[Côte d’Ivoire] De l’effectivité du contrôle des administrateurs de groupe sur Facebook.

Les administrateurs de groupes sur Facebook jouent un rôle crucial dans le respect des textes sur les réseaux sociaux. Il est donc nécessaire que leur activité soit fortement contrôlée par les autorités habilitées pour faire baisser les actes illégaux dans ces plateformes.

La vie privée, cette notion porteuse d’espoir en laquelle nous avons cru tend à disparaitre. En effet, éprouvée avec l’avènement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), la vie privée est bafouée sur les réseaux sociaux par le fait de personnes physiques ignorantes des conséquences attachées aux actes qu’elles posent. Nous le signifions encore, les réseaux sociaux constituent le berceau de la criminalité moderne (Voir article La jeunesse africaine face à l’utilisation des réseaux sociaux et d’internet. Par Désiré Allechi, Juriste. ) Les actes les plus ignobles et insensés sont commis par le biais de ces réseaux.

On assiste donc à un déplacement de la sphère de commission des actes répréhensibles qui se justifie par l’idée erronée selon laquelle l’internet est une zone libre. Ainsi, chaque individu disposant d’un smartphone a selon la pensée ci-dessus exprimée le droit de faire tout ce qu’il veut sur Internet. Dans ce cas de figure, c’est malheureusement la vie privée des individus qui en pâti. Nous assistons notamment chez les internautes ivoiriens à la création de groupes de discussion par des personnes qualifiées d’administrateurs.

La création de forum pour échanger suivant des centres d’intérêts communs n’a rien de méchant en soi dans la mesure où elle permet dans un premier temps aux personnes intéressées de prendre connaissances des informations qui les intéressent. Dans un second temps, il est important de noter que l’accès à ces groupes se fait avec le consentement des futurs membres. Cela dit, aucune contrainte n’est exercée sur un individu pour l’obliger à intégrer un groupe pour échanger.

Toutefois, ce qui est dommageable dans ces groupes, c’est bien souvent leur raison d’être ou dirons-nous la raison ou l’objet de leur création. C’est d’ailleurs ce sur quoi nous voulons quelque peu mettre l’accent. Certains groupes créés ont pour la plupart des objets manifestement illicites. L’on constate que certaines actions attentatoires à la vie privée sont commises dans ces groupes.

En effet, des photos de certaines personnes sont publiées dans certains groupes à leur insu. Comme illustration, il existe un groupe Facebook dans lequel des filles postent des photos des hommes, naturellement sans leur consentement dans le groupe pour faire savoir les intentions de ces derniers à leur égard mais aussi voir si ces derniers courtisent ou sont en relation avec d’autres filles dans le forum de discussion.

Au départ, cela apparaissait comme une activité passagère du groupe dans la mesure où à chaque jour correspond une activité particulière que les membres du groupes doivent effectuer pour animer le groupe. Cette activité illégale connut un succès à telle enseigne qu’un groupe spécial avec un tel objet fut créé à ces fins. C’est l’occasion de noter qu’une telle tendance existe aussi chez les hommes qui ont répliqué en créant un groupe avec une vocation similaire.

Ces groupes s’érigent en juridictions ou en agence de détectives pour porter atteinte à la vie privée et à l’intimité de la vie privée des individus. Sans toutefois approuver l’infidélité de certaines personnes que ces relations soient dans le mariage ou non, il n’est pas du ressort de personnes non habilitées de traiter des informations relevant de la vie privée d’autres individus sans le consentement.

D’ailleurs, faut-il le signifier « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes » (art. 12 de La « Déclaration universelle des droits de l’homme » de l’ONU, du 10 décembre 1948). En outre, faut-il le signifier le partage de contenus (images, audois…) sans le consentement de la personne concernée est punissable.

En effet, les images sont des données d’identification de la personne concernée, par conséquent, elles sont considérées comme des données à caractère personnel.

Partant de ce constat, nous sommes en droit de dire que le partage d’images dans les groupes est strictement encadré par la loi. Cet encadrement se justifie par le fait que la loi ivoirienne relative à la protection des données à caractère personnel et le RGPD (en son article 6) prévoient des conditions de licéité des traitements des données à caractère personnel sans lesquelles le traitement est illégal.

