Harcèlement moral et office du juge.

Par Jérémy Duclos, Avocat.

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Explorer : # harcèlement moral # souffrance au travail # responsabilité de l'employeur # office du juge

Ce que vous allez lire ici :

Un salarié a été promu chef d'agence puis responsable d'agence. Après des arrêts maladie et une tentative de suicide, il est décédé. Sa femme a porté plainte pour harcèlement moral et la cour d'appel a jugé que l'employeur était responsable. La Cour de cassation confirme le rôle du juge pour établir l'existence du harcèlement moral.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans un arrêt rendu le 3 avril 2024 (n° 23-11.767), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation a examiné les conditions dans lesquelles le juge doit se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral invoqué par le salarié.

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Un salarié engagé en qualité d’agent technique a été promu chef d’agence, puis responsable d’agence, statut cadre. Il a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie. Après avoir tenté de mettre fin à ses jours, il est décédé des suites de son acte quelques jours après.

La caisse primaire d’assurance maladie a qualifié la tentative de suicide et le décès qui en est résulté d’accident du travail.

En sa qualité d’ayant droit du salarié, son épouse, faisant valoir l’existence d’un harcèlement moral subi par son mari, a saisi la juridiction prud’homale de demandes indemnitaires.

Parallèlement à l’instance prud’homale, la cour d’appel a dit que l’accident du travail et le décès du salarié étaient dus à la faute inexcusable de l’employeur.

La cour d’appel a débouté la requérante de ses demandes au titre du harcèlement moral, en retenant que les pièces médicales versées aux débats, si elles décrivent une souffrance au travail qui ne peut être niée, ne sont en définitive que la restitution des déclarations faites par le salarié aux professionnels de santé, lesquels n’ont été témoins d’aucune des situations décrites par l’intéressé, que les attestations produites ne sont que l’écho des plaintes et doléances du salarié sans qu’aucun de ces témoins ne relate des faits précis caractéristiques de harcèlement moral.

Saisie de l’affaire, la Cour de cassation devait se prononcer sur la façon dont la présomption de l’existence d’un harcèlement moral devait être caractérisée par le juge dans le cadre de son office.

La Cour de cassation a jugé que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, il était reproché à la cour d’appel de ne pas avoir examiné, pour établir l’existence d’un harcèlement moral, le comportement inapproprié de l’employeur qui s’était manifesté par le fait d’avoir fixé au salarié un rendez-vous dans le hall d’un hôtel durant son arrêt maladie, ni apprécié si les éléments médicaux relevant la souffrance au travail du salarié, pris dans leur ensemble avec les autres éléments de fait, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, et, dans l’affirmative, si l’employeur démontrait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement.

La solution retenue par la Cour de cassation s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du 15 février 2023, publié au bulletin, où elle a jugé que :

« pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152-1 du code du travail, et, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » [1].

Là encore, la Cour de cassation avait rappelé l’office du juge, décomposé en deux temps : il lui appartient préalablement de rechercher si les faits présentés par le salarié ne laissaient pas présumer l’existence d’un harcèlement moral et si, dans l’affirmative, l’employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En matière de qualification du harcèlement moral, les juges du fond doivent donc se livrer à cet exercice et à défaut de manipuler correctement cette opération de qualification, la décision prise par eux encourt la censure.

Jérémy Duclos
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
www.duclos-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc., 15 février 2023, n° 21-20.572.

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