Village de la Justice : Pouvez-vous nous présenter les caractéristiques de DeLeX Consortium ?
Hannan Otmani : « Il s’agit d’une organisation à but non lucratif (association loi 1901) : cette structure permet une gouvernance transparente, et rend impossible tout rachat, ou fusion par une entité tiers.
DeLeX est apartisane, apolitique et indépendante dans ses choix stratégiques et orientations.
La véritable propriété d’une telle organisation est son essence, sa mission, ce pour quoi elle a été créée ; ce qui, en fin de compte, confère une plus grande indépendance et une plus grande influence à ses membres et partenaires.
Pour mener à bien ses missions, l’association s’appuie sur un bureau et un conseil d’administration actifs et ambitieux mais s’appuie avant tout sur la participation et l’engagement de chacun pour mener ses projets, assurer son dynamisme et son rayonnement. Plus les membres sont nombreux, plus l’association conforte sa légitimité et son indépendance dans ses actions : on ne peut avancer dans cette démarche que tous ensemble.
Pour le consortium il est également primordial de promouvoir la diversité, et de créer un fort intuitu personae entre les membres, favorisant le développement de liens humains et contribuant à la richesse des échanges dans un climat de confiance ».
Quelles sont vos motivations à créer cette association ? Pourquoi pensez-vous qu’elle soit nécessaire ?
« DeLeX Consortium a été créée pour repenser le monde traditionnel du droit en s’appuyant sur les technologies émergentes.
Avant de rejoindre le Barreau de Paris en juillet 2022, j’ai évolué, pendant près de 15 ans, en tant que responsable juridique/ directrice juridique dans de très grands groupes internationaux dans le secteur des nouvelles technologies et de la télécommunication. Alors certes, les directions juridiques se positionnent comme « Business Partner » mais dans ces secteurs, il est déterminant d’être « Tech Partner » pour mieux cerner les enjeux de chaque opportunité business et d’en appréhender les risques afférents.
Je suis une vraie passionnée de l’univers digital, je m’attache, d’ailleurs, en ce moment, à maîtriser davantage les langages Javascript, Solidity et Python.
Mais pour comprendre ma démarche, il faut revenir rapidement sur le contexte de révolution majeure du paysage numérique.
Le Web1 offrait un simple accès à l’information : c’était un Web statique, les débuts d’Internet.
Le Web2 (celui que nous connaissons et utilisons tous), quant à lui, marque l’ère des réseaux sociaux, de l’interaction et des plateformes centralisées : c’est le Web participatif, le web de l’interaction en ligne. Mais c’est un espace dominé et contrôlé par une poignée de géants du net, leaders technologiques américains : les GAFAM [3], et des sociétés plus récentes comme les NATU [4] ou les BATX (en Chine) [5].
Ces acteurs n’ont cessé d’étendre leur empire sur la toile, et leur pouvoir a été renforcé avec le Covid-19 : ils ont récolté des volumes astronomiques de données. Ces entreprises détiennent désormais plus d’informations sur les habitudes et les préférences des consommateurs que les gouvernements [6].
La volonté ou la nécessité de s’affranchir de cette hégémonie a donné naissance à une véritable révolution numérique, sociétale, et économique : il s’agit, en réalité, de placer le consommateur, l’utilisateur au cœur du processus, d’en faire un libre acteur de l’espace digital. Et cette construction/ élaboration du Web 3 s’inscrit dans ce changement majeur de paradigme.
S’en est suivie une vague d’innovations disruptives : Blockchain, NFTs, Metavers…
De mon point de vue, l’essence même de ce mouvement, son origine, est intrinsèquement juridique. Les problématiques juridiques sont véritablement au cœur du débat, au cœur de ce mouvement de transition vers un nouvel espace numérique décentralisé, plus simple et plus transparent.
Il s’agit essentiellement de reprendre la main sur la Propriété (propriété intellectuelle ou matérielle), et sur la Donnée (donnée personnelle/ identité digitale), et d’en piloter la gouvernance.
