La DGOS [1], direction stratégique du ministère de la Santé, a fort à faire dans le contexte actuel. Elle est dirigée par Marie Daudé. Politiques liées à l’exercice et aux conditions de travail de tous les professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, au fonctionnement des structures, dans lesquelles ils exercent, et à leur financement, telles sont les missions gigantesques, confiées à la DGOS. Avec moins de 300 membres, d’un âge moyen de 44 ans, dont 88% de cadres A, la DGOS gère un système de santé en piteux état. Elle doit voir à très long terme. La sous-direction des ressources humaines du système de santé et le bureau exercice et déontologie des professions de santé (RH2) sont, notamment, en charge des PADHUE.
Sur ce même site, deux articles Quelques observations sur le statut des PADHUE et Propositions pour améliorer le statut des PADHUE, permettent de comprendre les enjeux.
L’instruction N° DGOS/RH2/2024/19 du 12 février 2024, relative aux dispositions dérogatoires et temporaires, permettant de justifier l’autorisation d’exercice, de praticiens étrangers (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens) ayant obtenu, un diplôme hors Union européenne (PADHUE) et ayant échoué aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) au titre de la session 2023, nécessite quelques rappels.
Cette instruction a pour objet de lister les conditions nécessaires à la délivrance, à titre dérogatoire, d’une autorisation temporaire d’exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien.
Cette instruction émane de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, en poste depuis le dernier remaniement ministériel. Elle est adressée aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS).
Copie est adressée aux préfets de département et au directeur général des étrangers en France.
Cette instruction, de trois pages, est accompagnée d’un modèle d’attestation d’encadrement, d’un modèle d’attestation sur l’honneur, d’un modèle d’autorisation temporaire d’exercice.
Ces dispositions s’appliquent aux Outre-mer. Elle est d’application immédiate avec une échéance au 31 mars 2025.
Les textes de référence sont la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé, les articles L4111-2 et L4221-12 du Code de la santé publique, l’article R6152-902 du Code de la santé publique, l’arrêté du 20 avril 2023 portant ouverture des épreuves de vérification des connaissances (EVC) mentionnées à l’article L4111-2-I du Code de la santé publique.
L’instruction rappelle que le Président de la République a affirmé le 16 janvier 2024 son souhait de sécuriser la situation des PADHUE.
Le constat est que, avec la réglementation actuelle, les praticiens ayant échoué au concours des épreuves de vérification des connaissances (EVC), au titre de la session 2023, ne sont plus en mesure de pouvoir exercer. Pourtant, ils sont indispensables à notre offre de soins.
L’instruction précise que ces praticiens répondent à un besoin important en ressources humaines des établissements de santé.
Ils pourraient bénéficier de l’attestation provisoire de 13 mois prévue à l’article 35 de la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé.
Dans l’attente de sa mise en œuvre effective et de la prochaine session du concours des EVC, le ministère du travail, de la santé et des solidarités ainsi que la DGOS, invitent les ARS, à délivrer à titre dérogatoire, une autorisation temporaire d’exercice aux praticiens.
Quelles sont les conditions pour bénéficier de l’attestation provisoire ?
Le praticien doit prouver avoir exercé au cours de l’année 2023 au sein d’un établissement français. Ces praticiens ne disposent pas du plein-exercice. Ils doivent bénéficier d’un encadrement renforcé par les praticiens titulaires de plein-exercice et d’un exercice médical collégial.
Le chef de service dans lequel le praticien exerce doit fournir une attestation. Elle est jointe au dossier. L’objectif est de vérifier si le praticien bénéficie d’un encadrement et d’une formation suffisante. La sécurité et la qualité de la prise en charge et des soins aux patients restent les critères. C’est l’objet de l’annexe 1, proposant un modèle d’attestation.
Le passage obligatoire des EVC 2024.
Le praticien doit s’engager à se présenter à la prochaine session 2024 des EVC. Il doit remplir une attestation sur l’honneur, l’engageant à respecter cette condition. C’est l’objet de l’annexe 2.
Quelles sont les conditions de la délivrance de l’attestation provisoire ?
L’agence régionale de santé, concernée, est chargée de délivrer l’attestation provisoire. L’annexe 3 prévoit le modèle d’attestation.
