I/ Responsabilité conjointe du harceleur et de l’employeur
Responsabilité du harceleur
La qualification de harcèlement moral peut intervenir entre salariés ( harcèlement horizontal- harcèlement vertical)
Situation très fréquente dans laquelle les salariés harcelés hésitent à mettre en cause judiciairement le harceleur et lui préfèrent une mise en cause exclusive de l’employeur.
Il est vrai, que la réparation sera financière et il est plus facile de l’obtenir de l’employeur que du harceleur.
Mais il n’en reste pas moins que juridiquement, les salariés doivent prendre soin de la sécurité et de la santé des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail. ( Article L 230-3 du code du travail).
En conséquence de quoi, le harceleur est responsable de ses actes, s’il a causé des dommages à ses collègues de travail.
Ils peuvent réclamer en justice des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait des agissements de leur collègue harceleur.
Il faut simplement espérer que le harceleur ait les moyens financiers pour rembourser aux victimes ce qu’il doit !
Responsabilité de l’employeur
Passivité de l’employeur
L’employeur qui a connaissance soit par le salarié « harcelé » lui-même, soit par les représentants du personnel, soit par les salariés de l’entreprise, des agissements de harcèlement moral et qui reste passif est punissable : son attitude est révélatrice d’une mauvaise exécution du contrat de travail.
On admet que la santé du salarié comprend l’état physique et l’état mental : la Cour Européenne en donne une définition très large puisque la santé concerne tous les secteurs d’activité et pour la Cour, « la santé est un état complet de bien-être physique , mental et social » ( CJCE 12 novembre 1996, Royaume-Uni c/ Conseil ).
A son tour, la Cour de Cassation a d’abord défini l’obligation de l’employeur en matière de prévention des atteintes à la santé notamment pour le risque lié au tabac (Cass.soc. 29 juin 2005)
En matière de harcèlement moral, la Cour poursuit son raisonnement : le droit à la santé, droit fondamental du travailleur à la protection de sa santé constitue une justification à l’obligation de donner à chaque salarié « des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité ».
L’employeur passif est fautif.
Ce comportement peut justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts. Les conséquences financières sont lourdes pour lui car cette résiliation produit les mêmes effets qu’un licenciement abusif.
En revanche, l’employeur qui a mis fin aux agissements du harceleur ne peut se voir imputer la rupture du contrat de travail par le salarié harcelé, postérieurement à la mesure.
responsable sans faute
L’employeur a l’obligation de prévenir les risques sur la santé du travailleur notamment en matière de harcèlement moral.
Il peut (doit) utiliser plusieurs moyens :
le règlement intérieur doit mentionner l’interdiction de toute pratique de harcèlement
formations sur le sujet
mise en place de cellule de discussion dans l’entreprise, voir création de poste de médiateur.
contacts permanents avec le CHSCT
En l’espèce, l’employeur avait déchargé le harceleur de ses fonctions et l’avait licencié.
Il n’en reste pas moins responsable.
L’employeur a donc été sanctionné pour n’avoir pas su prévenir le harcèlement moral dans son entreprise car chaque salarié doit pouvoir bénéficier concrètement et réellement de l’effectivité de son droit à la sauvegarde de sa santé et de sa sécurité au travail.
L’employeur est condamné en réparation du préjudice subi par les salariés victimes de leur collègue harceleur.
II/ Obligation de sécurité résultat étendue au harcèlement moral
L’employeur doit évaluer tous les risques pour la santé de ses salariés. Cette obligation a été matérialisée par le décret du 5 novembre 2001.
Ainsi, l’employeur doit mettre en avant tous les facteurs possibles qui viendraient altérer leur santé physique ou/et mentale.
On peut en citer certains sans être exhaustif :
les conditions de travail
l’organisation du travail
le stress
les causes de la souffrance au travail et notamment le harcèlement moral ( Cour d’appel de Paris du 23/03/06)
risques liés au tabac
Ainsi, le travailleur sait en se rendant à son travail, que les risques ont été prévus et leur règlement anticipé par l’employeur. Il doit se sentir en sécurité au travail. C’est la garantie d’une bonne exécution de son travail.
Cette obligation pèse sur l’employeur « l’obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité. »
C’est ce qu’affirme la Cour de Cassation dans l’arrêt du 21 juin 2006 à l’appui des articles L 122-49 et L 230-2 du code du travail.
En conséquence, l’employeur est débiteur de cette obligation de sécurité résultat à son égard.
Même sans faute, sa responsabilité sera automatiquement engagée, très peu d’évènements pourront l’en exonérer.
Il est donc très important pour l’entreprise de mettre en place tous les moyens pour éviter qu’une situation de harcèlement s’installe et veiller à tous les strates de la hiérarchie, que ce fléau n’apparaisse pas
Dans le cas contraire, l’addition pourra être très salée pour l’employeur négligeant !