L’article intitulé Quelques observations sur le statut des PADHUE, publié le 23 janvier 2024, sur ce même site, aborde certains aspects du débat. Il rappelle les propositions de la nouvelle ministre de la santé, Catherine Vautrin, et les dispositions de la loi du 27 décembre 2023.
La question n’est plus de savoir si le système de santé va tenir, mais comment, pourquoi, il a tenu jusqu’à présent et grâce à qui.
Nous sortons à peine d’une pandémie, dont les conséquences de toute sorte, produisent encore leurs effets. Les zoonoses étant mal connues, le monde peut basculer à nouveau dans un enfer sanitaire.
La plupart des failles du système de santé ont été recensées. Même si la transparence n’a pas été la principale vertu, à en juger, par exemple, la publication tardive du rapport de l’IGAS, rédigé par Pascale Flamant et d’autres. Le rapport ICOVAC (Impact of Covid-19 on vaccination in France), publié en janvier 2024, permet aussi de comprendre nombre d’éléments.
Dans un contexte de désertification médicale, nous connaissons les établissements médicaux où la chaîne de l’accueil et des soins est tendue, ceux où elle est rompue, ceux où le danger est né mais nié, dénoncé, reconnu ou même assumé par des fermetures. Le maillage médical du territoire français, métropole et DOM TOM, est plein de maillons faibles. Il n’y a rien de nouveau. Le problème est que nous nous y sommes habitués.
Dans la foulée du communiqué de la ministre de la santé, les conférences des doyens, des présidents de CME, et des directeurs généraux de CHU, font des propositions.
Certaines ressemblent à un bilan. Ainsi, le nombre insuffisant de stages, en médecine générale, génère, notamment, des difficultés à réaliser les parcours de consolidation et de compétences (PCC).
Le financement insuffisant, concernant entre autres, la neurochirurgie et la néphrologie, est rappelé. Des financement exceptionnels de certains postes, dans certaines disciplines, les établissements n’ayant pas le budget, doivent être effectués.
Ouvrir des postes, là où les PADHUE ont été reçus aux EVC et là, où ils sont attendus par les établissements, les ARS, les équipes médicales. Par simple arrêté, la ministre pourrait le faire. Cela paraît simple mais la rigidité administrative n’est pas une vaine expression.
La reconduite des dispositions dérogatoires et temporaires, permettant de justifier l’autorisation d’exercice des PADHUE, est préconisée. On note les adjectifs "dérogatoires et temporaires".
Un arrêté commun, au ministère de la santé et au ministère de l’enseignement supérieur, autorisant les doyens, de manière transitoire et dérogatoire, à permettre aux PADHUE, d’effectuer une partie de leur PCC dans des stages qui ne correspondraient pas exactement aux maquettes des DES mais comparables et équivalents, sur le plan pédagogique, pourrait débloquer certaines situations. Mais qui sont ces PADHUE, dans quelles spécialités, et quel accueil leur réservera-t-on, lors des procédures d’autorisation d’exercice ? Des garanties s’imposent, afin qu’ils ne s’engouffrent pas dans des impasses juridiques.
Ces propositions sont intéressantes mais ne règlent rien sur le fond.
"La situation des près de 2 700 candidats lauréats des épreuves de vérification des connaissances (EVC) 2023 est clarifiée". Telle est la première phrase du communiqué de la nouvelle ministre de la santé.
Une procédure dite Stock a été prévue par la loi du 24 juillet 2019. Une instruction du 13 juilllet 2023 a apporté des précisions. Elle ne prend pas en compte le travail forcené, effectué, pendant la crise sanitaire, puisque les dates et durées d’exercice retenues, calculées quasiment à l’heure près, sont pré-covid. La loi du 24 juillet 2019 peut faire l’objet de modifications et être plus souple quant à la prise en considération de l’exercice effectif. D’autres textes réglementaires, instructions comprises, doivent être pris, dans l’attente d’une nouvelle loi.
Reste à savoir comment l’État et les cabinets de conseils qui l’ont assisté, ont forgé le système pré et post-covid, privilégiant notamment l’aspect financier.
Reste aussi à connaître les interlocuteurs des PADHUE au sein des ministères concernés. Depuis le 11 janvier 2024, le remaniement a entraîné la valse des conseillers. Comment fixer un agenda de concertations et de négociations ?
