1. La vidéoprotection au cœur des problématiques des communes et métropoles.
L’Assemblée nationale examine depuis le 4 octobre dernier la proposition de loi sur la « sécurité globale ». Parmi les différentes propositions figure la création d’un cadre légal pour les « caméras installées sur des aéronefs ». Autrement dit, les députés souhaitent créer un régime juridique pour autoriser les drones à prendre des images par voie aérienne, pour des besoins de sécurité et de prévention des infractions. Ce nouveau régime juridique de « vidéoprotection mobile » serait codifié au Code de la sécurité intérieure aux côtés des dispositions déjà existantes sur la vidéoprotection.
Une autre actualité portant sur la mise en place de dispositif de vidéoprotection : celle des Jeux Olympiques de Paris en 2024. En effet, l’une des priorités des organisateurs et des pouvoirs publics est de garantir la sécurité du public autour de l’événement. Or, l’utilisation de la vidéoprotection associée à des technologies de reconnaissance faciale semble être l’une des pistes pour répondre à ce besoin.
Au-delà de ces actualités, on assiste à l’émergence de Safe Cities (le volet sécuritaire de la Smart City), impliquant pour certaines villes de se doter d’outils technologiques perfectionnés au service de la tranquillité publique. Ainsi, plusieurs communes et intercommunalités n’hésitent pas à lancer des expérimentations (qui n’ont certes pas toujours abouti) pour juger de l’efficacité de technologies innovantes sur le terrain (ex. les capteurs sonores dans la ville de Saint-Etienne, la reconnaissance faciale pour encadrer le festival de Nice, les caméras intelligentes dans la ville de Marseille…).
Par ailleurs, plusieurs intercommunalités telles que Roissy Pays de France, Flandres intérieur ou encore Orléans Métropole ont déjà procédé à une mutualisation des moyens de vidéoprotection sur leurs territoires. Il en va également ainsi de la métropole de Bordeaux qui a formalisé un appel d’offres afin de mutualiser les outils de vidéoprotection des communes métropolitaines.
2. La pertinence de l’échelon intercommunal.
La mise en place d’un système de vidéoprotection relève traditionnellement des prérogatives de pouvoir de police administrative du maire. Néanmoins, les structures intercommunales disposent également d’une compétence en matière prévention de la délinquance.
Dans le cadre de cette mission, l’intercommunalité peut décider de mettre en place un dispositif de vidéoprotection pour couvrir l’ensemble du territoire intercommunal, avec le double avantage suivant :
D’une part, faciliter la coopération entre les polices municipales dans le cadre d’enquêtes impliquant plusieurs communes ;
D’autre part, permettre de mutualiser les moyens financiers et matériels des communes parties prenantes (ex. le recours au fonds interministériel d’indemnisation de prévention de la délinquance). A ce titre, le rapport Thourot-Fauvergue de septembre 20218 a rappelé l’importance d’une mutualisation des moyens en matière de sécurité et de prévention de la délinquance.
Avant d’implémenter un tel dispositif dans l’espace public, les intercommunalités doivent s’assurer de sa légalité. L’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) puis de la directive « Police-Justice » ont pour partie modifié les obligations incombant aux communes.
3. Un cadre légal complexe.
La vidéoprotection est encadrée par plusieurs textes majeurs, à savoir le Code la sécurité intérieure, la directive « Police-Justice », le RGPD et la Loi dite Informatique et Libertés de 1978, modifiée. En effet, les dispositifs de vidéoprotection constituent tous des traitements de données à caractère personnel.
L’installation de caméras dans l’espace publique sera ainsi soumise à des obligations diverses et distinctes selon l’autorité compétente concernée mais également la finalité (c’est-à-dire l’objectif ou le motif) poursuivie (ex. protection des bâtiments et de leurs abords, ou prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, ou prévention des risques naturels ou technologiques, ou encore sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d’attractions).
Il ressort de ces textes que plusieurs démarches administratives et obligations légales s’imposent aux agents intercommunaux pour les besoins de l’installation d’un dispositif de vidéoprotection. Il en va notamment ainsi l’obtention de l’autorisation du préfet, la tenue d’un registre de traitement des données comportant les informations requises ou encore de l’information des habitants des communes, au moyen de panneau d’information en ville et de mention légales sur le site internet de l’intercommunalité ou des communes concernées.
Outre ces obligations, l’intercommunalité sera tenue de réaliser une « étude d’impact » ou analyse du risque que pourrait faire courir l’implémentation du dispositif sur la vie privée des habitants, du fait de la surveillance à grande échelle qui en découle. Cette analyse doit impérativement être réalisée avant la mise en œuvre de toute opération de traitement.
L’étude d’impact (appelée aussi PIA ou AIPD) consiste en effet en une analyse de risques juridique et technique poussée qui implique la description très détaillée du traitement de données personnelles concerné et des mesures de sécurité qui seront associées, puis une évaluation de la nécessité et de la proportionnalité des opérations de traitement et de ces risques sur les droits et libertés des habitants.
Par exemple, la durée de conservation prévue pour les vidéos, la présence ou non de fonctionnalités ou innovations spécifiques (ex. les enregistrements sonores), la position, le lieu et le nombre de caméras (ex. les habitations, les balcons ou les entrées d’immeuble ne peuvent être filmés) font partis des éléments analysés.
L’objectif est d’établir si le traitement des données personnelles en question comporte un risque élevé qui ne peut être atténué en prenant des mesures appropriées. A défaut de pouvoir identifier des mesures suffisantes pour réduire les risques, l’intercommunalité devra alors consulter la CNIL.