"Avocates, inspirez-nous" : les origines du projet.
La loi du 1er décembre 1900 a permis aux femmes d’exercer la profession d’avocat. Olga Balachowsky-Petit a été la première femme à prêter serment le 6 décembre 1900 et Jeanne Chauvin a été la première femme à plaider dans une affaire de contrefaçon de corsets en 1907.
118 ans plus tard, en 2018, les avocates sont plus de 36.000 en France et représentent plus de 55% de la profession d’avocat [1]. Cependant, seules 24,5% d’entre elles sont associées dans les 100 plus grands cabinets d’affaires et leurs revenus moyens sur l’ensemble de leur carrière sont inférieurs de plus de 50% à ceux des hommes [2].
Apprenons à les connaître ! Comment les avocates appréhendent-elles leur métier ? Quelles sont leurs clefs de succès ? Quelle(s) transformation(s) apportent-elles au sein de la profession ?
Elisabeth Cauly, Avocate généraliste depuis 41 ans, Ancien Membre du Conseil National des Barreaux et Ancien Membre du Conseil de l’Ordre de Paris.
- (Crédit photo : Isabelle-Eva Ternik)
Ses attentes du métier d’avocat :
« Mes attentes étaient romantiques : je voyais l’avocat comme une sorte de Robin des Bois. Je souhaitais contribuer à rétablir une justice sociale. »
Le sens qu’elle donne à son métier aujourd’hui :
« L’avocat aide à explorer le champ des possibles. Il pose des questions et permet ainsi au client de se rendre compte de certaines choses et de prendre une décision éclairée. Et parfois d’éviter une catastrophe ! »
Son experience d’élue :
« Il existe de nombreux dysfonctionnements au sein des institutions de représentation des avocats. Certains élus font usage du droit de manière orientée et d’autres élus de manière approximative. Il est problématique que les nouveaux élus ne soient pas formés à leur prise de fonctions, en particulier sur la déontologie et la discipline.
Lorsque les décisions rendues par des élus sont infirmés par la Cour d’Appel, cela porte atteinte à l’autorité de l’Ordre des Avocats. C’est pourquoi, il est - à mes yeux -nécessaire d’organiser une formation à l’attention des futurs élus, notamment en transformant le week-end d’intégration festif en trois journées de formation intensive et en associant un ancien Membre du Conseil de l’Ordre en support du nouvel élu pendant un mois, afin de le sensibiliser aux problématiques multiples et complexes de la profession. »
Sa philosophie de vie professionnelle :
« Le recul sur la pratique m’a permis de comprendre qu’il y a un échange permanent entre le moi humain et le moi professionnel. Mon expérience personnelle nourrit mon expérience professionnelle et vice versa. C’est un chemin, il faut douter en permanence de soi tout en ayant confiance en soi. Cela peut paraître paradoxal : il s’agit de trouver un équilibre, qui passe par l’épreuve.
Il est essentiel d’être en harmonie avec soi-même. Je n’hésite pas à restituer un dossier. Un avocat n’a pas à être téléguidé par son client. Ce n’est pas ma conception du métier. Liberté et indépendance ! »
Ses caractéristiques d’exercice :
« Il appartient à l’avocat de questionner le client sur sa situation, de l’éclairer sur les conséquences de ses différentes options et d’anticiper les éventuelles difficultés dans leur mise en œuvre.
Ma préoccupation est que chaque client reparte avec le costume surmesure qui lui convient. »
Ses trucs et astuces pour réalimenter le moteur au quotidien :
« Je prends du temps pour moi et je ne culpabilise pas de le prendre. Il faut faire un point quotidien avec soi-même, se poser un quart d’heure et adapter son agenda en permanence : "Où sont mes priorités ?" »
Equilibre vie pro-vie perso :
« Les femmes sont exhortées à la perfection en tant que compagne, en tant que mère, en tant que professionnelle. Stop ! Il faut que chacune aille à l’essentiel… je dirais même son essentiel… car nous sommes toutes différentes ! »
A votre avis, être une femme est-il un atout dans l’avocature ?
« Il y a un certain nombre de clients qui m’ont contactée suite à une insatisfaction des services rendus par un avocat homme qui avait fait de l’esbrouffe, qui n’avait pas été diligent et qui avait gonflé ses honoraires.
Nous, les femmes, sommes généralement plus méticuleuses et moins orgueilleuses. »
Avez-vous dejà été temoin d’attitudes sexistes ?
« Enceinte jusqu’aux oreilles, aucun confrère ne m’a proposé de passer avant lui lors d’une audience, ce qui est pourtant l’usage. Quand j’ai montré des signes de faiblesses, il y a même un confrère qui m’a dit : "Quand on fait des enfants, on ne travaille pas !" »
Ses conseils aux étudiants :
« Au cours de la formation, on dit aux futurs avocats : "En début de carrière, il faut prendre tous les dossiers qu’on vous propose !" Je ne suis pas d’accord. Il convient de choisir en fonction du contenu du dossier, du comportement du client, de ses valeurs. »
Ses conseils aux jeunes avocats :
« La solidarité entre confrères a tendance à s’étioler ces dernières années. Pourtant, aider ne dépossède pas du savoir. Alors mon conseil : jeunes avocats, n’ayez pas peur de demander de l’aide et d’en donner ! L’entraide vaut de l’or. »
Sa vision de l’avenir du métier :
« Il faut avoir conscience qu’un avocat passe plus de temps sur ses dossiers qu’un juge qui subit la pression des statistiques. Signer un protocole amiable c’est opter pour la sécurité juridique plutôt que de subir l’aléa judiciaire. Les avocats, qui négocient, font du surmesure pour leurs clients. Aussi, dans l’intérêt des citoyens, le droit collaboratif me paraît être une piste à développer à grande échelle. »