La loi n°99-477 du 9 juin 1999 régit les soins palliatifs. Elle comporte notamment :
l’établissement du droit d’accéder aux soins palliatifs et à un accompagnement pour toute personne dont l’état le requiert,
la définition des soins palliatifs et de leurs lieux de pratique,
la reconnaissance du droit de la personne malade de s’opposer à toute investigation ou thérapeutique,
la nécessité de l’inscription des soins palliatifs dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire,
l’obligation faite à tous les établissements publics et privés de développer une réponse en matière de soins palliatifs et de lutte contre la douleur.
Les centres hospitaliers universitaires assurent une mission d’enseignement en liaison avec les autres établissements de santé et une mission de recherche.
Mais aucun texte ne régit spécifiquement les soins palliatifs pédiatriques.
Les soins palliatifs pédiatriques, à la fois physiques, psychologiques, sociaux, spirituels, ne sont pas réservés aux enfants en fin de vie, qu’ils soient nouveau-nés, nourrissons, petits enfants, grands enfants, adolescents.
Leur objectif premier est de soulager les symptômes de l’enfant, de maintenir la meilleure qualité de vie possible à l’enfant et d’offrir un soutien à sa famille.
Ils prévoient aussi l’organisation de services de répit pour la famille dont les membres peuvent bénéficier d’un congé d’accompagnement.
Les soins se poursuivent jusqu’au moment du décès et durant la période de deuil. Le suivi du deuil fait partie des soins palliatifs, quelle que soit la cause du décès. Ainsi, les membres d’une famille ayant perdu un enfant, dans un contexte traumatique, accidentel ou dans la période périnatale s’inscrivent dans un protocole de soins palliatifs.
Le champ des soins palliatifs est donc très large.
Il y a par ailleurs une imbrication et une complémentarité des soins palliatifs, des soins de support et des soins curatifs, d’où l’application des lois du 9 juin 1999, du 4 mars 2002 et du 22 avril 2005 dans tout traitement d’un enfant.
Les enfants concernés par les soins palliatifs
Plusieurs catégories très différentes d’enfants malades sont concernées par les soins palliatifs et leur régime juridique.
Une première catégorie concerne les enfants atteints de maladies pour lesquelles un traitement curatif existe mais est susceptible d’échouer. Les soins palliatifs alternent alors avec des tentatives de traitements curatifs.
Une deuxième catégorie concerne les enfants atteints de maladies comme la mucoviscidose où une mort prématurée est inévitable avec de longues périodes de traitement intense permettant de prolonger la vie et une participation à des activités normales.
Une troisième catégorie concerne les enfants atteints de maladies évolutives sans option de traitement curatif où le traitement est uniquement palliatif et peut se poursuivre pendant des années comme dans la maladie de Batten et la dystrophie musculaire.
Une quatrième catégorie concerne les situations irréversibles et non progressives, comme la paralysie cérébrale et les atteintes cérébrale et médullaire, exigeant des soins complexes, prédisposant aux complications et à une mort prématurée.
Une autre catégorie sur laquelle nous reviendrons, concerne les nouveaux nés avec de tels problèmes neurologiques ou autres que leur espérance de vie est très limitée.
Les lieux de soins palliatifs pédiatriques
Les enfants sont accueillis dans des Unités de Soins Palliatifs, (USP). Ils sont soignés aussi par des équipes mobiles, des équipes régionales –ressources- en soins palliatifs pédiatriques. Ces équipes interviennent sur le plan régional, auprès des différentes équipes soignantes en pédiatrie et auprès des professionnels intervenant au domicile. Les soins peuvent se faire dans les hôpitaux de jour. Des soins de suite et de réadaptation en soins palliatifs. (SSRSP) sont prévus. Il y a les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Les soins palliatifs concernent aussi les bébés, enfants et adolescents hospitalisés dans les services de réanimation ou de soins intensifs lorsque l’évolution de la maladie l’exige.
Soins palliatifs : obstination déraisonnable et acharnement thérapeutique.
