Contexte.
En France, chaque année, c’est près de 20 à 30 000 Ha d’espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) qui sont consommés en raison des activités humaines. L’artificialisation des terres est l’une des causes de la perte de la biodiversité.
De façon plus parlante, depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de 3 à 5 millions d’hectares (+70%). Cette artificialisation n’est pas sans conséquences. En effet, elle participe :
- A amplifier les risques d’inondation en raison de l’imperméabilisation des sols
- A entrainer le déclin de la biodiversité, en détruisant des corridors écologiques, des espaces naturels au profit de zone imperméabilisée, bétonnée
- Au réchauffement climatique dès lors qu’un sol bétonné n’absorbe plus de gaz à effet de serre comme le fait un terrain naturel
- A entrainer des pollutions, aux métaux lourds, aux hydrocarbures…
- A réduire la surface de nos terres agricoles
- A renforcer les îlots de chaleur en ville.
L’objectif « ZAN » ?
Afin de répondre à ces problématiques, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets plus connue sous le nom de loi « Climat - Résilience » fixe l’objectif d’atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon de 2050.
En outre, elle a également fixé un objectif intermédiaire de réduction par deux de la consommation d’espaces NAF d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020.
L’objectif « ZAN » vise à encadrer toute imperméabilisation des sols naturels, agricoles ou forestiers. Cela n’implique pas nécessairement l’arrêt total de l’artificialisation de nouveaux espaces. Celle-ci sera conditionnée à une renaturation à proportion égale des espaces artificialisés. Il s’agit de compenser l’artificialisation afin d’atteindre l’absence de perte nette.
L’article 192 de la loi « Climat - Résilience » prévoyait l’insertion au sein du Code de l’urbanisme d’un article L101-2-1 visant à définir les notions d’artificialisation, de renaturation ou désartificialisation et d’artificialisation nette des sols :
- Artificialisation : l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage
- Renaturation (ou désartificialisation) : actions ou opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé
- Artificialisation nette des sols : solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés.
Son article 194 explicitait quant à lui la notion de « consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ». Il s’agit de la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur l’un de ces espaces.
Ces définitions sont complétées par le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme qui précise les surfaces considérées comme « artificialisées » et celles considérées comme « non artificialisées » au sein de son annexe.
Les installations de production d’énergie photovoltaïque et l’objectif « ZAN ».
Afin de concilier l’objectif « ZAN » avec la nécessité de développer les énergies renouvelables, un principe dérogatoire au calcul de la consommation d’espaces NAF a été introduit pour les installations photovoltaïques implantées sur les espaces agricoles ou naturels par ce même article 194.
Ainsi, le 6° du III de cet article fixe, pour l’atteinte de l’objectif intermédiaire de l’objectif « ZAN », les conditions dans lesquelles un espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque au sol n’est pas comptabilisé dans la consommation d’espaces NAF, en précisant que :
- L’installation ne doit pas affecter durablement les fonctions écologiques du sol ainsi que son potentiel agronomique
- L’installation ne doit pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée, si la vocation de celui-ci est agricole.
Ce sont ces dispositions que le décret n° 2023-1408 publié le 31 décembre 2023 vient préciser.
Contenu du décret.
L’article 1er de ce décret prévoit donc, afin de mettre en œuvre l’article 194, III, 6° de la loi « Climat - Résilience » et sans surprise, qu’un espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque n’est pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers si les modalités de cette installation permettent de garantir :
- La réversibilité de l’installation
- Le maintien, au droit de l’installation, du couvert végétal correspondant à la nature du sol et, le cas échéant, des habitats naturels préexistants sur le site d’implantation, sur toute la durée de l’exploitation, ainsi que de la perméabilité du sol au niveau des voies d’accès
- Sur les espaces à vocation agricole, le maintien d’une activité agricole ou pastorale significative sur le terrain sur lequel elle est implantée, en tenant compte de l’impact du projet sur les activités qui y sont effectivement exercées ou, en l’absence d’activité agricole ou pastorale effective, qui auraient vocation à s’y développer.
Renvoi à un arrêté ministériel.
Le décret ajoute au sein de son article 1er, II qu’un arrêté ministériel sera adopté afin de :
- Préciser les modalités d’implantation et les caractéristiques techniques, notamment l’espacement entre les panneaux et la hauteur de ceux-ci, qui permettent de garantir que les conditions mentionnées précédemment sont remplies
- Fixer la liste des données et informations que les porteurs de projets d’installations de production d’énergie photovoltaïque situées sur un espace à vocation naturelle ou agricole doivent mettre à disposition du ministre chargé de l’énergie, au moment de la demande d’autorisation d’urbanisme et pendant la période d’exploitation. Ces données et informations sont enregistrées dans une base de données nationale
- Préciser les modalités selon lesquelles sont fournies aux autorités compétentes en charge de l’élaboration des documents de planification et d’urbanisme les informations permettant de qualifier un projet d’installation de production d’énergie photovoltaïque comme consommant ou non de l’espace NAF, et leur est indiquée, le cas échéant, la surface concernée.
L’article 2 du décret précise, en ce qui concerne les centrales de production d’énergie photovoltaïque dont la date d’installation effective ou la date de dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme est comprise entre la date de la promulgation de la loi « Climat - Résilience » et la date de publication du décret décrypté au sein de cet article, soit entre le 22 août 2021 et le 31 décembre 2023, que les modalités d’implantation et les caractéristiques techniques devant être précisées par le futur arrêté ministériel ne sont pas prises en compte dans l’appréciation du respect des conditions évoquées ci-dessus pour le calcul de la consommation d’espace NAF.