1/ La charge de la preuve du respect de la priorité de réembauchage appartient à l’employeur.
* Cour de cassation chambre sociale arrêt du 13 novembre 2013 n°12-15207 :
La priorité de réembauchage est une des prérogatives essentielles du salarié licencié pour motif économique.
Cet arrêt rappelle qu’il appartient à l’employeur de prouver qu’il a respecté cette priorité et non au salarié d’établir que ses droits ont été bafoués, en d’autres termes, la charge de la preuve appartient à l’employeur et non au salarié.
Un ouvrier spécialisé licencié pour motif économique exerce son droit à priorité de réembauche.
La Cour d’appel rejette la demande de dommages -intérêts du salarié pour violation de la priorité de réembauche au motif que le salarié n’établirait aucun manquement de la société à la priorité de réembauchage.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur le fondement des articles L. 1233-45 du Code du travail et 1315 du Code civil aux motifs :
d’une part que l’employeur a selon l’article L 1233-45 du Code du travail l’obligation « d’informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d’user de la priorité de réembauche de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification » ;
et d’autre part qu’en vertu de l’obligation incombant à l’employeur c’est à celui-ci « d’apporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation soit en établissant qu’il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l’absence de tels postes ».
qu’en conséquence la Cour d’appel ne pouvait rejeter la demande du salarié au motif que le salarié n’aurait pas établi les manquements de l’employeur sans avoir préalablement établi que l’employeur avait bien respecté ses obligations.
2/ La décision de licencier doit être prise par l’employeur du salarié.
* Cour de cassation chambre sociale 13 novembre 2013 n° 11-26926
Cet arrêt vient enrichir la jurisprudence relative à l’auteur de la lettre de licenciement.
La Cour de cassation confirme sa volonté de rigidifier les conditions de forme du licenciement pour motif économique en écartant la possibilité pour une maison mère de décider du licenciement d’un salarié d’une de ses filiales.
Un salarié considère irrégulier son licenciement pour motif économique alors qu’il a reçu notification de son licenciement par une lettre « « établie sur le papier à en-tête de la société-mère avec signature du dirigeant commun de la société mère et de son employeur filiale du groupe.
Confirmant sa jurisprudence exigeant que l’auteur de la lettre de licenciement soit l’employeur du salarié c’est à dire son représentant légal, soit une personne de l’entreprise agissant au nom ou sur pouvoir de l’employeur (Cour de cassation Chambre sociale arrêt du 30 septembre 2010 n°09-40114), la Cour de cassation relève « que la lecture de la lettre de licenciement montrait que la décision de licencier avait été prise par une entreprise qui n’était pas l’employeur de la salariée » (précédent : cassation chambre sociale arrêt du 3 mars 2004 n°03-40130 ayant prononcé la nullité du licenciement).
En conséquence, le licenciement irrégulier était bien sans cause réelle et sérieuse.
3/ L’employeur doit justifier de ses recherches positives et effectives de reclassement
*Cour de cassation chambre sociale arrêt du 13 novembre 2013 n° : 12-15754
Le reclassement est une des obligations majeures de l’employeur en matière de licenciement pour motif économique. La jurisprudence a développé depuis de nombreuses années une exigence de reclassement extrêmement drastique pour l’employeur.
Cet arrêt est un rappel à l’ordre à l’employeur qui se bornerait à justifier de son obligation de reclassement en se contentant d’arguer l’absence de poste de reclassement par seules déductions, sans recherches effectives, positives et justifiées de reclassement.
Condamné en appel pour manquements à son obligation de reclassement avec obligation de rembourser à Pôle Emploi six mois d’indemnités de chômage, un employeur prétendait devant la cour de cassation que « l’absence de poste disponible correspondant aux compétences du salarié à la date du licenciement suffirait à établir le respect… de son obligation de reclassement ».
L’employeur ajoutait que « la société qui n’appartient à aucun groupe, s’offrait de justifier l’impossibilité de reclasser le salarié en produisant son registre d’entrée et de sortie du personne ». ;
Peine perdue, la Cour de cassation rappelle que de simples affirmations de l’employeur sont inopérantes à démontrer ses prétendues recherches de reclassement puisqu’il incombe à l’employeur de justifier positivement de « ses tentatives de reclassement du salarié sur un emploi identique, équivalent ou, à défaut et avec l’accord de l’intéressé, de catégorie inférieure ».
4/ La recherche de reclassement doit s’étendre aux sociétés du groupe.
* Cour de cassation chambre sociale arrêt du 14 novembre 2013 n° : 12-11653
Cet arrêt fait écho au précédent et rappelle qu’il ne suffit pas à l’employeur de démontrer qu’il a positivement et effectivement effectué des recherches de reclassement dans la société en proposant au salarié deux offres de reclassement. Encore faut-il que l’employeur faisant partie d’un groupe de société justifie qu’il a positivement et réellement étendu ses recherches dans le groupe.
Cadre commercial d’un établissement situé à Toulouse, un salarié reçoit après l’entretien préalable deux propositions de reclassement qu’il refuse. Le salarié se voit alors notifier son licenciement pour motif économique qu’il conteste l’employeur lui ayant proposé un poste à durée déterminée et un poste de catégorie inférieure avec une diminution de rémunération sans avoir étendu sa recherche aux sociétés du groupe.
La cour de cassation confirme que la charge de la preuve du respect de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur qui doit démontrer qu’il a recherché positivement et réellement les possibilités de reclassement du salarié « dans toutes les sociétés du groupe ».
5/ Le décès de l’employeur n’emporte pas par lui-même rupture du contrat de travail.
* Cour de cassation chambre sociale arrêt du 6 novembre 2013 n°12-19572
Pour finir un arrêt qui a le mérite de clarifier une situation qui est loin d’être anecdotique et qui affecte directement et immédiatement la relation de travail : le décès de l’employeur. Il est entendu que le décès de l’employeur est une cause de cessation de la relation de travail. Encore faut-il pour les ayants droits respecter les modalités légales de formalisation de la rupture du contrat de travail et procéder au licenciement pour motif économique des salariés.
La situation de l’arrêt était d’autant plus délicate que l’employeur décédé laissait deux enfants mineurs représentés par les tuteurs désignés par le Juge des tutelles visiblement non coutumiers du droit du travail.
Une serveuse dont l’employeur est décédée sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail, est déboutée en appel au motif que :
« l’activité de l’entreprise a pris fin au jour du décès de l’employeur, sans application possible de l’article L. 1224-1 du Code du travail et sans qu’aucune faute ne puisse être reprochée à l’employeur décédé ni à ses héritiers, de sorte que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être accueillie, de même que celle en paiement des salaires postérieurement au décès, en l’absence de fourniture d’une prestation de travail ».
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en rappelant que :
« le décès de l’employeur n’emportait pas par lui-même rupture du contrat de travail et que la cessation totale d’activité de l’entreprise, si elle peut constituer un motif économique de licenciement, n’exonérait pas les héritiers tenus de respecter les obligations nées du contrat de travail de l’obligation de notifier son licenciement pour motif économique à la salariée ».
Dura lex sed lex.