Cette attestation diffère des autorisations de plein exercice délivrées dans le cadre du régime dérogatoire et temporaire en vigueur dans certains territoires ultramarins.
L’autorisation de travail et le titre de séjour.
Le ministre de l’intérieur est chargé de délivrer aux PADHUE, non couverts par un autre titre de séjour, une autorisation de travail (plateformes main-d’œuvre étrangère) et un titre de séjour pour motif professionnel (préfectures). L’instruction rappelle que la délivrance d’une autorisation de travail et, partant, d’un titre de séjour, est subordonnée pour les professions réglementées, dont les professions listées au I. de l’article L4111-2 du Code de la santé publique (CSP) font partie, à la vérification que les conditions réglementaires d’exercice sont remplies.
Quelle est la durée de validité de l’attestation ?
La durée de validité de l’attestation varie en fonction du résultat aux prochaines EVC en 2024.
Pour les PADHUE non-lauréats, l’attestation est valable jusqu’à la date des résultats de ces EVC 2024.
Pour les PADHUE lauréats, l’attestation est valable jusqu’à la décision ministérielle d’affectation par le Centre National de Gestion.
Le praticien effectuera sa demande d’autorisation temporaire d’exercice auprès de l’ARS de son lieu d’exercice. Il devra fournir les deux attestations prévues aux annexes 1 et 2.
Les autorisations temporaires d’exercice, délivrées en application de la présente instruction, sont valides, jusqu’à la publication des résultats de la prochaine session des EVC ou de l’affectation du praticien s’il est lauréat.
Cette attestation figurera obligatoirement dans le dossier de demande d’autorisation de travail déposée par l’employeur.
Quelques remarques.
Le PADHUE qui n’est pas en fonction en 2023 et qui n’a pas passé les EVC en 2023, ne bénéficie pas de cette instruction. En outre, la notion de collège médical collégial mériterait d’être précisée. Certains services tournent grâce à une majorité de PADHUE. Ces praticiens seniors, pour certains, feront-ils partie du collège médical collégial, quand bien même, ils ne sont pas de plein-exercice ou seront-ils comptabilisés à part, évalués différemment, avec des critères, qui pourraient largement renforcer une discrimination professionnelle déjà dénoncée. On pourrait assister à une évaluation indirecte de PADHUE par des PADHUE. Ce qui ne serait pas illégal, sauf à l’interdire, mais selon quels textes et quels principes, sinon tacites ?
Par ailleurs, à l’échéance de mars 2025, que sera-t-il proposé, compte tenu du très fort taux d’échec des candidats, dû aux modalités actuelles du passage des EVC ? Ne pas être lauréat aux EVC 2024 peut être une hypothèse très sérieuse. Alors, que faire des praticiens déjà en poste, impuissants devant cette sélection par concours et par quotas, dont les ressorts appartiennent, encore, pour le moment, à des jurys souverains.
On rêverait d’un observatoire des PADHUE, permettant de connaître leur nombre précis parce que nous ne le connaissons pas et de centraliser les informations. Surtout, d’être capable de distinguer parmi les PADHUE, ceux déjà titulaires de responsabilités, autonomes, dont l’évaluation des compétences ne peut se faire qu’à l’appui d’un dossier, et non, via deux épreuves écrites. Or, actuellement, tous les PADHUE, indistinctement, doivent se plier aux EVC, au détriment d’une individualisation et d’une personnalisation, seules de nature, à répondre à la réalité.
Variable d’ajustement sur le terrain, aux salaires plus bas que leurs confrères français, on a même utilisé le mot stock dans une précédente loi pour désigner ces praticiens. Le talent n’est pas vraiment dans la sémantique adoptée.
Un délégué ministériel, chargé de faire la jonction entre le ministère de la santé et de l’intérieur, pourrait faciliter la délivrance des titres de séjour. Car, l’habitude de confier aux préfectures, déjà surchargées de nouvelles tâches, condamne évidemment les PADHUE à des parcours préfectoraux chaotiques.
Enfin, la publication au JO des instructions et autres textes relatifs aux PADHUE, ne serait pas vaine, histoire de permettre aux praticiens d’accéder plus aisément aux sources.
