Depuis un certain nombre d’années, l’indice de déplacement des populations et surtout celui des réfugiés dans cette région de l’Afrique est en hausse. Malgré les actions mis en œuvre pour limiter le flux des populations dans le bassin, l’ampleur des crises humanitaires déborde les efforts escomptés de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) et de la Commission internationale. Il est dont nécessaire de mettre en place des nouvelles stratégies pour limiter les faits.
Introduction.
La crise climatique, combinée à celle politique, qui règne dans cette zone depuis des décennies, constitue un blocage majeur au développement du bassin conventionnel.
Depuis une décennie, une majeure partie de la population de cette partie du continent se trouve dans une situation humanitaire critique. L’on assiste à une migration forcée des populations, dues aux effets combinés de la guerre, de la famine et des catastrophes naturelles, sévissant dans le bassin du lac Tchad. Ces populations fuient d’une part les exactions de la secte terroriste boko haram [1] ; et d’autre part le dessèchement du lac, causant des troubles sociétaux graves [2].
Toutes ces personnes victimes des événements climatiques d’une part et de l’homme d’autre part, se trouvent dans une situation humanitaire alarmante. La plupart de ces personnes sont abandonnées à elles-même et ne bénéficient d’aucune protection de la part de leur État. La plupart de ces personnes se trouvent obligées de se mettre à l’abri des dangers en migrant dans un lieu plus sûr tout en espérant une vie meilleure.
Ces personnes quittent leur domicile pour se réfugier dans un lieu soit à l’intérieur de leur territoire national, soit dans un autre État. Selon le journal français « le Monde » [3], le nombre des réfugiés dans le monde est équivalent à la population française. Il est estimé à plus de 65 million. L’Afrique à elle seule comprend plus de 18 million des réfugiés [4] et le bassin du lac Tchad comprend 515.662 réfugiés [5]. Qu’elles soient des déplacées internes ou des réfugiés, ces personnes ont besoin d’une protection. Vue leur situation catastrophique, personne ne pouvait rester indiffèrent à leur égard. C’est pourquoi la Commission du bassin du lac Tchad, organisation à l’intérieur de laquelle sévit ce phénomène ne pouvait rester à l’écart de cette situation. Son action dans le maintien de l’ordre public dans le bassin du lac Tchad l’oblige à intervenir en tout temps et en toute circonstance lorsque la stabilité du bassin est mise en danger.
Ainsi l’intensification du déplacement massif des personnes fuyant les hostilités et la situation catastrophique du lac Tchad a interpellé notre réflexion sur la question des réfugiés dans le bassin du lac Tchad.
Comment la Commission du bassin du lac Tchad prend-t-elle en compte la question humanitaires ? Cette prise en considération des réfugiés est-elle efficace et efficiente ? Telles sont les interrogations qui guideront notre travail.
I- Regard sur la CBLT : historique, contexte environnemental, sécuritaire et humanitaire.
1- Historique de la CBLT.
Au lendemain des indépendances africaines, un besoin de regroupement pour résoudre les problèmes communs de développement a gagné l’esprit des dirigeants des États africains nouvellement indépendants.
C’est ainsi que sont nées l’Organisation de l’Unité Africaine en 1963, et des organisations d’intégration régionale et de développement de bassin fluviaux et lacustres [6].
Dès 1962, les États riverains du lac Tchad avaient pris conscience des problèmes de dégradation de l’environnement et des risques potentiels pour l’alimentation en eau du lac et pour l’accès et la gestion pacifique aux ressources naturelles pour les populations riveraines.
C’est pourquoi, le 22 mai 1964 les chefs de quatre États riverains du lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigéria et le Tchad) ont signés la Convention de Fort Lamy qui a créé une structure permanente de concertation dénommé « Commission du bassin du lac Tchad ».
Le bassin du lac Tchad, zone de drainage du plus large bassin continental d’Afrique, est situé dans la région centrale et occidentale de l’Afrique entre le 6e et le 24e de latitude Nord, et entre le 8e et le 24e de longitude Est [7].
C’est près de 8% de la superficie du continent Africain, repartie entre l’Algérie, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, la Lybie, le Niger, le Nigéria, le Soudan.