Le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade. De l’assister moralement et d’éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations et les thérapeutiques selon l’article 37 du code de déontologie et la loi Léonetti du 22 avril 2005. L’obstination déraisonnable et l’acharnement thérapeutique consistent à poursuivre des soins curatifs, visant à guérir la maladie, ou à ralentir son évolution alors que le malade n’en tire aucun bénéfice.
Le malade s’il est conscient peut aider à déterminer cette notion d’acharnement thérapeutique. Un adolescent pourra s’exprimer dans certaines conditions. Un jeune enfant ne pourra s’exprimer qu’à travers ses parents dont la principale demande sera d’éviter les souffrances.
La lutte contre la douleur
La loi du 9 juin 1999 prévoit expressément la lutte contre la douleur. L’évaluation de la douleur chez l’enfant est très complexe.
Le rapport du Comité Consultatif National d’Ethique sur la fin de vie remis en octobre 2014 insiste sur le principe de la sédation pour soulager les souffrances mais n’approfondit pas ses modalités de mise en œuvre pourtant multiples.
La sédation
La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) définit la sédation comme la recherche par des moyens médicamenteux d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience. Son but est de faire disparaître ou de diminuer la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation lui ont été proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté. La sédation (…) peut être appliquée de façon intermittente, transitoire ou continue.
Des médicaments titrés sont utilisés de telle façon que leurs effets puissent être réversibles. Un patient, sous sédation, conformément aux textes en vigueur, doit potentiellement se réveiller à l’arrêt des produits.
Si la mort survient pendant la période de sédation, elle peut être liée à l’évolution propre de la défaillance d’une fonction vitale ou (et) liée à un effet secondaire de la médication utilisée.
La sédation, à condition qu’elle soit potentiellement réversible, ne sera pas assimilée à une euthanasie même si le décès survient au décours de la sédation.
Le devoir d’information
L’enfant ne peut ni rédiger de directives anticipées prévues par les articles L.1111-11 et R.4127-37 du CSP, ni désigner de personne de confiance prévue par l’article L.1111-6 du CSP. Les parents de l’enfant voire l’entourage de l’enfant sont les interlocuteurs de l’équipe médicale.
Mais respecter l’enfant, c’est reconnaître quel que soit son âge, qu’il est un être humain, dont il importe de respecter son droit à être informé et dont l’opinion doit être recueillie, en regard à son âge, son degré de maturité et son état de santé.
Le médecin doit informer les parents, voire l’entourage de l’enfant, sur la technique de sédation employée, l’objectif visé et les moyens de l’évaluer s’il est atteint. Il doit expliquer les modalités d’administration des produits. Ce qu’est une sédation intermittente avec possibilité du choix du moment du réveil. Ce qu’est une sédation continue ou terminale, en précisant bien que « terminale » ne signifie pas provoquer intentionnellement la mort.
Les parents de l’enfant et son entourage doivent connaître les implications éventuelles de la sédation, notamment l’incidence sur la maladie, la nutrition, l’hydratation.
Le médecin doit expliquer la possibilité de non-soulagement, de non-réversibilité et de survenue du décès pendant la sédation.
La temporalité du devoir d’information
Il faut anticiper avec l’enfant et les parents la décision de recourir à la sédation. Qu’est-ce que l’adolescent sait et veut savoir ? Que demande l’enfant dès lors qu’il en a la possibilité ? Lorsque l’enfant est conscient et capable de comprendre, quelles informations a-t-il reçues et qu’a-t-il compris ? Quelles informations les parents ont-ils reçues et qu’ont-ils compris ? Quelles sont les demandes de la famille et de l’entourage ?
Autant de questions complexes à affronter par l’équipe médicale. Autant d’éléments à notifier sur le dossier médical de l’enfant. Une équipe médicale qui ne sort jamais indemne de ces moments chargés d’émotion.
Si l’enfant est en phase terminale, évoquer la sédation dès que possible pour mieux la prévoir permet d’anticiper les situations de dégradation brutale ou progressive.
