Pouvoir écrire plus, plus vite et avec moins d’efforts est probablement l’une des promesses tenues par les IA génératives (IAG). Les conseils que nous avons précédemment partagés avec vous pour l’écriture sur le web restent valables.
À (re-)lire : Avocats, juristes, étudiants... 6 conseils pour bien écrire sur le web (et être lu)
Mais ils doivent être adaptés à l’heure de l’IAG, en tenant compte de ce qui a changé : ces outils permettent de produire très rapidement du contenu, sur quasiment n’importe quel sujet. Ce sont les barrières de l’accès aux capacités rédactionnelles qui ont, en quelque sorte, volé en éclat. Avec cet accès largement facilité aux capacités rédactionnelles, la tentation peut être grande de "produire en masse".
Nous vous en avons déjà parlé : écrire pour être lu et apporter une information utile à vos lecteurs, c’est encore et toujours oui. En revanche, produire du contenu uniquement pour être visible et agiter les mécanismes de référencement... Ça n’a pas réellement de sens (en termes de qualité) et contribue à "l’infobésité" que nous subissons tous, à plus ou moins grande échelle.
Mais pourquoi pas, nous direz-vous, si tel est votre souhait... C’est vrai, continuons farouchement à veiller sur nos libertés. Mais alors (et par pitié !), ne confondez pas vitesse et précipitation. Autrement dit, veillons au bon équilibre entre productivité et qualité de la production.
Loin de nous l’idée de vous inciter aux forceps à écrire avec l’IAG ou, au contraire, de vous y faire renoncer. Nous souhaitons ici vous aider à mieux écrire, le cas échéant en utilisant l’IAG à bon escient, particulièrement les versions gratuites des outils disponibles sur le marché. Ceci, en nous appuyant sur nos propres retours d’expérience.
Conseil n°1 : respectez votre lectorat.
Lorsque vous vous lancez dans l’écriture d’un article, d’un post, d’une brève… (peu importe), votre intention et votre positionnement doivent être clairs. À moins qu’il s’agisse d’un journal intime, vous n’écrivez pas pour vous, n’est-ce pas ? Vous écrivez pour des tiers. Tierces personnes qui ont vocation à vous lire. Or, pour le dire trivialement et peut-être un peu brutalement : si vous n’avez rien de véritablement utile ou intéressant à partager, peut-être faut-il s’abstenir ?
Dans l’écriture comme ailleurs, votre réputation se construit dans le temps. Or l’écriture avec IAG sans précaution pourrait bien venir altérer ou entraver cette paisible construction.
En proposant un contenu de piètre ou de moindre qualité, d’une certaine façon vous manquez de respect à celles et ceux pour qui vous écrivez, à leur intelligence, à l’intérêt qu’ils et elles portent à votre modeste prise de parole. Être fièr(e) de ses écrits, pourquoi pas.
Mais le « quick and dirty » ne passera pas : avec des contenus mal ficelés et/ou sans grand intérêt, il est fort probable que votre lectorat ne vous "loupera pas"… Et si le sentiment de désaffection est récurrent chez vos lecteurs, il vous sera bien difficile de rectifier le tir et de restaurer le lien de confiance par la suite.
Pour éviter cet écueil, interrogez-vous toujours et en profondeur – avant, pendant et après l’écriture – sur deux éléments en particulier [1] :
- le quoi : qu’est-ce que je veux transmettre comme message ? Quelle est l’information utile que je veux partager ?
- le pourquoi : qu’est-ce qui explique ma démarche d’écriture dans ce cas précis ?
Les motivations peuvent être multiples. Mais répondre à ces questions devient d’autant plus primordial à l’ère des IAG. Il y a fort à parier que sans ce questionnement, consubstantiel à tout travail d’écriture – « qu’est-ce que je cherche à apporter à mes lecteurs ? » –, que si vous éludez cette petite introspection avant de publier ou de proposer un article à la publication, vous passerez à côté de l’exercice.
Conseil n°2 : cherchez intelligemment la facilité.
Nous le disions, ce qui change fondamentalement avec les IAG, c’est l’accès à la capacité d’écriture. Que vous ayez ou non "une plume", que vous disposiez ou non des compétences rédactionnelles avérées, avec un peu d’entraînement et de discernement de votre part, vous pouvez désormais produire quelque chose d’à-peu-près cohérent en presque moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et l’écrire ^^.
Disposer d’une expertise n’est pas une condition sine qua non de la production de contenus intéressants. D’aucuns s’en offusqueront, mais l’écriture n’est, en réalité, pas réservée à une élite. Cela dit, tout dépend, comme toujours, de ce que vous soumettez à la lecture.
Les IA génératives ne vous dispensent pas de fournir des efforts !
Pour en revenir à l’écriture avec IAG, il faut être très clair, dès le départ, sur ce que vous attendez de l’IA générative. Au-delà de la question de la performance des outils, les IAG peuvent sans aucun doute alimenter votre réflexion. Il n’en est pas moins certain qu’une IAG ne doit pas vous remplacer.
