Présentation de l’action Femme Entraide Justice.
Le 8 mars 2024, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la cour d’appel de Versailles, en partenariat avec l’Université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ) et Sciences-po Saint-Germain-en-Laye, lance le programme de mentorat "Femmes Entraide Justice" dédié à accompagner sur une année universitaire des étudiantes en "Prépa Talents du Service public".
Ces jeunes femmes bénéficient chacune de l’aide d’une magistrate qui selon la "Charte des Marraines" s’engage à :
- Encourager sa filleule tout au long de son année de préparation au concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature (ENM) ;
- Recevoir sa filleule au sein de la juridiction ;
- Accompagner sa filleule dans ses démarches administratives (rédiger un curriculum vitae, une lettre de motivation, la fiche individuelle du grand oral) ;
- Épauler sa filleule dans la préparation du grand oral dans le cadre de l’admissibilité ;
- Partager des moments de convivialité avec sa filleule.
Ce programme bénéficie d’un solide accompagnement, puisqu’il se fait sous le "haut marrainage" de Chantal Arens, Première présidente honoraire de la Cour de cassation. Et Sonya Djemni-Wagner, avocate générale à la Cour de cassation et présidente de l’association Femmes de Justice, sera la marraine de la promotion 2023-2024.
Ce programme d’entraide représente pour ces étudiantes une réelle opportunité de réussite et d’insertion dans le monde professionnel. Pour les magistrates, c’est une façon de transmettre un savoir, des compétences, un engagement. Enfin, pour la Justice et la société, cela répond à un besoin de diversifier l’accès aux métiers de la Justice et de permettre aux justiciables de se reconnaître en cette institution qui rend justice en leur nom.
Témoignage d’Isabelle Rome, première présidente de chambre en charge du pôle VIF à la cour d’appel de Versailles.
- Isabelle Rome.
Quelles ont été les motivations à la mise en place de ce programme "Femme Entraide Justice" ?
« En France, depuis la seconde moitié du vingtième siècle, les femmes ont progressivement investi les différents métiers de la justice. Vaincre les inégalités qui subsistent encore à leur égard s’agissant de l’accession aux postes les plus élevés reste néanmoins une étape à franchir ; leur permettre un égal accès à la magistrature, d’où qu’elles viennent socialement, économiquement, géographiquement, en est une autre non moins décisive. C’est pourquoi la Cour d’appel de Versailles a souhaité s’engager de manière très concrète en direction de jeunes femmes et s’est associée, pour cela à l’Université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ) et à Sciences-po Saint-Germain-en-Laye pour soutenir les douze jeunes femmes méritantes, actuellement en Prépa Talents, dans le cadre de l’action "Femmes Entraide Justice" ».
Que représente pour votre juridiction la participation à un tel programme de mentorat ?
« Un acte fort en termes de solidarité et un engagement très concret.
C’est aussi l’expression d’une prise de conscience et d’une conviction, celles de la nécessité de promouvoir la mixité au sein de la justice, mixité de genre et mixité sociale. Nos concitoyennes et nos concitoyens doivent pouvoir se reconnaître en cette institution qui rend Justice en leur nom ».
Pourquoi avoir axé ce programme sur les jeunes femmes des prépa Talents ?
« Parce que l’égalité des chances est l’un des fondements de toute égalité réelle, il est nécessaire de la favoriser, à tous les niveaux. Nous pouvons toutes et tous nous engager en ce sens, en tant que professionnels du droit, en tant que magistrats. Par le programme Femmes Entraide Justice, il s’agira de permettre à ces jeunes femmes d’avoir toutes une marraine magistrate exerçant dans le ressort de la Cour.
Le 8 mars est l’occasion de concrétiser cet engagement au cours d’une manifestation en présence des marraines et de leurs filleules.
Chaque marraine signera la « Charte des marraines » et remettra le livre "Détenues" de Nadeije Laneyrie-dagen et Bettina Rheims [1] à sa filleule ».