Pourtant, l’industrie du droit reste (encore) majoritairement à l’écart de cette révolution massive, que ce soit en France ou au niveau mondial.
Alors même que ce mouvement technologique et sociétal devrait, par définition, être abordé sous le prisme juridique.
J’ai lancé DeLeX Consortium avec cette volonté de rassembler mais aussi confronter des points de vue pluridisciplinaires et internationaux sur les enjeux juridiques, économiques, et technologiques qui découlent des dernières avancées majeures en matière d’innovation.
Nous souhaitons créer un lieu privilégié pour construire et diriger avec un pool international d’experts passionnés et talentueux, le tout premier écosystème juridique décentralisé [7], dédié à révolutionner le monde juridique traditionnel via l’innovation et l’ingéniosité humaine ».
V.J. : Quel est l’atout principal de cette association ?
« Son principal atout est le caractère absolument inédit de ce concept, et ce, au niveau mondial : DeLeX offre une nouvelle grille de lecture.
Elle est un pont reliant l’industrie du droit et les technologies les plus avancées.
Ces avancées technologiques vont façonner le monde de demain, modifieront à jamais le monde des affaires et même le quotidien de milliards de personnes (réalité étendue, intelligence artificielle de plus en plus performante, etc..).
En exemple la blockchain qui est une révolution, une technologie de rupture. Finance, luxe, logistique… La blockchain s’est diffusée très rapidement dans le tissu économique, pour de multiples applications.
Nous avons beaucoup entendu parler de finance décentralisée [8] qui a marqué une nouvelle ère de la finance, et qui désignent des services financiers basés sur des blockchains [9]. En utilisant des applications décentralisées, ou dApps, deux parties ou plus peuvent échanger, prêter, emprunter et commercer directement en utilisant la technologie blockchain et les contrats intelligents sans l’implication et les coûts des intermédiaires.
Et ma seule interrogation a été la suivante : mais qu’en est-il de la sphère juridique ?
Et si la France prenait l’initiative de créer et piloter le tout 1er écosystème juridique décentralisé au monde ?
C’est la raison pour laquelle DeLeX Consortium a été créée, en s’inspirant du concept de finance décentralisée en ce qu’il tend vers un marché numérique équitable, libre et ouvert.
Et si on transposait certaines caractéristiques de cette grille de lecture révolutionnaire aux services juridiques ?
DeLeX vise à repenser entièrement le monde juridique traditionnel par l’innovation pour le rendre plus simple et accessible, tout en étant dédiée à l’élaboration du tout premier écosystème juridique décentralisé reposant sur les technologies les plus avancées et l’incroyable puissance du réseau.
Le développement de la représentation internationale de DeLeX est un axe stratégique important car c’est aussi grâce au rôle de DeLeX à l’international que le monde du droit et des nouvelles technologies français est mis en valeur ».
V.J. : A qui s’adresse l’association ?
« L’association DeLeX Consortium a vocation à rassembler et fédérer des professionnels du droit (avocats, juristes...), leaders de l’industrie, organisations à but non lucratif, startups, universités, grandes écoles, instituts de recherche, centres de formation, experts en technologie, etc., en France comme à l’international, en vue de créer et de piloter le tout premier "écosystème juridique décentralisé" au monde, à l’image donc de la finance décentralisée.
DeLeX prend également appui auprès de partenaires institutionnels, et des pouvoirs publics nationaux et supranationaux ».
V.J. : Vous parlez d’un écosystème juridique décentralisé, voudriez-vous nous définir précisément cette notion ?
« Il s’agit avant tout d’intégrer la sphère juridique à cette nouvelle ère digitale, et d’optimiser les synergies entre ces deux univers. C’est la raison d’être de DeLeX.
Aujourd’hui encore : le monde traditionnel du droit est assimilé à des procédures difficiles d’accès, couteuses, longues, avec des tonnes de paperasses à revoir, étudier, archiver, certifier etc…
Imaginez maintenant qu’on puisse reconsidérer notre approche globale à l’industrie du droit, qu’on puisse s’appuyer sur les technologies émergentes pour construire tout un écosystème juridique, plus simple, plus accessible, plus transparent, plus sécurisé, et plus rapide.
