Parmi les principes directeurs du procès prévus par le Code de procédure civile, figure la question de la preuve.
La combinaison des articles 6 et 9 du Code de procédure civile oblige les parties au procès à invoquer les faits propres à justifier leurs prétentions, de sorte qu’une demande en justice doit être rejetée si les faits allégués ne sont pas prouvés.
Les parties au procès ont donc la charge d’alléguer et de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions, mais, en matière civile, les preuves ne doivent pas être obtenues par un procédé déloyal.
La loyauté de la preuve interdit donc un enregistrement clandestin d’une conversation téléphonique par exemple [1], sauf si cette production est indispensable à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi [2].
Cette loyauté dans l’administration de la preuve s’applique également aux Huissiers de justice [3].
Mais comment prouver un état de fait dont l’imputation requiert une compétence technique particulière ?
Par exemple, comment démontrer l’imputation d’un désordre en construction, ou démontrer qu’un acte manuscrit n’a pas été écrit de la main de son prétendu auteur ?
Seule une expertise par un professionnel permet de le démontrer, mais pas dans n’importe quelle condition.
A. L’expertise judiciaire, gage de respect du principe du contradictoire.
Le deuxième principe essentiel en procédure civile est celui de la contradiction.
Le procès doit intervenir qu’après une libre discussion entre les parties, chacune ayant pu faire valoir ses arguments et discuter ceux de son adversaire.
Le principe de la contradiction est un vieux principe : il constitue un principe général du droit, et même un droit fondamental à caractère constitutionnel [4].
Ce principe entraîne trois conséquences :
Les parties doivent respecter le principe du contradictoire ;
Le juge doit veiller à ce respect par les parties ;
Le juge doit lui-même respecter ce principe.
Divers textes rappellent cette obligation du contradictoire : nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé [5] ; délai de comparution de quinze jours [6] ; obligation de communiquer en temps utile à la partie adverse les pièces sur lesquelles la demande est fondée [7], obligation aux parties d’échanger leurs conclusions en temps utile [8].
Cette obligation se retrouve ainsi à la charge de l’Expert Judiciaire désigné, par les articles 160 et suivants du Code de procédure civile.
C’est en partie en raison de ce respect du contradictoire affirmé par le Code de procédure civile que l’expertise judiciaire [9] a toujours eu une place prépondérante dans l’administration de la preuve.
En effet, la jurisprudence a toujours relégué au second plan les expertises amiables, les considérant unilatérales donc non contradictoires :
« Mais attendu que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties » [10], quand bien même toutes les parties y aurait participé [11].
B. Le rapport d’expertise privée désormais légalement assimilée à une expertise judiciaire.
Le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 a introduit de nouvelles possibilités d’expertise dite amiable.
En effet, le décret a mis en place, avant tout procès, une procédure dite « participative ».
Il s’agit d’une sorte de pacte entre les parties organisant une forme de procès amiable.
Les parties s’engagent alors, assistées de leurs avocats, à « œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend » [12].
Cette convention permet de désigner d’un commun accord, et non par décision d’un juge, un expert technique pour réaliser une expertise dite amiable, ou privée.
L’ancienne rédaction de l’article 1554 du Code de procédure civile prévoyait que le rapport d’expertise privée pouvait être produit en justice :
« Ce rapport peut être produit en justice. »
Les praticiens craignaient cependant que l’absence de force probante attachée à la formulation du texte ne puisse empêcher la jurisprudence à prévaloir l’expertise judiciaire sur l’expertise privée, alors même que toutes les parties ont pu y participer et faire valoir leur défense :
« Vu l’article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que la responsabilité de la société Haristoy est établie dans l’accident du 28 juin 2012, l’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la qualité de l’expertise de M. A..., réalisée lors d’opérations menées contradictoirement, confère à ses conclusions une force qui ne peut être ignorée d’autant qu’aucun autre élément, ni pièces ni expertise complémentaire, n’est produit, en particulier par la société Haristoy, de nature à les contrecarrer ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé » [13].
Ce décret qui avait vocation à désengorger les tribunaux, et plus particulièrement les Juridictions des référés, n’a pas eu l’effet escompté, sans doute pour cette raison.
D’ailleurs les statistiques de l’activité de la justice ne font que confirmer ce constat avec en 2019, 211 861 affaires jugées en référé [14].
La nouvelle rédaction de l’article 1554 du Code de procédure civile prévoit désormais en son alinéa 2 que :
« Le rapport a valeur de rapport d’expertise judiciaire. »
C’est désormais inscrit dans le marbre de la procédure civile depuis le 1er novembre 2021 : l’expertise judiciaire n’est plus la reine des constats techniques.
Pour désengorger les tribunaux, il suffit désormais que les parties s’entendent sur l’objet de l’expertise, et sur la désignation de l’Expert.
Mais cela ne relève plus du domaine du législateur.
Il appartient au contraire désormais aux avocats, en fonction des dossiers, à convaincre leur client respectif de l’utilité pratique et économique de s’entendre sur une opération d’expertise amiable.
Il y a de nombreux dossiers où chaque partie adverse formule les protestations et réserves d’usage, et qui pourraient parfaitement se prêter à cette procédure.
Cela éviterait l’attente entre la délivrance de l’assignation [15] et le démarrage des opérations d’expertise.
L’expertise privée aurait ainsi comme avantage, sur l’expertise judiciaire, de la célérité dans le démarrage des opérations.
Discussions en cours :
Bonjour,
Je trouve dommage que ne soit pas précisé, dès la lecture du bandeau de présentation, qu’il s’agisse du cadre spécifique des procédures participatives.
La procédure participative n’est pas réellement une expertise privée telles qu’elles se produisent de façon souvent unilatérale. Si l’expert dans une telle mesure n’est pas nécessairement un Expert de Justice il est désigné par une procédure contractuelle contradictoire qui lui impose de facto d’être indépendant et impartial. Dans l’expertise privé, comme dans l’assistance d’une partie en Expertise de Justice, à l’instar de l’Avocat, l’expert privé n’est pas impartial et n’a pas à l’être . C’est à l’Expert de Justice de matérialiser l’impartialité du propos.
C’est dommage de laisser percevoir une telle confusion. Lisant périodiquement vos rédaction je regrette de voir cette confusion introduite.
Cordialement
Bonjour,
un expert judiciaire n’est pas impatial (pour testament) car il rencontre le notaire en dehors de toute présence, et discute du testament aves lui !!!
c’es comme pour les audit, rencontre avec le patron (pour connaitre sers idées et le résultat recherché).
Seul le juge instruit, en principe, à charge et à décharge. Je ne l’ai jamais rencontré !!!
respectueusement
lors d’un divorce, si le JDE demande une expertise psychologique des parents et enfants, est ce par la suite un des parents pourra demander sa propre expertise par un psychologue ou psychiatre de son choix ? merci de votre réponse