Il est entendu comme une source stratégique d’eau douce pour ces pays, ce qui est essentiel pour la subsistance dans le bassin. La Commission du Bassin du Lac Tchad a pour mission principale d’assurer la gestion intégrée de l’eau et des ressources halieutiques du bassin du lac.
Cependant, l’une des missions sous-jacentes assignée à la Commission du bassin du lac Tchad à sa création, était aussi d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité dans la région du lac.
L’esprit de Fort Lamy était de mettre en place une structure à la fois civile et militaire [8].
L’articulation des volets socio-économiques et sécuritaire est cependant demeurée embryonnaire, et le mandat initial de gestion des ressources en eau a primé au cours de ces 50 années d’existence de la Commission du bassin du lac Tchad.
La région du lac Tchad reste pourtant une région à la croisée des défis sécuritaire et socio-politiques majeurs.
La région du lac se caractérise par un peuplement humain hétérogène et représente depuis des siècles, un carrefour d’échange économique et culturel entre les populations du sud et celle du nord du Sahara [9]. La population de la région est aujourd’hui estimée à plus de 30 million de personnes vivant principalement de la pêche, de l’élevage, de l’agriculture et du commerce.
Sous l’effet conjugué des fluctuations climatiques d’une part et de la crise sécuritaire qui sévit dans le bassin d’autre part, la population de la région du lac Tchad se trouve dans une situation sécuritaire alarmante.
2- La dégradation de l’environnement du bassin du lac Tchad.
Le déficit de la pluviométrie, et de l’utilisation accrue des eaux du lac et des rivières qui alimentent le lac, ont réduit fortement la superficie du lac Tchad ces quatre dernières décennies. Elle se situe aujourd’hui autour de 2.000 km2, contre 25.000 km2 avant 1973 ; soit 10% de la surface que le lac occupait dans les années 1960 [10].
Le recul des eaux, de nouvelles terres émergées ont permis la multiplication de nouvelles zones de cultures sur les bords du lac, tandis que s’intensifiaient les mouvements transfrontaliers des pêcheurs dans le sillage du lac. La décrue a par ailleurs entrainé l’apparition de nombreuses îles et brouille la visualisation des limites des frontières.
La compétition pour l’accès et le contrôle des nouvelles ressources en eau et en terres a transformé la région du lac en zone de tension opposant notamment les pêcheurs des pays riverains avec une implication des armées respectives [11]. Ainsi au milieu des années 1990 on comptait dans la partie camerounaise du lac, plus de 30 villages créés par les immigrants nigérians, totalisant une population de plus de 70.000 habitants [12].
Dans un contexte marqué par une pression démographique croissante, la densité est passée de 10 à 60 km2 dans certaines zones, les tensions communautaires se sont multipliées entre agriculteurs et éleveurs, dont les parcours de transhumances sont assujettis aux zones de décrue. La combinaison de tous ces éléments est à l’origine du déplacement massif des populations vulnérables à la recherche d’une vie meilleure.
3- L’insécurité grandissante dans le bassin du Tchad.
La crise sécuritaire qui sévit dans le bassin du lac Tchad a profondément accentuée le mouvement de la population, de centaine des milliers des personnes fuite d’une part la crise sécuritaire interne à leurs État et d’autre part les incursions meurtrières des activistes de boko haram. Les exactions de la secte terroriste Book Haram a profondément dégradé la stabilité du bassin du lac Tchad.
Né à Maiduguri au Nigeria, le groupe boko haram, a largement déstabilisé la région du lac Tchad. Apparu au début des années 2000, revendiquant un islamisme radical qui bascule vers le terrorisme en 2009, puis se rattache à Daech en 2015, boko haram par ses actions : enlèvements contre rançon (famille Moulin-Fournier février 2013, clercs et une sœur en avril 2014 ; dix ressortissants chinois en mai 2014 ; membres de la famille du vice-premier ministre du Cameroun juillet 2014, les filles lycéennes de Chibok) [13], attaques surprises, attaques à la voiture piégée, attaques via des kamikazes, est à l’origine d’afflux massive récente de déplacement des populations vulnérables dans la zone du bassin du lac Tchad. Il est allé jusqu’à contrôlé plus d’une vingtaine de villages dans le nord du Nigéria, et certaines localités du nord du Cameroun.