Le programme aura-t-il vocation à s’adresser plus largement à d’autres étudiantes en Droit dans l’avenir ?
« La cour d’appel de Versailles est déjà engagée dans plusieurs actions de tutorat à l’égard d’étudiantes et d’étudiants, dans le cadre de l’action ADN, avec la faculté de droit de Nanterre et avec l’association La courte échelle.
Le programme Femmes Entraide Justice a vocation à être renouvelé chaque année. Après cette première année, l’éventualité de son élargissement pourra être envisagée. Reposant sur le volontariat, ce dernier dépendra notamment des forces vives, prêtes à se mobiliser au sein de notre cour d’appel ».
Selon vous, que signifie pour un juriste : "s’investir en faveur des femmes et accélérer le rythme" [2] ?
« Le droit a une vocation à l’universalité, l’accès au droit et aux droits aussi. S’engager en tant que juriste en direction des femmes dont l’exercice des droits et l’accès au droit peuvent encore demeurer -plus que pour les hommes- restreints par des contraintes familiales ou sociales, contribue à l’effectivité de cette universalité. Cet engagement n’est nullement exclusif de l’impartialité nécessaire à la prise de décision. Il est indépendant de l’exercice juridictionnel qui impose une stricte application de la loi, égale pour tous.
La mise en place des pôles spécialisés pour les violences intrafamiliales (VIF) dans toutes les juridictions françaises depuis le 1er janvier 2024 et lancée à la cour d’appel de Versailles depuis plusieurs mois, constitue une nouvelle avancée. Par la cohérence des réponses judiciaires qu’ils génèrent, ce n’est plus seulement d’un acte, d’un auteur, d’une ou plusieurs victimes dont il est judiciairement traité, mais de la situation d’une famille entière ; une plus sûre garantie de protection des femmes comme des enfants ».
Témoignage de Valérie Courtalon, première avocate générale à la cour d’appel de Versailles.
- Valérie Courtalon.
Quelles ont été vos motivations à participer au programme Femme Entraide Justice ?
« Depuis la pionnière, Charlotte Bequignon, première femme à intégrer la magistrature en 1946, la situation a radicalement changé, puisque la profession de magistrat est désormais principalement assumée par des femmes. Mais il faut travailler également sur la mixité sociale.
Le vivier des candidats aux différents concours doit être élargi afin de répondre à un impératif de représentativité du corps social. C’est en cela que ce programme, axé sur les jeunes femmes des prépa Talents, m’a intéressée ».
Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être marraine ? Qu’est-ce que cela vous apporte à titre personnel et professionnel ? Comment ce mentorat se concrétise-t-il, se met-il en place ?
« C’est une démarche qui engage. J’exerce cette profession depuis 37 ans et je suis curieuse d’échanger avec ma filleule sur sa motivation.
Concrètement ce mentorat consistera, comme le rappelle la Charte des Marraines, à accompagner cette dernière dans la préparation du concours d’entrée à l’ENM, à la recevoir à la cour d’appel, à l’accompagner dans ses démarches administratives telles que la rédaction d’un CV, mais aussi dans la préparation du grand oral dans le cadre de l’admissibilité au concours ».
Selon vous, que signifie pour un juriste : "s’investir en faveur des femmes et accélérer le rythme" ?
« Cet investissement est très concret au sein de la Cour d’appel de Versailles laquelle, avant même la publication du décret du 23 novembre 2023, a travaillé sur la constitution et le rôle du pôle spécialisé dans la lutte contre les violences intrafamiliales (VIF).
Beaucoup a été fait ces dernières années et nous devons accompagner cette dynamique, sans négliger pour autant d’autres politiques pénales prioritaires telles que, pour citer des circulaires récentes du garde des Sceaux, la lutte contre le harcèlement scolaire ou encore la mise en œuvre de la justice pénale environnementale ».