Pourtant un cadre juridique européen est déjà institué. La directive n° 2011/62/UE du 8 juin 2011 vise à renforcer le contrôle de la totalité de la chaîne d’approvisionnement du médicament. Puis, contraint de transposer ces dispositions avant le 2 janvier 2013, le gouvernement a introduit par l’ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 et par décret d’application du 31 décembre 2012 de nouvelles dispositions dans le code de la santé publique.
C’est dans ce cadre européen que la France a, par ordonnance n°2012-1427 du 19 décembre 2012, complété par décret n° 2012-1562 du 31 décembre 2012 autorisé la vente en ligne des médicaments.
Désormais codifiée aux articles L. 5125-33 et suivants et R. 5125-70 et suivants du Code de la santé publique, cette loi fait polémique tant auprès des juristes, des pharmaciens que des consommateurs.
En effet, avant même la promulgation de l’ordonnance et du décret, l’autorité de la concurrence s’est fait le porte-parole du développement du commerce électronique en critiquant le projet de loi comme ne permettant pas un développement suffisant eu égard au cadre communautaire.
De plus, le débat se cristallisait autour d’une distinction, sur laquelle nous reviendrons, que la législation française avait opérée alors même que le droit européen ne distinguait pas.
Le cadre juridique posé par l’ordonnance réserve l’activité de commerce en ligne de médicaments aux pharmaciens (L. 5125-34 du CSP).
Par ailleurs, seuls les médicaments d’automédication, c’est-à-dire, librement accessibles devant le comptoir de la pharmacie, en accès direct dans un espace dédié de l’officine entrent dans le champ d’application d’autorisation (article R. 5121-202 Code de la santé publique).
Précisons également que pour entrer dans la catégorie « médicament de médication officinale » le médicament doit répondre à 4 critères cumulatifs :
1° L’autorisation de mise sur le marché n’indique pas qu’ils sont soumis à prescription ;
2° Les indications thérapeutiques, la durée de traitement et les informations figurant dans la notice permettent leur utilisation, avec le conseil particulier du pharmacien d’officine, sans qu’une prescription médicale n’ait été établie ;
3° Le contenu du conditionnement en poids, en volume ou en nombre d’unités de prise est adapté à la posologie et à la durée de traitement recommandées dans la notice ;
4° L’autorisation de mise sur le marché ou la décision d’enregistrement ne comporte pas d’interdiction ou de restriction en matière de publicité auprès du public en raison d’un risque possible pour la santé publique.
Or, le Conseil de la concurrence a relevé que par cet article encadrant la vente aux seuls médicaments de médication officinale, la France restreignait la liste des médicaments pouvant être vendus là où le droit européen était bien plus libéral en n’opérant pas une telle distinction.
La question a donc été soumise au Conseil d’Etat qui, par ordonnance du 14 février 2013, a suspendu l’exécution de l’article L. 5125-34 du Code de la santé publique.
L’autre débat concerne l’encadrement de l’autorisation de vendre.
L’article L. 5125-33 du Code de la santé publique ne permet qu’aux titulaires d’une pharmacie d’officine autorisée par licence et implantée en France de vendre sur internet.
Le Directeur Général de l’ARS territorialement compétent doit avoir préalablement délivré un agrément.
A ce jour peu d’officines sont agrées. La liste des sites internet des officines de pharmacie autorisés par les agences régionales de santé mise en ligne sur le site du ministère de la santé recensait 43 officines au 19 juillet 2013.
Le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens tient à jour une liste des sites internet des officines de pharmacie autorisés par les agences régionales de santé et la met à la disposition du public sur son site internet, comme le prévoit l’article R. 5125-74 du Code de la santé publique.
En cas de manquements aux dispositions légales, le Directeur Général de l’ARS peut prononcer des sanctions administratives.
Parmi elles, la fermeture temporaire du site pour une durée maximale de cinq mois renouvelable, une amende dont le montant ne peut dépasser 30% du chiffre d’affaires réalisé par la pharmacie dans le cadre de l’activité de commerce électronique, dans la limite d’un million d’euros.
Lorsqu’au terme de la durée de fermeture du site internet le pharmacien ne s’est pas mis en conformité avec les règles applicables, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer dans les mêmes conditions une nouvelle fermeture (article L. 5125-39 du CSP).
Enfin, l’ordonnance du 19 décembre 2012, prévoit l’obligation pour les pharmaciens pratiquant la vente en ligne de respecter un code de bonnes pratiques à la dispensation des médicaments.
Ce code a pris la forme d’un arrêté du ministère de la santé en date du 12 juillet 2013. Il est notamment prévu que le site internet en ligne de médicaments doit satisfaire à certaines exigences.
Dans le but d’aider le public à identifier les sites internet sécurisés, il est notamment prévu que sur chaque page du site internet un logo reconnaissable dans l’ensemble de l’Union Européenne apparaisse.
Nonobstant l’avancée majeure de ces dispositions légales, de nombreuses questions restent en suspens. L’ouverture de ce marché semble être profitable pour le patient en termes de coût. Toutefois, prédomine encore de nombreuses réticences. En effet, quel usage les pharmaciens feront de cette loi ?
Y trouveront-ils un réel intérêt économique ?
Quel accueil le consommateur leur réservera ? Les risques de contre-indications ou surdosage seront-ils évités ?
Le médicament est un produit hautement sensible et il est fort probable que le consommateur privilégiera la relation physique qu’il peut entretenir avec tout pharmacien en officine.
Cette loi ouvre également la voie aux arnaques. L’actualité la plus récente en atteste. Un article du Parisien du 7 août 2013 rapporte que l’Ordre national des pharmaciens vient de déposer plainte contre 11 sites.
N’oublions pas que le médicament est un produit de santé avant même d’être un produit de consommation et qu’avant de cliquer la prudence est de mise…
Le Ministère de la santé a d’ailleurs publié le 8 août sur son site un article intitulé « Vente de médicaments sur internet : rappel des consignes de sécurité » qui indique à titre liminaire que « Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a choisi d’encadrer, aussi strictement que la réglementation le permettait, ce mode particulier de distribution, pour éviter qu’il ne soit la porte ouverte à la contrefaçon et pour préserver l’accès à un conseil pharmaceutique ».
Le Gouvernement, qui s’est montré jusqu’ici plutôt très restrictif, continuera-t-il en ce sens ou sera-t-il contraint de satisfaire aux exigences libérales du droit européen ?
Affaire à suivre…
Discussions en cours :
Vous avez mal lu la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011. Elle n’impose absolument pas aux gouvernement la vente en ligne des médicaments.
La rédaction est la suivante :
20) Le titre suivant est inséré avant le titre VIII :
« TITRE VII bis
VENTE À DISTANCE AU PUBLIC
Article 85 quarter
1. Sans préjudice des législations nationales qui interdisent l’offre à la vente à distance au public de médicaments soumis à prescription
Le gouvernement français avait donc tout loisir pour maintenir l’interdiction de la vente en ligne des médicaments.
Je sais qu’il est d’usage, en France, de tout mettre sur le dos de l’UE mais tout de même.....
Les directives doivent être transposées dans le droit national. Certes cela peut prendre parfois du temps avant que les autorités nationales se décident...
La Directive européenne de 2011 fait une distinction entre les médicaments soumis à prescription et les autres, donc non soumis.
Seuls ceux soumis à prescription peuvent être écartées de la vente en ligne si les législations nationales en ont décidé ainsi.
Pour les autres, la Directive s’impose donc.