Les examens de vérification de compétences (EVC) restent à l’heure actuelle, une étape décisive. Ils sont au centre de tout. Un échec peut entraîner la rupture d’un contrat de travail au sein d’un établissement et le chômage. En réalité, ce concours procède à une éviction de nombreux candidats, déjà en poste, ayant fait leurs preuves au sein d’équipes rodées et expérimentées, sous l’autorité d’un chef de service. Ce dernier ne les garderait pas en cas d’insuffisance professionnelle, ce qui provoque beaucoup d’incohérences.
Se présenter aux EVC, exige, en outre, une préparation intensive dont le programme doit être beaucoup mieux établi. Certaines spécialités ne sont pas proposées, excluant certains praticiens au moment de l’inscription.
Quels PADHUE, en poste sur le territoire français, par ailleurs, non inscrits au conseil de l’ordre puisqu’on leur refuse, dont certains, seniors, avec le statut inadapté de faisant fonction d’interne, encadrant et formant les plus jeunes, peuvent-ils réserver du temps pour préparer ce concours, passé à Rungis ?
Certains disent que les EVC s’adressent plus facilement aux praticiens, non présents sur le territoire français, plus disponibles, à qui on donne une chance de pratiquer en France, si succès.
Entre la sélection par concours, déconnectée de la réalité sur le terrain, aboutissant à une éviction potentielle du milieu médical, et la cooptation, il y a la validation avec des règles connues, publiées, strictes. Accompagnée d’une meilleure notification des droits concernant les recours administratifs, puisque les décisions faisant grief peuvent être attaquées devant le tribunal administratif, après des recours gracieux et hiérarchiques.
L’audition du chef de service, à sa demande ou non, les modalités restent à préciser, permettrait ainsi d’évaluer au plus près du terrain, la capacité du candidat, d’interagir avec les membres de la commission (dont les canevas, la composition et les pouvoirs pourraient être mieux cernés), de prévoir un plan concerté d’approfondissement pratique et théorique.
Qui peut échanger avec un chef de service, sinon un autre chef de service, au sujet d’un praticien exerçant à ses côtés, dans son équipe, peu importe son origine géographique et le pays où le diplôme a été passé ?
Un bilan de capacités et d’aptitudes remplacerait le mode de sélection scolaire, opaque, aux règles instables, que sont les EVC, ne donnant en outre, aucune garantie aux lauréats de la liste complémentaire. Puisque certains, notamment lauréats du concours 2021, n’ont pas de postes.
A noter aussi que sur les 537 postes, ouverts en médecine générale, 241, seulement, on été pourvus. Le jury est souverain pour décider quasiment de tout.
Mais réformer le statut des PADHUE ne peut se limiter à l’aspect médical.
On connaît les difficultés à obtenir et à renouveler les titres de séjour. L’intérêt de tous est de faciliter l’exercice des PADHUE et comme pour les autres praticiens, de limiter les risques psychosociaux. La dématérialisation a atteint ses limites depuis longtemps. Un référent au sein des préfectures, pour chaque praticien, permettrait de traiter les demandes, évitant une perte de temps. Où est la difficulté de mettre en place un véritable accompagnement administratif, permettant au PADHUE de se consacrer exclusivement à son service, sans être inquiété par les possibilités de faire venir son conjoint, ses enfants ou par la menace d’une OQTF ?
L’État impose une intégration dans la société française mais ne se donne pas les moyens de la faciliter.
Qu’est-ce que la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’intégration, améliorer l’intégration, apporte-t-elle ?
Le chef de l’État a promulgué cette loi, de New Delhi, où il était en visite officielle. Le Conseil constitutionnel a écarté nombre de dispositions, en appliquant, les articles 45 et 48 de la Constitution. Des questions prioritaires de constitutionnalité, lors de la contestation des décrets d’application, des contrôles de conventionnalité et de conformité, au droit de l’Union européenne, dans le cadre de contentieux individuels, pourraient se faire. Les débats juridiques continuent.
L’article 31 de la loi a survécu. Il a créé l’article L421-13-1 du CESEDA.