Ces outils ne réfléchissent pas, ils fonctionnent en probabilités. Il est tout à fait certain qu’ils peuvent vous faciliter la tâche, par exemple pour ordonnancer des idées, ainsi que pour stimuler votre créativité en vous aidant à générer des idées nouvelles et originales. C’est donc une base de travail qu’ils peuvent vous fournir. Base de travail que vous allez devoir retravailler, compléter, enrichir.
Aussi, si vous vous lancez dans la production d’un contenu sur un thème où vous n’y connaissez rien ou presque, il n’existe quasiment aucune chance que le résultat soit pertinent et, spécifiquement, juridiquement fondé et argumenté. C’est à vous de garder le contrôle, l’IAG n’est là que pour vous assister.
Un effet Dunning-Kruger [2] exacerbé ?
Il est possible, à court terme, qu’un manque de connaissances soit gommé, estompé. Une carence d’expertise pourra passer relativement inaperçue. À moyen et long terme en revanche, les carences d’expertise seront vraisemblablement exacerbées.
À vous donc de choisir des sujets sur lesquels vous pensez avoir un peu de légitimité et, surtout, de dimensionner votre projet et vos ambitions à votre savoir-faire actuel, sans vous sous-estimer ou vous dévaloriser à outrance. Prenez votre temps, c’est en forgeant que l’on devient forgeron.
Si vous maîtrisez le sujet et que vous avez un besoin de reformulation, de restructuration, de résumé, de traduction ou de modification du style rédactionnel de votre propos, n’ayez crainte. L’IAG peut sans aucun doute vous être utile et vous fera vraiment gagner en efficacité [3]. Parmi vos « valeurs ajoutées » : l’approche même du sujet et la vérification minutieuse du contenu produit.
Conseil n°3 : faites-le avec style.
Une info. utile : la rédaction par IA générative, ça se voit !
Il est probable que vous ayez déjà constaté les impacts des outils d’intelligence artificielle générative (IAG) sur les écrits proposés par des tiers. C’est particulièrement vrai lorsque vous faites du management de contenus et/ou que vous modérez un blog… Inévitable ? Possible au vu des dynamiques actuelles.
Nous pouvons faire des suppositions sur la probabilité qu’un texte ait été, en tout ou partie, généré par l’IAG. Plusieurs outils sur le marché, gratuits ou payants, permettent de détecter rapidement si un contenu a été produit par une intelligence artificielle, même si les résultats ne sont pas (encore) très fiables. Il est donc encore difficile de confirmer ou d’infirmer pleinement son intuition.
Mais certains signes sont de bons indicateurs. Évidemment, le but n’est pas de vous prodiguer des conseils sur la manière de duper les logiciels de détection de textes produits par IAG, mais bien de comprendre pourquoi et comment retravailler les contenus pour améliorer leur qualité.
Dans les textes produits par IAG, la syntaxe est assez simple. Les systèmes d’IA génératives produisent difficilement des phrases longues et complexes. Le vocabulaire employé est assez commun (très peu de jargon, peu de langage soutenu, etc.). Il n’y pas de faute d’orthographe ou de grammaire.
Sur la forme, plusieurs autres éléments sont susceptibles de mettre la puce à l’oreille. L’un des signes les plus évidents est la présence de majuscules à tous les noms communs dans les titres. Agaçant, pour le moins. Autre indice : l’utilisation excessive de connecteurs logiques entre les phrases et les paragraphes.
Et alors ?
Alors, ce n’est pas un problème en soi : il est bien agréable de lire un document parfaitement rédigé et dans lequel les idées sont amenées avec cohérence. Indubitablement. Mais…
Trop parfait pour être honnête ?
Vous l’avez peut-être constaté à l’usage : les textes générés par IAG se ressemblent. Sauf à personnaliser les prompts (et encore), le style est plutôt plat, plus ou moins conventionnel. Fréquemment, les phrases sont passe-partout, un peu "tarte à la crème", pour ne pas dire parfois complètement creuses. Ce n’est pas forcément faux ou inutile, ça "fait le job". Mais tout ça ne manque-t-il pas d’un peu de saveur ?
Le hic est ensuite que l’on retrouve plusieurs clés de l’écriture pour le web et du langage clair : simplification de nos traditionnelles phrases (de juristes) à rallonge, articulation logique et structuration claire des idées, attention portée à la grammaire et à l’orthographe, élimination du jargon, etc. D’ici à ce que l’on vous soupçonne d’avoir produit du contenu avec IAG, parce que style est parfaitement clair et que vous écrivez sans faute… L’équilibre est délicat ; il s’agit de ne perdre ni son âme, ni son accessibilité.
L’un des principaux conseils est de ne pas se contenter de la 1re version du texte qui vous serait proposé. Les retours d’expérience de celles et ceux qui se sont pleinement emparés du prompting ou prompt engineering, permettent de vous auto-former.