Ainsi on assiste à des nombreux déplacements des réfugiés en direction du Niger, de l’intérieur du Nigéria, du Cameroun et du Tchad [14].
4- Défi humanitaire grandissant.
Depuis le début de l’année 2015, la crise sécuritaire dans le bassin du lac Tchad a entrainé des multiples mouvements de population dans la région du lac, dont les trois vagues les plus importantes se sont produites en janvier, avril et juillet 2015. Au total, la communauté humanitaire estime à plus de 5 million de personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire.
Avec la situation sécuritaire fragile dans le bassin du lac Tchad, des déplacements additionnels sont à prévoir. Il est plus que jamais temps, que la Commission intensifie ses actions en faveur des ces personnes vulnérables en intégrant la question des réfugiées dans ses politiques prioritaires.
II- La sécurisation de l’environnement du lac Tchad par les opérations de maintien de la paix.
Les questions sécuritaires ont depuis la création de la CBLT figurées parmi les préoccupations les plus importantes de la Commission.
Situé entre plusieurs territoires, le bassin du lac Tchad est une zone stratégique qui attire la convoitise de beaucoup des personnes. Riche non seulement en ressources halieutiques, mais aussi en ressources minières, et agropastorales, le basin du lac Tchad représente une zone importante pour le monde entier.
La majeure partie de la population de cette zone vit des activités agropastorales et du commerce. La réussite des ces différentes activités dans le bassin, fait de ce dernier une cible pour les criminels et les chasseurs de prime.
Le taux d’agression et de prise d’otage depuis la création du bassin jusqu’en 2014 a été en hausse par rapport aux décennies précédentes. La récurrence de ces actes criminels ont fait du bassin une zone vulnérable aux activités criminelles. Chose qui a eu des conséquences dramatiques sur le développement des activités agropastorales et commerciales dans le bassin. L’on note que, depuis 1960 jusqu’en 2016, le nombre des pêcheurs a été réduit de moitié ; l’agriculture a peu à peu perdu sa valeur et l’élevage de moins en moins exercé par les population riveraines du lac.
La régression de ces activités, est due aux multiples attaques criminelle dans la zone.
Ces multiples crises sécuritaires dans le basin du lac Tchad a crée une crise humanitaire de grande envergure. Malgré le fait qu’il existe au sein de la CBLT depuis la création de la CBLT en 1964 un mécanisme sécuritaire œuvrant dans le maintien de la paix et de la sécurité (la force multinationale [15]), ce dernier peine à maîtriser les actions criminelles s’sévissant dans la zone. La mise en œuvre des programmes de cette structure a connu depuis sa création, des difficultés énormes. Ayant pour mission le maintien de la paix et de la sécurité dans le bassin, la force multinationale a perdu peu à peu sa valeur. Face cette situation d’insécurité et de crises humanitaires multiples, c’est chaque État qui organise des patrouilles à la limite de ses frontières pour sécuriser sa population et ses ressources.
Les difficultés de la CBLT dans la sécurisation du bassin du lac Tchad sont donc doubles.
Premièrement, la Commission peine à mettre en place une politique concertée dans le domaine sécuritaire. On dirait même que ce domaine a été négligé par la Commission. Puisque depuis sa création jusqu’en 2014, sa priorité a été la protection de l’environnement. Rare étaient les programmes ou projets qui visaient à protéger la population du lac.
Deuxièmement, la CBLT ne disposait pas de police ou d’armée spéciale pour sécuriser la zone du bassin. C’est tardivement en 2014 que la CBLT a disposé d’une police transfrontalière. Pendant la période précédent 2014, la population du lac traversait des moments difficiles, dûs aux différentes attaques criminelles. C’est ce qui a eu pour conséquence l’avènement d’une série des crises sécuritaires et humanitaires.
