Les faits :
Tout d’abord, notons que le syndicat des copropriétaires est l’employeur des concierges ou gardiens d’immeuble. Le syndic même s’il engage et congédie le personnel est dépourvu de cette qualité de même que les membres du conseil syndical.
Moralement harcelé par le président de conseil syndical notamment par le biais d’insultes, un concierge, après sa démission, a réclamé des dommages et intérêts au syndicat.
La cour d’appel a débouté le salarié de ses demandes aux motifs suivants :
l’employeur ne peut être tenu responsable de faits de harcèlement moral qu’à la condition qu’il soit l’auteur de ces comportements ou que l’auteur du harcèlement soit l’un de ses préposés ;
l’employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la situation de harcèlement, en enjoignant le président du conseil syndical de cesser ses écarts de langage.
Position de la Cour de cassation :
La chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel en combinant à la fois les règles prohibant le harcèlement et celles relatives à l’obligation de sécurité de l’employeur.
Elle a estimé la demande fondée dès lors que le conseil syndical avait exercé une autorité de fait sur le gardien employé par le syndicat des copropriétaires et que les mesures prises ensuite pour mettre fin au mandat du président du conseil n’exonéraient pas l’employeur des conséquences des faits de harcèlement antérieurement commis.
Le syndicat des copropriétaires, par le biais de son syndic, aurait dû rechercher une solution pour apaiser les tensions et protéger son salarié et, bien sûr, se ménager la preuve de son action.
En outre, en l’espèce, l’employeur avait lui même exercé des pressions sur le gardien puis qu’après la fin des fonctions de l’auteur du harcèlement il avait fortement incité son salarié à renoncer à une action prud’hommale.
Deux remarques :
1/ Avec cet arrêt, la chambre sociale confirme sa position visant à nettement renforcer l’obligation de sécurité de résultat à la charge de l’employeur.
En effet, en considérant que l’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant l’absence de faute de sa part, seule la force majeure devrait donc aujourd’hui lui permettre de ne pas être jugé responsable.
2/ S’agissant de l’auteur des faits de harcèlement, cette décision confirme la tendance de la Cour de cassation en la matière, même si elle est discutable en droit.
En effet, l’article L. 1152-1 du Code du travail n’offre aucune indication sur l’auteur du harcèlement. L’interprétation des textes comme les évolutions jurisprudentielles en matière de harcèlement moral laissaient donc penser que, peu à peu, l’identification de l’auteur du harcèlement perdrait, comme pour le harcèlement sexuel, toute importance.
Cette évolution semblait somme toute logique puisque le harcèlement peut être infligé par d’autres personnes que l’employeur ou le salarié. Les conditions de travail peuvent être dégradées par exemple par des clients, des salariés mis à disposition, des fournisseurs, des stagiaires.
D’ailleurs, depuis novembre 2009, les méthodes de management peuvent être qualifiées de harcèlement moral sous certaines conditions, donc sans identification précise de l’auteur.
Pour autant, dans le présent arrêt, la chambre sociale exige un lien d’autorité de fait ou de droit.
Ce faisant, elle confirme sa position de mars 2011, au titre de laquelle elle avait déjà considéré que l’employeur pouvait être tenu pour responsable d’actes de harcèlement moral commis par un tiers à l’entreprise à l’encontre d’une de ses salariées, dès lors que ce tiers avait une autorité de fait sur les personnes harcelées.
Il ressort de cet arrêt une position très sévère de la Cour à l’égard des employeurs en matière d’obligation de sécurité de résultat.
Alors si vous êtes employeur un conseil :
Soyez vigilant à la moindre alerte et développez la prévention des risques psycho-sociaux au sein de votre entreprise.
( Cass. soc., 19 oct. 2011, n° 09-68.272, Amirach c/ Synd. copr. Les Cournouillers)