L’agent commercial bénéficie d’un statut protecteur défini aux articles L.134-1 et suivants du Code de Commerce.
Ainsi, la particularité essentielle du statut d’agent commercial est le droit, à la cessation du contrat, à une indemnité compensatrice destinée à réparer le préjudice résultant de la perte de patrimonialité de la carte à laquelle il est mis un terme par le mandant ou par l’agent commercial en raison de manquements du mandant à ses obligations.
Les trois seules exceptions au principe du droit à indemnité compensatrice sont prévues par les dispositions de l’article L.134-13 du Code de Commerce, à savoir :
- la cession de la carte par l’agent commercial,
- la cessation du contrat d’agent commercial à l’initiative de l’agent commercial, hors les cas de cessation dus à des motifs imputables au mandant ou encore à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial,
- l’existence d’une faute grave commise par l’agent commercial.
Il sera rappelé que la faute grave est celle qui rend le maintien du lien contractuel impossible et doit ainsi, de jurisprudence constante, être notifiée sans délai par le mandant qui doit mettre en demeure son agent de modifier son comportement ou les faits caractéristiques de faute grave et, à défaut, d’en tirer le conséquences dans des délais brefs.
En effet, les juridictions considèrent de façon désormais constante et incontestable que le maintien du contrat d’agent commercial, malgré l’existence de comportements ou griefs qui pourraient être qualifiés de faute grave, prive lesdits comportements ou griefs du caractère de « gravité », et ne permet plus au mandant d’invoquer une rupture du contrat pour faute grave.
Par conséquent, les hypothèses dans lesquelles l’indemnité compensatrice est due sont nombreuses.
La Cour de Cassation vient de préciser, dans un arrêt récent du 23 juin 2015 - n° 14-17894 - point sur lequel elle ne statue que très rarement - que le contrat d’agent commercial peut prévoir une période d’essai .
Cette décision est surprenante car plutôt contraire à la jurisprudence rendue jusqu’à présent par les différentes Cours d’appel, et notamment la Cour d’appel de Paris, qui considéraient comme étant réputées non écrites et donc nulles les clauses prévoyant une période d’essai car dans l’esprit contraires aux dispositions d’ordre public des articles L.134-12 et L.134-13 du Code de commerce, l’objectif de la période d’essai étant en effet pour le mandant de pouvoir rompre le contrat sans être redevable d’aucune indemnité compensatrice à son agent commercial.
La mise en œuvre de ces clauses pose effectivement la question du respect des droits de l’agent commercial tels que prévus par les dispositions des articles précités, qui sont d’ordre public, puisque mettre fin au contrat au terme de la période d’essai peut être un moyen de s’exonérer de l’obligation du mandant de verser à son agent commercial une indemnité compensatrice de fin de contrat.
La position de la Cour de cassation est de considérer que la période d’essai peut être nécessaire pour valider la contractualisation d’un accord entre les parties, et est en ce sens cohérente, mais doit être prise avec réserve et précaution.
En effet, sur la base de cette décision, il pourra être intégré aux contrats d’agents commerciaux des périodes d’essai mais, et afin de ne pas porter atteinte aux dispositions d’ordre public relatives à l’indemnité de fin de contrat, cette période d’essai devra par précaution ne pas être disproportionnée ni excessive, et ne pas constituer un moyen discrétionnaire pour le mandant de priver l’agent commercial des droits résultant de son statut.
La prudence s’imposera donc sur la rédaction de telles clauses.
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Merci pour cette information
Quant à ses conséquences sur la pratique des affaires, je souscris à votre analyse et ajoute un écueil supplémentaire pour les entreprises tentées d’en tirer un parti abusif : Quel pourcentage d’agents commerciaux serait économiquement rentable pour leurs mandants au terme d’un délai d’essai raisonnable de l’ordre de trois mois maximum ?
A mon humble avis, le taux ne serait pas très élevé de telle sorte que pareille jurisprudence relève davantage de l’attrape-nigaud que de la réelle aubaine.
je suis agent commercial et une grande maison de vin célèbre pour ses gros manseng a profité de mon réseau durant 5 mois et 20 jours ; j’ai du m’asseoir sur mes indemnités car j’avais trouvé une soixantaine de client en 6 mois !!