A la suite de l’amendement déposé conjointement -mais pas forcément de conserve ni de concert- par Pierre Moscovici et Benoît Hamon le 10 juin, les députés réunis en commission des affaires économiques ont voté l’amendement au projet de loi relatif à la consommation (EFIX1307316L) visant à la création du fichier positif version « allégée », c’est à dire une nouvelle mouture excluant les prêts immobiliers (quid du rachat de crédit immobilier ?) et les revolving non actifs pour faire descendre, du moins au départ, le nombre de français fichés de 25 à 15 millions et ce, afin de ne pas risquer la censure du Conseil d’Etat.
Puisque, selon Benoît Hamon : « un des objectifs, c’est d’augmenter le nombre de personnes qui bénéficient d’un crédit » (ainsi que le nombre de crédits pour celles qui n’en ont pas assez, sans oublier le rachat de crédits pour celles qui en ont trop !), il ne faut pas perdre de temps, cet amendement sera au menu de l’Assemblée nationale et discuté en séance publique mardi prochain 25 juin 2013.
La fin de la valse-hésitation des politiques ?
Nonobstant les réserves de François Hollande, candidat, qui insistait sur des « conditions particulières, protectrices de l’individu » et le fait que Benoît Hamon se soit déclaré « pas très favorable » à ce fichier controversé depuis 25 ans et qui, pour la cinquième fois en dix ans, avait été rejeté par les députés (UMP, PCF et Front de gauche, le PS s’étant abstenu) le 22 novembre dernier, le PS disposant de 292 sièges sur 577 à l’Assemblée nationale, soit la majorité absolue, il est logique de penser que l’amendement sera adopté. Il est difficile, par contre de savoir ce que l’UMP fera puisqu’en avril 2012, juste après le ralliement de Jean-Louis Borloo à Sarkozy, ce dernier s’était engagé en cas de victoire à créer le fichier positif, mais que le 22 novembre 2012, ses députés votaient contre.
Mais quel est le véritable coût du fichier positif ?
C’est une nébuleuse ! Plusieurs évaluations très éloignées les unes des autres ont été avancées. A titre d’exemples :
« Si l’on considère les ordres de coûts cités (40 à 50 Millions d’euros), on se retrouve avec un coût unitaire du niveau de celui de Facebook pour des fonctionnalités très (très) en retrait (même si on essaie d’intégrer quelques fonctionnalités de « science-fiction » que j’ai citées) » .
Nicolas Guillaume / FriendsClear
« Ces arguments ont été repris par la présidente de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), Reine-Claude Mader, qui a évalué à « 800 millions d’euros » le coût d’installation de ce fichier et à « 35 millions d’euros » ses coûts de gestion annuel » .
Selon le comité de préfiguration
Le très officiel rapport au gouvernement et au Parlement du comité chargé de préfigurer la création du registre national des crédits aux particuliers par Christine Lagarde dans sa loi éponyme indique :
« La Banque de France estime que les coûts d’investissement devraient s’élever à un montant compris entre 15 et 20 millions d’euros. La fourchette dépend du degré de réutilisation possible des infrastructures existantes du FICP pour le nouveau registre, qu’il est difficile à ce stade d’apprécier plus précisément » .
« Les coûts de mise en place du registre qui recouvrent d’une part les investissements nécessaires de la part des établissements et d’autre part la reprise du stock de contrats en cours. D’après les estimations fournies par la FBF et l’ASF, ces coûts pourraient être compris entre 525 et 820 millions d’euros »
« Le coût de fonctionnement annuel du registre, compris comme un coût de gestion du dispositif sans prise en compte du coût des consultations, qui dépendra de l’utilisation effective du registre par les établissements. D’après les estimations fournies par la FBF et l’ASF, ces coûts pourraient être compris entre 37 et 76 millions d’euros par an » .
En clair, selon la Banque de France, son propre investissement serait de 20 millions d’euros auxquels s’ajoutent 30 millions de frais de fonctionnement annuel au bas mot, mais il faut ajouter à ces chiffres entre 315 et 520 millions d’investissements et entre 210 et 310 millions d’euros de frais annuels de fonctionnement pour les établissements financiers.
