En l’espèce, le recteur de l’académie de Paris avait prononcé le licenciement d’un professeur, agent contractuel.
Cet agent avait alors formé un recours en annulation à l’encontre de cet arrêté et tendant à ce qu’il lui soit enjoint, sous astreinte, de la réintégrer dans ses anciennes fonctions ou dans une affectation équivalente.
Par un jugement en date du 20 octobre 2010, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. L’intéressée a alors interjeté appel de cette décision.
Face aux problématiques en débat, la Cour administrative d’appel de Paris a, en application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, et par un arrêt avant dire droit en date du 31 décembre 2012, soumis deux questions à l’examen du Conseil d’Etat.
La première tend à savoir si l’administration peut remplacer par un fonctionnaire un agent contractuel bénéficiant, dans le cadre des dispositions de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, d’un contrat à durée indéterminée et, par suite, mettre fin à ses fonctions, eu égard à la nécessaire protection des droits qu’il a acquis en vertu de son contrat ?
La seconde, renvoie à l’hypothèse où un agent bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, en application des dispositions ci-dessus rappelées, pourrait être évincé pour permettre le recrutement d’un fonctionnaire titulaire, l’administration a-t-elle l’obligation de reclasser l’agent dans un autre emploi, alors qu’un principe général du droit imposant une telle obligation n’a été reconnu jusqu’ici par la jurisprudence du Conseil d’Etat qu’en faveur de l’agent contractuel atteint d’une inaptitude physique l’empêchant de manière définitive d’occuper son emploi ?
La Haute Assemblée à tout d’abord rappelé le principe tiré de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel les emplois permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, sauf dérogation prévue par la loi et à l’exception des emplois réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires.
L’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat prévoit des atténuations à ce principe général, en autorisant notamment le recrutement d’agents contractuels, pour les administrations de l’Etat, lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ou pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’Etat à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient.
Le Conseil a ensuite rappelé que les agents contractuels recrutés sur le fondement de ces dispositions sont recrutés par des contrats à durée déterminée d’une durée maximale de trois ans, renouvelables par reconduction expresse. La durée de ces contrats, renouvellement inclus, ne peut excéder six années.
En pareille hypothèse, ces contrats sont reconduits pour une durée déterminée et par une décision expresse.
Cette réforme d’origine communautaire est désormais transposée dans la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant divers dispositions relatives à la fonction publique.
Les juges du Palais Royal ont également indiqué par le biais d’un considérant de principe la portée de ces dispositions.
Selon ces derniers, le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu’il n’a permis le recrutement d’agents contractuels qu’à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou, par application des dispositions issues de la loi du 26 juillet 2005, de contrats à durée indéterminée.
Le principe du recours dérogatoire et subsidiaire à des agents non titulaires est ainsi clairement affirmé.
Tirant les conséquences de ce principe, le Conseil a alors indiqué qu’un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l’emploi pour lequel il a été recruté, lorsque l’autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi. L’administration peut, pour ce motif, légalement écarter l’agent contractuel de cet emploi.
Toutefois, par cet avis, la Haute Assemblée dégage un nouveau principe général du droit qui impose à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant de chercher à reclasser l’intéressé.
L’administration devra donc en pareille hypothèse proposer à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi.
Dès lors, il ne pourra être procédé au licenciement de l’agent que si le reclassement s’avère impossible, faute d’emploi vacant, ou si l’intéressé refuse la proposition qui lui est faite.
Le Conseil d’Etat a ici transposé le raisonnement qu’il avait déjà dégagé dans sa jurisprudence Cavallo, hypothèse dans laquelle le recrutement de l’agent est entaché d’irrégularité et où l’administration à la charge de proposer un emploi équivalent à l’agent, ou à défaut, tout autre emploi à la demande de l’intéressé (CE, 31 décembre 2008, Cavallo, n°283256).
Cet avis et le nouveau principe général du droit qu’il dégage apportent des garanties et une stabilité nouvelle au statut d’agent contractuel de la fonction publique titulaire d’un contrat à durée indéterminée.
Références : CAA Paris, 31décembre 2012, n°10PA05997 ; CE, avis, 25 septembre 2013, n°365139 ; CE, 31 décembre 2008, Cavallo, n°283256