Le préjudice sexuel est défini par la nomenclature Dintilhac comme un préjudice extrapatrimonial permanent, c’est-à-dire subi après consolidation.
Elle retient trois types de préjudices de nature sexuelle :
- « Le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ;
- Le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir)
- Le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc) ».
Ce préjudice doit être évalué in concreto.
La Cour de cassation reprend cette classification (Cass. Civ. 2ème 17 juin 2010 n°09-15842).
La Chambre Criminelle de la Cour de cassation a été amenée à se pencher sur l’indemnisation du préjudice sexuel d’un jeune homme victime de viols alors qu’il était mineur, au titre de la perte de libido (Cass. Crim 6 février 2024 n°23-80109).
La Cour d’appel d’Orléans avait estimé qu’il ne pouvait prétendre à une indemnité au titre de la perte de libido dans la mesure où il ressortait du dossier que la victime n’aurait eu aucune relation sexuelle avec qui que ce soit ni dans l’adolescence ni à l’âge adulte et avait confié que le sexe ne l’intéressait pas.
La cour d’appel avait aussi cru pouvoir tirer argument du fait qu’un camarade d’étude supérieure de la victime avait indiqué que la victime lui aurait confié n’être attirée ni par les hommes ni par les femmes.
La cour d’appel déduisait de tout cela que la victime ne subissait aucun préjudice sexuel, dès lors qu’en raison d’une absence de libido, il n’a jamais eu aucun intérêt pour le sexe. Il était aussi indiqué que la victime avait fait connaître son projet de devenir prêtre.
L’argumentaire de la Cour d’appel d’Orléans semblait ne pas tenir compte du fait que les viols avaient été commis quand le jeune homme était âgé entre 8 et 10 ans. C’est dire s’il n’avait pas eu l’occasion d’avoir d’activité sexuelle avant le fait traumatique.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans, au visa du principe de réparation intégrale, en retenant :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’absence de libido constatée à l’adolescence et à l’âge adulte, de nature à constituer un préjudice sexuel, n’avait pas pour cause les faits de viols subis dans l’enfance, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
L’arrêt de la Chambre criminelle est bienvenu.
La perte de libido est une composante du préjudice sexuel. Ainsi, si la victime subit un tel phénomène, la juridiction doit se prononcer sur l’imputabilité de cet état au fait dommageable, en l’espèce des viols subis dans l’enfance.
C’est l’application du principe de réparation intégrale du préjudice.