Benoît Hamon a, quant à lui, estimé à 15 millions d’euros le coût de mise en place du fichier positif pour les contribuables …
Razzy Hammadi, député PS et rapporteur du texte, justifie le coût initial de cette manière : « Il faut mettre en regard du coût de 15 millions d’euros pour la création du fichier, les 29 millions d’euros qui pourraient être économisés si la collectivité parvenait à traiter les cas les plus graves de surendettement. »
Mais comment seront compensés les quelques 35 millions d’euros supplémentaires par an de coût de fonctionnement dont Benoît Hamon a dit qu’ « il sera assumé par les établissements de crédit, qui paieront une contribution pour chaque consultation effectuée ? » Il va sans dire que ces derniers répercuteront cette contribution augmentée de leur marge sur le candidat à l’emprunt qui n’aura donc pas intérêt à solliciter trop d’établissements !
Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être d’accord avec la Fédération Bancaire Française qui affirme que ce fichier sera « très lourd pour les particuliers et les banques » eu égard à un coût de « plusieurs centaines de millions d’euros, alors que son efficacité n’est pas prouvée ».
Est-ce que c’est sérieux ?
Irrecevabilité financière du fichier positif
Selon les dispositions de l’article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »
Le principe d’irrecevabilité financière s’applique à des « propositions et amendements formulés par les membres du Parlement »
Les députés feraient bien de s’interroger sur cette importante question dans la conjoncture économique actuelle.
Et la constitutionnalité du fichier positif qu’en feront-ils ?
Si le fichier positif des crédits et rachat de crédits devait être voté par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, il resterait à trancher la question constitutionnelle du principe de proportionnalité. Est-il respecté lorsqu’on fiche 15 millions de français en prétendant en protéger moins de 130.000 par an (220.000 -88.000 qui redéposent un dossier de surendettement), étant encore rappelé que sur ce nombre une part importante a basculé dans le surendettement (passif) à la suite d’un accident de vie et que pour ceux là, le fichier ne serait d’aucune utilité.
Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer. Rappelons que dans sa décision N° 2012-652 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l’identité, les sages de la rue Montpensier ont rappelé que : « La collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » En l’espèce, ils ont donc considéré « qu’eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions (…) portent atteinte au droit du respect de la vie privée, une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi. »
Le problème est que le Conseil constitutionnel ne peut pas s’auto-saisir.
Il peut être saisi par le président de la République, le Premier ministre, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et par soixante députés ou soixante sénateurs.
Les quatre personnalités étant toutes socialistes, donc à priori favorables au fichier positif, c’est du côté des parlementaires qu’il faut espérer trouver une minorité politique de circonstance qui, soucieuse de l’intérêt des citoyens et des libertés publiques, demandera au Conseil constitutionnel de contrôler à priori la constitutionnalité de la loi créant le fichier positif si l’amendement est voté.
Sinon, il restera, à l’occasion d’un procès, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui permettra de demander au Conseil constitutionnel de vérifier si cette loi ne serait pas inconstitutionnelle en ce qu’elle « porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution »
Discussions en cours :
Un article lacunaire et partisan. En effet, la création de l’Agira, au fonctionnement pourtant similaire, n’a jamais fait l’objet de telles polémiques. Je vous invite à vous rendre sur le site www.touscontrelesurendettement.com, pour cerner tout les enjeux du fichier positif.
Partisan, c’est votre point de vue. Le mien est tout autre. D’ailleurs, la liste des opposants au fichier "positif" est longue comme un jour sans pain. Lacunaire, je ne le crois pas. J’ai parfaitement bien cerné les enjeux du fichier positif et d’ailleurs Benoît Hamon m’y a aidé ! Je vous invite à lire cet article d’Alain Bazot, Président de l’UFC Que-Choisir : http://www.alain-bazot.fr/index.php/tag/fichier-positif/ Mais la représentation populaire, à commencer par les députés qui discuteront demain à l’Assemblée nationale de l’amendement de Benoît Hamon et Pierre Moscovivi, ont déjà eu l’occasion avant ce texte de se prononcer par cinq fois contre le fichier positif. Contre le surendettement, je le suis sans réserve. Contre le fichier positif, aussi. Mais, d’une manière générale, je suis contre les fichiers liberticides. Puisque vous parlez de l’AGIRA, je vous invite également à lire cet article : http://www.credibilis.fr/blog/le-flicage-des-consommateurs-metastase/ où il est question d’un autre fichier voulu par Pierre Moscovici et qui concerne les contrats d’assurance-vie.
Votre article me parait très solide et bien charpente quand aux possibilités que le conseil contitutionnel retoque .....
Cependant, et je ne l ai lu nulle part, dans quel délai effectif, le fichier dit positif entrerait en fonction ....dans ses attendus le rapport Constans avançait un délai proche au moins de 24 mois pour que le fichier positif soit opérationnel ....pouvez vous m en dire plus ?