Sans entrer dans une liste exhaustive, quelques rapides constats et conseils peuvent être relayés, avec une idée directrice : plus les instructions sont claires, plus la réponse de l’IA sera pertinente.
Soyez aussi précis que possible dans la formulation de votre requête et donnez à l’IA suffisamment de contexte sur le sujet que vous abordez, sur votre intention d’écriture, sur les profils de l’auteur et du lecteur, etc.
N’hésitez pas à réviser vos prompts pour ajuster le texte généré selon vos besoins : reformulez votre question, posez des questions complémentaires, précisez les éléments qui ne correspondent pas exactement à ce que vous recherchez, envisagez les positions contraires à la vôtre, etc.
Nourrissez la bête !
Nous vous avons déjà parlé de l’intérêt d’enrichir vos contenus, notamment avec des liens hypertextes. D’utile au lecteur et au référencement, cet enrichissement devient aussi un critère de qualité de vos productions ou, du moins, de leur caractère human made. Car c’est aussi un indice : les articles qui ne citent aucune source sont désormais fréquemment rédigés par l’IA.
Certes, vous pouvez demander à l’IAG de citer des sources. Mais alors, vérifiez-les minutieusement et par vous-même : la "créativité" des solutions grand public a déjà fait des malheureux… [4].
Ce rappel de précaution générale s’impose en effet : les IA sont une aide à la décision et, pour ce qui nous concerne ici, une aide à l’écriture. Mais la "garantie humaine" doit rester de mise ; la vérification humaine est aussi essentielle, qu’indispensable. Nul n’ignore aujourd’hui les couacs, bourdes et autres divagations que les IA génératives peuvent produire. Les écrits juridiques n’ont aucune raison d’être épargnés. On ne peut donc que se réjouir de la création des IAG juridiques qui, pour la plupart, sont nativement conçues pour nous éviter ce genre de déboires !
Tout ceci contribuera certainement à améliorer la production « brute ». Mais dans l’ensemble, il n’y a pas de miracle : c’est le fait de retravailler la base de texte produite par IAG qui va faire une (réelle) différence.
Il vous appartient donc de nourrir la contenu en y apportant de la profondeur d’analyse, en travaillant sur la sémantique et les champs lexicaux, en l’étoffant avec des références à votre culture commune. Mettez le texte "à votre sauce". Mettez-y sans hésiter "votre patte".
Conseil n°4 : misez sur les émotions.
Nous l’évoquions en début d’article, se mettre à la place de votre lecteur est toujours une bonne idée. Outre le respect dû à vos lecteurs, l’essor des IAG dans la production de contenus met particulièrement en exergue la puissance de l’écriture. Words have power…
Si vous gardez en tête que « les mots ont le pouvoir de nous toucher cœur et âme » [5]. Un contenu généré par IA, s’il n’est pas retouché, n’aura pas le même impact, pas la même capacité à retenir l’attention de votre lectorat, à susciter une réaction chez les personnes qui vous lisent.
Il faut donc toujours retravaillez vos contenus avec l’objectif de créer du lien avec vos lecteurs : faites appel à leurs sens, suscitez des émotions, embarquez-les dans votre monde, entretenez une complicité, etc. En somme, mettez en lumière l’humain dans l’écriture.
Ici encore, un conseil générique sur l’écriture prend du relief : celui de l’importance de savoir à qui vous vous adressez et, corrélativement, de connaître votre lectorat. Le ton, la formulation, le style, etc. varient au gré de votre public. Il faut être en phase.
L’humour et le second degré ne sont pas interdits non plus. Et, ceci, quel que soit le format que vous comptez produire (y compris donc dans une tribune qui vous permet de décharger ce que vous avez sur le cœur !) ou le sujet sur lequel vous écrivez. Il est tout à fait possible de s’exprimer sur un sujet technique et sérieux sans être, disons, "vitreux".
Évidemment, lorsque vous devez produire un document juridique technique ou des actes spécifiques, la donne n’est pas la même ! Le design thinking pourra néanmoins vous être utile : le langage clair ne nuira jamais à votre réputation, même lorsque vous vous adressez à des experts. Vos interlocuteurs pourraient même vous en savoir gré !
#HumanMade vs #MadeWithAI.
Terminons cet article avec un questionnement. Il n’y a vraiment aucune honte à utiliser les IAG pour produire du contenu. Pourquoi dès lors ne pas l’indiquer à vos lecteurs ? Par exemple avec une mention simple à la fin de votre document du type : Contenu généré avec/sans l’aide d’une intelligence artificielle générative.
Une approche qui protège, ici comme ailleurs, les "consommateurs". Après tout, ne confirmons-nous pas déjà à des sites internet que nous ne sommes pas des robots ? Assumer la transparence sur l’origine des contenus, une vertu à bien des égards ?
Et au fait, selon vous, cet article a-t-il été produit avec l’aide d’une IAG ?