Prenons l’exemple des NFT (« Non Fungible Token », jeton non fongible/ non interchangeable). Ces derniers ont beaucoup agité l’avant-garde de la création, le milieu de l’art, plus précisément de l’art numérique. Pourtant, les NFT sont bien plus que de simples « JPEGs ».
L’essence même d’un NFT est de créer de la rareté dans l’univers digital, il est caractérisé par son unicité. Il s’agit d’un certificat numérique unique d’authenticité, c’est un titre de propriété qui rend l’objet ou l’œuvre facilement identifiable, et donc traçable.
Encore une fois, intrinsèquement, avec le NFT c’est la notion juridique de propriété qui est consacrée. Il s’agit de donner une identité numérique, un passeport numérique à un objet (ou une création) réel ou purement virtuel.
Les cas d’usage sont exponentiels : on peut travailler sur l’authenticité et la traçabilité, sur la garantie, l’assurance etc…
Et nous pourrions aussi évoquer la forte imbrication entre le monde du droit et le Metavers, ou des nouvelles opportunités qu’offrent les nouvelles générations ultra puissantes d’IA pour l’industrie du droit, avec l’encadrement nécessaire afférent pour tendre vers une IA responsable, etc…
DeLeX est cette plateforme internationale où pourront avoir lieu toutes ces discussions d’actualité, au gré des nouvelles tendances technologiques.
J’ai lancé et commencé à communiquer sur DeLeX Consortium, très récemment, courant Septembre 2022 et je me rends compte, au nombre de personnes qui sont revenues vers moi, qu’il y a un intérêt certain sur le sujet, qui est marqué par un caractère global.
Nous constituons en ce moment un Board DeLeX qui regrouperait des experts internationaux référents en propriété intellectuelle, données personnelles, assurances, immobilier, web3, blockchain, etc… »
V.J. : Quels sont les objectifs de votre association ? A quels enjeux répond-elle ?
« DeLeX Consortium est un lieu privilégié de réflexions, d’échanges, de sensibilisation, de concertation et d’information, et propose une palette unique de moyens et d’outils : commissions, groupes de travail, publications, veilles juridiques, organisation d’évènements, conférences, partenariats, etc...
autour de 4 axes principaux :
Leadership : bâtir un réseau leader d’acteurs clés dans le monde du droit et de la Tech ;
Normalisation : DeLeX est investie d’une mission d’intérêt général, pour coordonner et développer un système de normalisation français et européen, avec l’aide de sociétés de normalisation et de certification établies (comme par exemple, l’AFNOR) ;
Laboratoire d’innovation : Brainstorming avec l’appui de centres de recherches, universités et grandes écoles ;
Représentation et communication : accompagner les pouvoirs publics, sur le plan français, européen et international pour un marché de l’innovation plus sécurisé, plus compétitif et un encadrement plus harmonisé à l’échelle internationale.
L’enjeu est double :
D’une part, s’appuyer sur l’innovation pour ouvrir la voie à une conception révolutionnaire de la matière juridique ;
D’autre part, intervenir de manière proactive pour poser un cadre, décrire les normes de marché et les bonnes pratiques, concernant les dernières évolutions technologiques : par exemple s’agissant de l’IA, ou sur le plan de la terminologie, l’architecture, l’inter-opérabilité, la sécurité ou l’automatisation des technologies de rupture (blockchain).
DeLeX a également vocation à être le contact privilégié pour promouvoir le besoin de clarté réglementaire, pour aller vers un marché digital plus sûr, compétitif et innovant, en France et à l’international.
DeLeX est la seule et unique Organisation posant les premières briques d’un écosystème juridique décentralisé.
Rejoindre DeLeX donne l’opportunité d’être acteur de cette révolution, de contribuer à un projet international d’envergure, et de prendre part à un mouvement ambitieux, transfrontalier, et inter-fonctionnel sans précédent ».