Nous restons, pour le moment, dans l’attente des décrets en Conseil d’Etat prévus par la loi du 27 décembre 2023. Et surtout d’une vision à long terme pour les PADHUE, qui finiront pas trouver une alternative, pour certains, celle d’aller pratiquer ailleurs qu’en France.
A suivre.
Bibliographie sélective.
Instruction N° DGOS/RH2/2024/19 du 12 février 2024, relative aux dispositions dérogatoires et temporaires, permettant de justifier l’autorisation d’exercice, de praticiens étrangers (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens) ayant obtenu, un diplôme hors Union européenne (PADHUE) et ayant échoué aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) au titre de la session 2023.
Arrêté du 9 février 2024 modifiant l’arrêté du 16 mai 2011 relatif aux stagiaires associés mentionnés au 1° de l’article R6134-2 du Code de la santé publique.
Arrêté du 9 février 2024 portant modification de l’arrêté du 20 avril 2023 portant ouverture des épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L4111-2-I du Code de la santé publique.
Rapport inter-académique sur les conditions d’accès au plein exercice en France des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens et des médecins à diplômes européens ou à diplômes hors Union Européenne (14 février 2023).
Avis consultatif du Conseil d’Etat du 1 février 2023 sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
DGOS F.A.Q. Mise en œuvre du nouveau statut de praticien associé (10 pages janvier 2023).
Rapport IGAS « La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter. Répartition, soutenabilité et reconnaissance » de Mathias Albertone et Dr Pierre-Yves Demoulin (Juin 2023) 128 pages.
Loi n°2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Loi n°2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.
Loi n°2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Décret n° 2022-1693 du 27 décembre 2022 portant diverses dispositions relatives aux praticiens associés.
Arrêté du 8 juillet 2022 relatif à l’affectation par spécialité des lauréats prioritaires des épreuves de vérification de connaissances, organisées au titre de la session 2021 (application des dispositions de l’arrêté du 26 février 2022).
Arrêté du 8 juillet 2022 portant affectation par spécialité des lauréats prioritaires
Arrêté du 22 juillet 2022 relatif à l’affectation par spécialité des lauréats liste principale.
Arrêté du 22 juillet 2022 relatif à l’affectation par spécialité des lauréats liste complémentaire.
Arrêté du 22 novembre 2021 fixant le nombre maximum d’autorisations d’exercice pouvant être délivrées en application des dispositions du 1 Bis de l’article L4111-2 et de l’article L4111-2 et de l’article L4221-9 du CSP.
Arrêté du 9 juillet 2021 portant modalités d’organisation des épreuves de vérification des connaissances mentionnées aux articles L4111-2 et L4221-12 du CSP.
Arrêté du 14 décembre 2021 fixant la composition des dossiers de candidature à l’autorisation d’exercice mentionnés aux articles 6 et 13 du décret n°2020-672 du 3 juin 2020 portant application de l’article 70 de la loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Décision n° 2020-890 QPC du 19 mars 2021.
Décret n°2020-672 du 3 juin 2020 portant application de l’article 70 de la loi N°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé relatif à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par des personnes ne remplissant pas les conditions de nationalité ou de diplôme normalement applicables et aux pharmacies à usage intérieur.
Décret n°2020-1017 du 7 août 2020 portant application du IV et du V de l’article 83 de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la Sécurité Sociale pour 2007 et relatif à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par les titulaires de diplômes obtenus hors Union européenne et de l’Espace économique européen.
Loi n°2019-774 du 29 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Rapport de l’OCDE. Recent Trends in International Migration of Doctors, Nurses and Medical Students (juillet 2019).
Rapport n°205 (2018-2019) du 13 décembre 2018 de Martine Berthet, Sénatrice.
Arrêté du 8 avril 2015 relatif à la vérification du niveau de maîtrise de la langue française pour l’application des articles L4111-2-I et I bis, L4221-12 et L4221-9 du CSP.
Loi n°2012-157 du 1er février 2012 relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un Etat non-membre de l’Union Européenne.
Loi n°2006-1640 décembre 2006 du financement de la Sécurité Sociale pour 2007 (article 83).
Loi n°99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle (CMU).
Arrêt du Conseil d’État n°469479 29 décembre 2023Arrêté du 23 décembre 2019 modifiant l’arrêté du 7 mai 2014 portant organisation de la direction générale de l’offre de soins en sous-directions et en bureaux.