Il ressort de l’article 14 de la loi ivoirienne n°2013-450 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel que : 

« Le traitement des données à caractère personnel est considéré comme légitime si la personne concernée donne expressément son consentement préalable.
Toutefois, il peut être dérogé à cette exigence du consentement préalable lorsque le responsable du traitement est dûment autorisé et que le traitement est nécessaire :
- au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ;
- à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées ;
- à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à sa demande ;
- à la sauvegarde de l’intérêt ou des droits et libertés fondamentaux de la personne concernée
 ».

La lecture de cet article nous montre clairement que le traitement des données personnelles est protégé par la loi. Ainsi, on ne peut partager des images dans des groupes comme on le veut sans que ce partage ne s’inscrive dans la logique des dispositions de l’article précité. Il est important de noter que les conditions énumérées par l’article ci-dessus ne sont pas cumulatives. Cela dit, il faut juste se trouver dans l’un des cas de figure cités pour ainsi donner une base légale au traitement effectué.

Toutefois, est-il nécessaire de préciser que tout ce qui se fait dans ces groupes est manifestement illégal car n’obéissant à aucun critère déterminé tant par l’article 14 de la loi ivoirienne que l’article 6 du RGPD. Nous nous posons donc la question du rôle des administrateurs mais surtout de celui de l’effectivité du contrôle effectué par les autorités compétentes sur ces derniers quant au respect des textes prévus.

L’administrateur d’un groupe de discussion n’est aucunement exonéré du respect des textes applicables dans son Etat. Il est justiciable ou condamnable comme tout individu pour inobservation des textes régissant son activité. Les administrateurs sont tenus de signaler et parfois de bannir les membres de leur plateforme qui publient des contenus contraires aux lois et règlements applicables aux forums de discussions sur les réseaux sociaux.

Mais il est d’autant plus logique qu’un groupe ayant une vocation illégale ait en son sein des membres qui commettent des actes illégaux dans la mesure où ils se conforment à l’objet du groupe. Relativement aux attitudes contraires à la loi constatées sur les réseaux sociaux, le procureur Adou Richard a mis en garde le mercredi 04 septembre 2019 les administrateurs des réseaux sociaux face aux dérives et autres infractions à la loi pénale. Toutefois, malgré cette interpellation, il surgit avec acuité de multiples actes répréhensibles sur les réseaux sociaux. Quelle serait donc l’origine d’un tel constat ?

Il existe diverses raisons pouvant justifier de tels écarts mais ici nous nous évertuerons à évoquer une seule idée qui semble avoir une grande importance à savoir celle de l’ineffectivité du contrôle des administrateurs de groupes. Les groupes sont créés en quelques clics et par des personnes de tout genre. Cette facilité de création donne la possibilité à tout individu de s’y mettre sans être vraiment inquiété alors qu’il existe des autorités de contrôle qui sont elles-mêmes présentes sur les réseaux et donc informées de presque tout ce qui s’y trouve.

Ce n’est que lorsqu’il y a des situations ayant des conséquences politiques que des sanctions interviennent alors qu’il n’existe pas hiérarchie en matière de dérive. Nous estimons que l’une des causes de ce malaise social sur les réseaux est le manque de contrôle de l’activité des administrateurs par les autorités de régulation. Ainsi, des solutions notamment techniques pourraient être mises en place pour faire des réseaux sociaux un havre de paix.

En clair, un contrôle a priori de l’identité de l’administrateur (collecte des données personnelles strictement nécessaires) et de l’objet devraient être intégrés par Facebook tant pour les groupes privés que publics et conforme aux dispositions légales des Etats pourrait être mis en place pour ne pas permettre à tout individu (notamment ceux ayant une moralité douteuse) de disposer de la possibilité de créer un groupe. L’administrateur est le garant de l’ordre dans son groupe.

Il est celui qui devrait être le relais véritable relais des autorités de contrôler sur les personnes qu’il dirige. Si cette activité est ouverte à tous et non suivie par les autorités, il est clair que ces groupes seront le nouveau foyer de la criminalité comme on le constate déjà.

En tout état de cause, sans véritable synergie entre le technique et le juridique, nous connaitrons sur les réseaux sociaux en général et particulièrement sur Facebook les mêmes problèmes. En clair, il faut une véritable application des textes existants dans un premier temps car adopter de nouveaux textes n’est pas la meilleure solution en l’état actuel.

Il faut dans un premier temps que soient véritablement appliqués ceux existants.

Cela dit, les autorités habilitées doivent jouer pleinement leur rôle de contrôle en sortant de leur posture de spectateurs.

Désiré Allechi,
Juriste Spécialiste du Droit des TIC

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