Village de la Justice : Disons quelques mots d’abord sur le phénomène du cybersexisme.
Rachel-Flore Pardo : « Le cybersexisme n’est pas un terme juridique mais décrit un fait de société. C’est l’incarnation du sexisme en ligne qui se traduit notamment sous deux formes :
les algorithmes discriminatoires ;
les cyberviolences.
Je suis co-fondatrice, avec onze autres personnes, de cette association créée en 2020.
Quotidiennement, notre association soutient moralement et juridiquement les victimes, signale les contenus illicites en qualité de tiers de confiance, et sensibilise le plus grand nombre aux mécanismes du cybersexisme. »
V.J : Est-ce un phénomène qui s’aggrave ?
R-F. P :« Oui, le phénomène prend de l’ampleur et s’aggrave avec l’évolution de nos usages numériques. Exemple très concret : celui des deepfake, ces montages qui sont à 96% à caractère pornographique... [1]. » »
V.J : Peut-on lutter réellement et efficacement contre le cybsersexisme ?
R-F. P : « Oui, bien sûr, on peut ! Cela passe par davantage de régulation, notamment des plateformes en ligne.
Il faut également et évidemment plus de moyens donnés à la Justice pour poursuivre les auteurs de cyberviolences sexistes ou sexuelles. Sur ce point, il existe notamment un Parquet spécialisé dans la lutte contre la haine en ligne. Évidement, il faudrait que les magistrats spécialistes des cyberviolences soient plus nombreux.
Il faut enfin davantage sensibiliser sur ce qu’est le cybersexisme, comment il se manifeste, et informer sur les peines encourues pour mieux prévenir la commission de ces infractions. »
V.J : Un petit mot plus personnel, puisque vous êtes militante féministe et avocate : les deux se conjuguent facilement ?
R-F. P « Oui, cela rend ma vie passionnante (et mon emploi du temps chargé) ! J’ai pris ce parti pris, que j’assume, de défendre au travers de mes clients, des causes qui sont les miennes. Dans le cabinet spécialisé en droit des affaires et droit pénal pour lequel je travaille [2], je traite principalement les dossiers liés aux violences sexistes et sexuelles, et aux cyberviolences. »
"Stop fisha" : pourquoi ce nom ?
Les comptes Fisha sont des comptes qui divulguent sur les réseaux sociaux et les messageries instantanées, sans leur consentement, des photos et des vidéos intimes, principalement de jeunes filles et de femmes. [3]
En 2020, avec le confinement, ce type de pratique "explose", selon les mots de l’association. Shanley Clemot McLaren, activiste féministe, entre alors en contact avec les victimes. Elle lance le hashtag #StopFisha qui a permis la création d’un mouvement entièrement digital unissant des personnes à travers toute la France. C’est de ce hashtag qu’est né le collectif puis l’association Stop Fisha.