Depuis 2014, la Commission du bassin du lac Tchad participe activement à la gestion des crises humanitaires même si quelques blocages internes et externes freinent la pleine réalisation de ses actions [16]. Il est à préciser que si les vagues de déplacement de la population civile ces dernières années proviennent d’une crise économique, sociale, climatique et politique, il faudrait mieux attaquer le mal par la racine. Étant au centre de tous les autres problèmes liés au mouvement de la population, la crise humanitaire qui sévit dans le bassin du lac Tchad, a amené les États composant le bassin du lac Tchad à faire appel à la Force Mixte Multilatérale (FMM) [17].
Apparu lors de la création de la Commission du bassin du lac Tchad, la Force Mixte Multilatérale a été renouvelée le 14 janvier 2016 par le conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine [18]. Elle a pour mandat, de créer un environnement sûr et sécurisé dans les régions affectées par les activités de boko haram et d’autres groupes terroristes ; de facilité la mise en œuvre par les États membres de la commission du bassin du lac Tchad et le Benin ; de programmes d’ensemble de stabilisation dans les régions affectées, y compris la pleine restauration de l’autorité de l’État et le retour des personnes déplacées et des réfugiés ; et de faciliter dans la limite de ses capacités les opérations humanitaires et l’acheminement de l’aide aux populations affectées [19].
III- La gestion des crises humanitaires.
Depuis sa création en 1964, la CBLT concoure par des actions concrètes à la maîtrise des différentes crises humanitaires dans le bassin du lac. Comme toute organisation, elle mène des actions et politiques de gestion des crises pouvant survenir dans sa zone de compétence. Plusieurs projets ont été déjà réalisés par cette institution et d’autres sont en cours. La pluparts de ces projets de gestion des crises dans le bassin du lac concernent le volet humanitaire. Au-delà de la gestion autonome des crises humanitaires par la CBLT, d’autres institutions internationales et Organisations Non Gouvernementales, participent également à la gestion des crises humanitaires dans le bassin du lac Tchad.
Au cours de plusieurs décennies, la CBLT fait face à des problèmes de changement climatique de grandes envergures. Le bassin du lac Tchad à connu des moments de crues, de sécheresses et d’épidémies rendant la vie difficile à des millions de personnes. Les États riverains du bassin du lac Tchad, se sont donc trouvés dans la responsabilité d’empêcher l’ensemble des habitants du bassin de continuer à souffrir des catastrophes naturelles.
Des dispositifs concourant au maintien de la paix, au développement économique et à la conservation des ressources naturelles et renouvelable du bassin sont donc mis en place.
La base de ces dispositifs se trouve dans le cadre juridique de la CBLT, ou sa mission principale est d’ordre écologique et humanitaire. Si la gestion des crises humanitaires sont inscrites dans le statut de la CBLT, il faut dire cependant que, très rares sont des situations humanitaires gérées directement par la Commission. La plupart des projets de gestion des crises humanitaires dans le bassin du lac, sont à gestions concertées.
La CBLT reçoit d’avantages des appuis extérieurs pour la gestion des situations humanitaires. Ceci pour des raisons d’ordre financiers et techniques. Tout d’abord, la CBLT manque des ressources nécessaires pour l’implémentation de ses différents programme et projets. Le financement des projets de la Commission par les États membres est très faible. Il est donc difficile pour la Commission de prendre seule en main tout les programmes et projets du bassin du lac Tchad. La grande majorité des projets du bassin sont financés par les appuis extérieurs. Ces appuis proviennent des institutions internationales, régionales et communautaires et des organisations non gouvernementales.
Conclusion
L’ampleur que prend la question des réfugiés dans le bassin du lac Tchad ces dernières années, inquiète non seulement les États membres de cette organisation, mais également la communauté internationale. Si des actions concertées ont été menées dans le sens de limiter le déplacement massif des populations dans le bassin conventionnel, aujourd’hui cette situation échappe à la CBLT. La vague récente des réfugiés dans le bassin, prouve à quel point la question des réfugiés dans cette organisation est sans suite. Il faudrait que la CBLT mette en place des politiques spéciales pour barrer la route ou du moins limiter ce phénomène qui déséquilibre la stabilité sociale et sème la panique au sien des régions entourant le lac Tchad.