Un arrêté du ministre de la santé du 18 novembre 2014 relatif aux conditions de prise en charge de spécialités pharmaceutiques disposant d’une autorisation de mise sur le marché inscrites sur la liste visée à l’article L.5126-4 du Code de la Santé Publique a été publié au JORF du 20 novembre 2014.
Cet arrêté concerne le Sovaldi, fabriqué par le laboratoire Gilead Sciences International LTD.
Le Sovaldi, appartenant à une nouvelle classe d’antiviraux à action directe, fabriqué pour soigner l’hépatite C, est beaucoup plus efficace que l’association de Peg-Interferon et de Ribavirine. Il présente aussi moins d’effets secondaires.
232 000 patients sont atteints de l’hépatite C en France. Mais beaucoup d’autres ne sont pas dépistés. L’hépatite C est un enjeu de santé publique majeure.
Le Sovaldi est pris en charge par l’assurance-maladie, conformément à l’article L.162-17, deuxième alinéa du Code de la Sécurité Sociale.
Compte tenu du caractère irremplaçable et particulièrement coûteux du médicament relevant du présent arrêté et conformément à l’article R.322-2, la participation de l’assuré aux frais d’acquisition du médicament est supprimé.
Le comité économique des produits de santé a fixé en effet le prix de la boîte de Sovaldi de 28 comprimés à 13 667 euros hors taxes. Le coût du traitement de trois mois est de 41 000 euros. Aux États-Unis, le coût du traitement dépasse 70 000 euros.
Le dispositif de la ministre de la santé Marisol Touraine (loi de financement de la Sécurité Sociale) plafonne le chiffre d’affaires global que les laboratoires peuvent réaliser avec les médicaments prescrits pour traiter l’hépatite C. Dès que leur chiffre d’affaires aura atteint un seuil fixé à 700 millions d’euros en 2015, une partie du bénéfice sera reversé à l’Assurance Maladie.
Une annexe précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement du médicament.
Les mesures anti détournement sont-elles acceptables ?
Le laboratoire Gilead a prévu des mesures anti-détournement du Sovaldi dans sa commercialisation dans nombre de pays émergents.
Gilead a signé un accord de licence volontaire en septembre 2014 avec neuf producteurs de médicaments génériques indiens. D’autres accords sont en préparation ou imminents.
Cet accord permet la fabrication du Sofosbuvir, la molécule du Sovaldi, dans 91 pays en développement, sous réserve de conditions précises.
Les fabricants de génériques doivent fabriquer des comprimés de forme et de couleurs différentes du Sovaldi « original ». Une mesure permettant de repérer très vite les copies réexportées illégalement.
Mais Gilead prévoit surtout l’accès du patient au médicament à partir d’un distributeur agréé ou auprès d’un professionnel de santé, sur une base nominative, avec des justificatifs d’identité, de la citoyenneté et du lieu de résidence.
Chaque flacon de comprimés a un QR code, intégrant toutes les informations du patient.
Gilead peut contrôler notamment avec un smartphone ou par d’autres moyens, l’authenticité des informations, nécessairement confidentielles puisqu’elles touchent la santé. Le dispositif mis en place permet à Gilead de contacter le prescripteur à tout moment et de vérifier le dispositif de soins.
Le traitement sera délivré pour un mois et non pour la totalité des trois mois. Le patient doit s’engager par écrit à retourner, personnellement, le flacon vide avant de pouvoir obtenir le suivant. Une exigence posant des difficultés dans les pays sans réseau de soins, avec tous les aléas de la poste.
Le représentant du laboratoire Gilead désigné comme Patient Support Executive, c’est-à-dire, chargé de vérifier les informations du patient, pourra-t-il interrompre le traitement si un flacon n’a pas été retourné ? De quelle manière influera-t-il sur le traitement ? Les patients atteints de l’hépatite C sont fréquemment atteints d’autres maladies comme le VIH. Est-on en mesure de ne pas exposer le patient à « une fuite » des informations confidentielles ? Quel est le rôle exact du médecin ?
Confidentialité des soins, secret médical, traitement médical, respect de la liberté individuelle, inégalité d’accès aux soins pour les personnes les plus défavorisées, sans domicile et marginalisées, contrôle politique, corruption, et surtout la possible ingérence directe ou indirecte du laboratoire Gilead dans le traitement médical, autant de conséquences négatives inhérentes aux mesures anti-détournement dénoncées notamment par Médecins Sans Frontières.
La bataille juridique autour de l’hépatite C ne fait que commencer. Gilead a interjeté appel d’une décision de rejet d’un des brevets du Sovaldi par l’Office indien des brevets. Mais beaucoup d’autres contentieux existent ou vont naître.
On avance à grands pas dans le traitement, de l’hépatite C, l’objectif aussi est de ne pas régresser à grands pas dans le respect des libertés individuelles. Une résolution de l’OMS ne serait pas inutile…