Si l’enfant est en soins palliatifs à domicile, la question de la sédation pour détresse devra toujours être abordée avant le retour au domicile. Elle doit être discutée avec les parents comme avec l’équipe libérale et/ou d’hospitalisation à domicile HAD, qui aura l’enfant à charge.
Beaucoup de parents ne peuvent se résoudre à vivre sans leur enfant atteint d’une maladie chronique très invalidante. Leurs demandes de traitements peuvent aussi être vécues comme une obstination déraisonnable par les équipes soignantes ou par l’entourage. Le dialogue avec les parents s’impose.
Une sédation-analgésie spécifique est mise en place dans l’hypothèse où la sédation est motivée par un arrêt de la ventilation mécanique. Ces situations sont le plus souvent vécues en réanimation, mais concernent aussi des secteurs d’hospitalisation ou des pouponnières habitués à accueillir des malades dépendants d’une ventilation mécanique partielle ou complète.
Il faut expliquer aux parents de l’enfant les conséquences de l’arrêt de la ventilation mécanique.
Des mesures de - sédation analgésie – appropriées doivent être prises pour prévenir la survenue de symptômes intolérables (anxiété, asphyxie, agitation). La lutte contre la douleur prévue par la loi du 9 juin 1999 doit rester l’objectif.
Le consensus médico infirmier
Un consensus sur le choix des soins palliatifs d’un enfant chez les soignants n’est pas la garantie du bien-fondé des soins, notamment de la sédation analgésie. Une opinion majoritaire ou consensuelle ne garantit pas forcément les intérêts de l’enfant. Mais il importe que dans les équipes pluridisciplinaires, le débat puisse avoir lieu.
La procédure collégiale
Le Comité Consultatif National d’Ethique dit dans son dernier rapport sur la fin de vie, que le terme de procédure collégiale peut donner l’impression d’une procédure de délibération collective. Le CCNE dit qu’il s’agit plutôt d’une procédure de consultation. Le médecin ne prend sa décision ni avec la personne de confiance ni avec la famille, ni avec l’équipe soignante, ni avec le médecin consultant. Il prend sa décision seul après avoir consulté ces différents intervenants et avoir recueilli leur avis.
Dans l’hypothèse où un enfant est en fin de vie, le médecin doit prendre sa décision seul, sans faire supporter à la famille la responsabilité de la décision. C’est un processus de décision.
Le CCNE, dans son avis n°121 recommande une modification de la procédure collégiale afin qu’elle prenne la forme d’une véritable délibération collective qui ne soit pas conçue comme une discussion collégiale entre experts et qui soit mis en œuvre de manière beaucoup plus large dès que les décisions complexes doivent être prises en fin de vie, que ce soit du fait d’une raison médicale ou d’une demande du patient.
Les soins palliatifs en néonatalogie
En salle de naissance, la sédation est envisagée essentiellement en cas de détresse respiratoire sévère que l’on se situe ou non aux limites de la viabilité.
La loi Léonetti du 22 avril 2005, tout en bannissant l’euthanasie, n’interdit pas, en l’absence de tout espoir, de stopper la respiration artificielle d’un nouveau né et d’enlever les sondes qui le nourrissent. Une décision dite collégiale est prise après un débat au sein de l’équipe de néonatalogie, une équipe parfois scindée, et après information des parents, telle que nous l’avons vu plus haut.
La mort consécutive aux arrêts d’hydratation et d’alimentation artificielle (AHA) est lente. Rarement moins d’une journée. Souvent quelques jours. Parfois plus.
L’alimentation artificielle est-elle d’ailleurs vraiment un traitement susceptible d’être interrompu au sens de la loi du 22 avril 2005 ?
Ou l’alimentation artificielle pourrait-elle être considérée comme un soin, au même titre que la toilette, un soin à poursuivre jusqu’au dernier instant ?
Les décisions de stopper l’hydratation, l’alimentation artificielle, et le respirateur artificiel provoquent une mort quasi certaine.
Seule la durée de l’agonie est inconnue.
L’équipe médicale ne peut informer les parents du moment de la mort.