L’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation, d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer, mentionnées aux articles L4111-2 et L4221-12 du Code de la santé publique, qui occupe un emploi au titre d’une des professions mentionnées aux articles L4111-1 et L4221-12-1 du même code, se voit délivrer une carte pluriannuelle. Il s’agit des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens.
Cette carte pluriannuelle porte la mention talent profession médicale et de la pharmacie. Elle est d’une durée maximale de quatre ans.
Pour l’obtenir, il faut atteindre un certain seuil de rémunération qui sera fixé par un décret en Conseil d’Etat. Les PADHUE peuvent négocier leur salaire dans certains établissements mais pas dans d’autres. La disparité des situations des PADHUE provoquent certaines inégalités.
Retenons que la carte talent profession médicale et de la pharmacie ne peut être renouvelée, sa durée maximale étant de quatre ans et que le seuil de rémunération, à déterminer, ne va pas manquer de mettre en exergue, un statut très hétérogène.
Reste à savoir quel titre de séjour prendra le relais de cette carte et les conditions pour l’obtenir.
Tout est réuni pour saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme, outre le défenseur des droits, afin de dénoncer les discriminations engendrées par les différents statuts des PADHUE.
Il serait vraiment urgent que les PADHUE puissent se projeter et se former, l’esprit tranquille.
Les autres pays européens, dont la Suisse, l’Allemagne, leur offrent des opportunités.
Le pire, pour ces praticiens francophones, serait de s’exiler encore une fois, alors qu’ils ne demandent qu’à exercer, dans une société française où la prévention, encore très négligée, exige des effectifs, où la désertification est galopante, où l’hôpital perd ses meilleurs éléments, où le vieillissement de la population génère tant de souffrances.
Une concertation s’impose avant de prendre l’arsenal réglementaire prévu par la loi du 27 décembre 2023 et la loi du 26 janvier 2024.
Pour cela, il faut des interlocuteurs. La balle est dans le camp du gouvernement. Les PADHUE sont prêts.
A suivre.
Bibliographie sélective.
- Loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’intégration, améliorer l’intégration
- Décision n°2023 - 863 - DC du 25 janvier 2024.
- Quelques observations sur le statut des PADHUE.
- Communiqué du 22 janvier 2024 de Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et de la solidarité.
- Instruction n°DGOS/RH2/2023/130 du 13 juillet 2023 relative aux dispositions dérogatoires et temporaires permettant de justifier l’autorisation d’exercice de praticien étranger ayant obtenu un diplôme dans l’Union européenne [1].
- Rapport ICOVAC Impact of Covid-19 on vaccination in France (janvier 2024, 194 pages).
- Rapport d’information de François-Noël Buffet (10 mai 2022).
- Rapport IGAS « Retour d’expérience du pilotage de la réponse à l’épidémie de Covid-19 par le ministère des solidarités et de la santé » par Pascale Flamant, Emilie Marquis Samari, Hervé Leost, Angel Piquemal (IGAS) 205 pages.
- Rapport de la Cour des comptes « Le recours par l’État aux prestations intellectuelles des cabinets de conseil » (10 juillet 2023) [2].
Discussions en cours :
Bonjour Monsieur,
Je me permets de vous écrire sur le problème et la complexité d’embauche des médecins PADHUES résidents en France et de nationalité française ne peuvent pas exercer vue leur résidence permanente ou leur nationalité car pour être :
FFI (faisant fonction interne) il faut un titre de séjour étudiant pas une carte de résidence où nationalité .
SA ( stagiaire associé) : convention entre 2 pays ;l’hôpital de l’étranger et l’hôpital ici en France toujours un titre de séjour pas une résidence où nationalité.
PA ( Praticien Associé) : faut être lauréat des EVC ( épreuve de vérification des connaissances. )
la plupart des médecins PADHUES de résidence permanente ou de nationalité française ont suivi un autre parcours tel que infirmier, ambulancier,, enseignement ....
et d’autre sont au chômage ou RSA.
l’état est prêt pour payer le chômage et le RSA au lieu de nous embaucher pour travailler et payer les impôts .
Merci de parler de cette catégorie des médecins PADHUES de résidence permanente et français.
Cordialement.
Bonjour, il est important en effet de préciser les différents cas. Merci.