La liste des opposants est tout aussi longue que ceux qui sont pour, et vous oubliez de dire que parmis ceux qui y sont favorables, il y a d’autres associations de consommateurs, des établissements financiers et plusieurs autres acteurs de premier plan engagés. La "longue liste comme un jour sans pain", c’est celle des pays qui ont un fichier positif, contrairement à la France ...Je ne pense pas, que Benoît Hamon, vous ait aidé a y comprendre quoi que ce soit, étant donné que vous citez Alain Bazot, qui brille surtout par son ignorance sur le sujet...Pour votre information, l’Agira ne gére pas que les contrats d’assurance-vie... et il ne suffit pas de se déclarer contre le surendettement... Il faut agir... Au fait ? Vous proposez quoi ? Nous sommes nombreux en France à vouloir cette loi, et ce, de maniere totalement gratuite, contrairement à vous... En effet, ce projet a fait l’objet d’une levée de bouclier, à de multiples reprises, par des irresponsables nihilistes, privilegiant des intérêts privés plutôt que l’intérêt général, en dépit de tout bon sens. Si nous ne légiferons pas, c’est la loi du marché qui va frapper des milliers de nos compatriotes... "Celui qui laisse faire une injustice, se rend coupable des suivantes" disait Adenauer. Cessez de faire croire que vous défendez les libertés individuelles, alors que vous ne cherchez qu’a défendre votre "prêt" carré irresponsable, et faites votre examen de conscience.
Pourquoi tant d’agressivité ? A part votre association (Cresus), merci de me donner la liste de celles qui sont favorables au fichier positif. Je vous rappelle que ce dernier a été rejeté 5 fois par la représentation nationale dans les 10 dernières années et la dernière fois remonte à la fin du mois de novembre dernier. Pour en revenir au ministre de la Consommation, je n’ai pas inventé qu’il s’était déclaré "pas très favorable au fichier positif" et pas davantage qu’en février dernier, il le qualifiait d’« outil de stimulation de la concurrence pour le secteur puisqu’il permettra à tout nouvel établissement de crédit (…) de pouvoir entrer sur ce marché »… « un des objectifs, c’est d’augmenter le nombre de personnes qui bénéficient d’un crédit » ! C’est juste pour cela que je citais Monsieur Alain Bazot qui appréciera votre compliment le concernant ! Cela dit, avant de foncer, lisez mieux les articles que vous voulez critiquer. Je n’ai rien dit sur l’AGIRA si ce n’est que, par association d’idées, ce ficher m’en évoquait un autre voulu par Pierre Moscovici : le fichier centralisé de l’assurance-vie. Mais, à priori, vous ne semblez pas au courant de ce projet qui émeut le monde de l’assurance, lequel émet à peu de choses près les mêmes critiques que pour le fichier positif. Vous m’accusez de poursuivre un intérêt personnel sans autre forme de procès. Je peux le nier, mais c’est sans importance. Moi, j’ignore si vous en avez un ou non, puisque vous restez anonyme. Cela étant dit, vous me demandez si j’ai une meilleure idée à proposer. La réponse est : oui. Je reprendrai à mon compte celle avancée depuis des années par Francoise Fondadouze : créer par la loi une obligation synallagmatique :
pour l’emprunteur de déclarer tous ses crédits en-cours et de produire tous ses relevés de comptes bancaires originaux des trois derniers mois précédant sa demande ;
pour le prêteur de vérifier ces déclarations et justificatifs.
Le non-respect de cette obligation serait sanctionnée.
Ainsi, à coût nul pour les contribuables et les consommateurs, et sans fliquer des millions de français, on arriverait au même résultat que le fichier.
En premier lieu, il faudra que le texte l’instituant soit voté et que la loi soit promulguée. Ensuite, il va falloir le construire. La réalisation d’un tel fichier -et donc son coût- dépend notamment de ses fonctionnalités et du nombre de données qu’il sera appelé à traiter. Nonobstant de telles incertitudes qui devraient inciter les parlementaires à rejeter l’amendement en l’état, on peux imaginer que la société EXPERIAN qui est sur les rangs depuis longtemps a donné des indications sur ces deux paramètres : coût et délai de fabrication. Cependant, elles ne peuvent être dévoilées (si ce n’est l’approximation donnée par Benoît Hamon de 15 millions d’euros) puisqu’il conviendra de procéder, pour la forme, par appel d’offres. De manière tout aussi approximative que pour le coût, certains ont indiqué que le fichier positif ne serait pas opérationnel avant fin 2014. Le temps d’exercer tous les recours qui pourraient nous en prémunir.