pu se fonder sur la garantie des vices cachés (article 1644 du Code civil) qui ne souffre aucun choix du vendeur concernant les moyens de réparation du préjudice.