Ignorer le temps de l’agonie du bébé, n’est-ce pas méconnaître l’intensité et la durée de la souffrance du bébé dont la lutte est prévue par la loi ? L’agonie est-elle toujours synonyme de douleur et de souffrance, ou peut-elle être une simple étape vers la mort ? Diminuer le temps de l’agonie, est-ce transgresser la loi, lorsqu’on sait que décider un AHA condamne le bébé ?
Le Comité Consultatif National d’Ethique et plusieurs spécialistes conseillent là aussi la sédation profonde du bébé. La sédation ne doit pas diminuer le temps de l’agonie. Car la loi interdit de hâter la mort. Une surdose létale de sédatifs est un acte d’euthanasie actif puni par la loi mais un AHA, décision déclenchant la mort mais non le moment de la mort est légal.
Les parents du bébé, théoriquement informés par le médecin, tel que rappelé plus haut, savent que son état médical est incompatible avec la vie.
Mais ils n’imaginent pas la plupart du temps l’agonie de leur bébé, ce temps non mesurable vers la mort, provoquant le délitement de leur enfant, son lent délabrement physique. Aucune maman ne peut imaginer son bébé la quitter dans de telles conditions.
Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 14 février 2014, a souligné, à côté du droit au respect de la vie un autre droit fondamental, le droit de ne pas subir un traitement qui traduirait une obstination déraisonnable. Le Conseil d’Etat indique surtout que la nutrition et l’hydratation artificielles font partie des traitements qui peuvent être dans ces cas, considérés comme n’ayant d’autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie et témoignant d’une obstination déraisonnable, ils peuvent être interrompus chez la personne. Mais le Conseil d’Etat s’est prononcé dans une affaire concernant un adulte.
Le CCNE indique quant à lui dans son rapport sur la fin de vie, « qu’il est souhaitable que la loi soit interprétée avec humanité afin que grâce à la manière de mener la sédation, le temps de l’agonie ne se prolonge pas, au-delà du raisonnable. »
Qu’est-ce que le « raisonnable » ?
On sait que certains médecins s’affranchiront de la loi dans les cas extrêmes.
On sait surtout qu’un bébé est unique, qu’il est le symbole de la vie.
La question pourrait être de savoir si l’agonie est une fatalité dans la fin fatale d’un bébé.
Les commissions des relations avec les usagers et de la qualité
Des divergences entre l’équipe médicale et les parents de l’enfant surviennent régulièrement. La saisine de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC) est possible. Cette commission est composée d’un médecin et d’un non médecin. Chaque CRUQPC doit transmettre à l’Agence Régionale de la Santé un rapport annuel d’activités [1].
On voit bien au terme de cet article la complexité des soins palliatifs pédiatriques. Le rapport du CCNE sur la fin de vie relève que les objectifs de la loi du 9 juin 1999 ne sont pas atteints. L’inégalité face à l’accès des soins palliatifs pédiatriques et l’hétérogénéité de la lutte contre la douleur sont des enjeux plus qu’urgents.
Bibliographie
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie (octobre 2014)
Bellaiche Marc, Pédiatrie, Les échelles d’évaluation de la douleur p 233
Coutet Baptiste Sémiologie Médicale p 456
Nago Humbert, Spécificité des soins palliatifs pédiatriques : l’enfant n’est pas un adulte en miniature
Viaillard ML, Suc A, De Broca A, Bétremieux P, Hubert P, Parat S, et al, Modalités pratiques d’une sédation en phase terminale ou en fin de vie en pédiatrie : prise de décision, mise en œuvre et surveillance
Vincent B, Horle B, Wood C, Evaluation de la douleur de l’enfant
Sakiroglu C.O, Wood C, Cunin-Roy C, les douleurs de l’adolescent atteint d’un cancer
Thiollier Anne-Françoise, Chantal Wood, IMPaCCT : Des recommandations pour les soins palliatifs pédiatriques en Europe
Recommandations de bonne pratique de la Société française d’Accompagnement et de soins palliatifs.