Brève présentation des personnes ayant répondu à l’enquête.
355 personnes ont répondu (289 personnes enseignant le Droit en France et 66 à l’étranger [2]).
Le panel des répondants enseignant le Droit en France est assez varié et représentatif des établissements où est enseigné cette matière. Ainsi, la majorité des répondants exercent dans les établissements supérieurs publics, 31 personnes répondantes enseignent dans les établissements privés catholiques, 7 exercent dans les IEP et 8 dans divers établissements supérieurs privés.
Parmi les personnes ayant répondu, il y a autant de femmes que d’hommes et la moitié ont minimum 10 ans et plus d’exercice.
La majorité des personnes ayant répondu (59%) est un(e) enseignant(e) titulaire ou permanente.
6 éléments clés de l’enquête.
Enseignement en présentiel ou dématérialisé ?
De cette enquête, il ressort que les enseignants ont une nette préférence pour l’enseignement en présentiel, notamment, car plus simple à mettre en pratique (voir schéma ci-dessous).
- Avez-vous une préférence pour une modalité de cours en
particulier ? (page 62 de l’enquête).
La pratique du cours dématérialisé (à distance) n’est pas une pratique naturelle, elle se fait dans des cas bien précis, par exemple, pour répondre à une problématique d’éloignement géographique de l’étudiant ou de l’enseignant, dans le cas d’un étudiant salarié, en cas de trop grand effectif, pour des problèmes de santé...
La pratique de cours au format hybride (distanciel et présentiel) est très exigeante en termes d’organisation et très énergivore.
Quant à la pratique du cours en présentiel, mais hors de l’établissement (palais de Justice, cabinet d’avocat, association, clinique juridique...), certains professeurs minoritaires en font l’expérience, mais cela reste exceptionnel, notamment du fait des contraintes organisationnelles.
Quels sont les exercices essentiels à l’enseignement du Droit ?
En matière de Droit dans l’enseignement supérieur, les cas pratiques, les commentaires d’arrêt et les dissertations sont des exercices omniprésents, cependant, suite aux réponses apportées par les répondants, ces derniers (hormis le cas pratique) s’ils sont de bons formats pour les examens, ne sont pas toujours les meilleurs exercices à proposer pour accompagner l’enseignement, leur seront préférés ceux cités ci-après :
Ceux déjà largement pratiqués : En plus du cours, sans surprise, le cas pratique et la consultation juridique sont les meilleurs exercices pour transmettre le droit, car ces deux types d’exercices permettent une mise en pratique des notions de droit vues en cours. Ils permettent également de faire la connexion entre différents domaines du droit.
Ceux à développer (du plus souvent au moins souvent cités) :
- la note de synthèse,
- les procès fictifs,
- les plaidoiries,
- les débats sur un sujet de droit,
- les exercices de recherches,
- les mises en situation professionnelle,
- la rédaction des écrits du procès,
- la rédaction d’acte juridiques,
- exposés-présentation orale,
- jeux de rôle, l’analyse de documents juridiques,
- rédaction de lois,
- schématisation-carte conceptuelle-tableau,
- utilisation critique de l’IA.
L’ensemble des répondants s’accorde pour dire qu’il faut revaloriser l’oral et proposer une approche plus pratique de l’enseignement et donc, développer un meilleur ancrage des cours aux réalités professionnelles, cela rendrait le droit plus vivant.
Quelle place pour les outils numériques ?
On parle ici de documents en ligne, de cours en visio, de messageries étudiantes, de l’usage d’Internet durant les cours à des fins pédagogiques...
- Quelle place les outils numériques occupent-ils dans les facultés de Droit ? (page 36 de l’enquête)
À la question, "Pensez-vous que les outils numériques occupent dans les facultés de droit une place trop importante, insuffisante ou suffisante ?", 58% des répondants estiment que cette place est "suffisante", 28% insuffisante et 13% trop importante (voir schéma ci-contre).
À noter que ces pourcentages sont sensiblement les mêmes selon les tranches d’âge des personnes ayant répondu (voir schéma ci-dessous).
- Quelle place les outils numériques occupent-ils dans les facultés de droit ? (en fonction de l’âge des répondants : page 37 de l’enquête)
Quelle place pour la transdisciplinarité ?
L’enseignement d’autres disciplines (économie, sciences, langues, informatique, gestion,...) au sein du cursus et de la formation des juristes est une réelle question qui anime régulièrement la doctrine et marque les choix des programmes d’enseignement. Mais, elle n’est pas tranchée et il ressort de cette enquête : « que peu d’établissements assument des vrais décloisonnements disciplinaires, notamment en mettant en place des approches par objet ou projet plutôt que des enseignements disciplinaires ».
De même, il ressort de cette enquête qu’un enseignement pluridisciplinaire semble être une demande des enseignants eux-mêmes. En effet, à la question "Pensez-vous que l’approche transdisciplinaire dans les facultés de
droit est insuffisante, suffisante, trop présente ?" 73% des personnes répondantes la trouvent insuffisante (voir schéma ci-dessous).
- La place de la transdisciplinarité (page 38 de l’enquête).
Existe-t-il un échange pédagogique enseignants/étudiants après les cours ?
Cette question sur la communication entre le professeur et l’étudiant concerne uniquement les échanges liés aux cours (connaissances et problématiques juridiques).
Ainsi, à la question "Poursuivez-vous les échanges avec votre communauté étudiante sur les enseignements après le cours ?", 73% des participants répondent par l’affirmative.
Les "outils" de communication utilisés (du plus utilisés ou moins utilisés) sont principalement :
- les e-mails,
- les échanges en présentiels,
- les plateformes de l’établissement,
- les réseaux sociaux
- et l’application teams.
Il ressort de cette enquête que l’usage des réseaux sociaux comme outils de communication devrait être plus utilisé car, la réactivité des étudiants et leur perception des informations qui y sont diffusées et parfois meilleure que lorsque l’enseignant(e) dépose un document (texte, vidéo, lien internet...) sur la plateforme de l’établissement.
Quels sont les freins à l’innovation de l’enseignement du droit dans le supérieur ?
Cette question nous semble importante, car il est souvent fait reproche à l’Université d’avoir un enseignement trop classique, trop éloigné de la pratique professionnelle du Droit, plus forcément adapté à l’évolution de la communauté étudiante.
Voici, pour les enseignants répondants, les principaux freins à cette innovation :
- un conservatisme du corps professoral et des institutions,
- un manque, voire une absence de travail d’équipe qui permettrait d’avoir une vision d’ensemble et constructive de la pédagogie,
- une absence de proposition de formation par les établissements laissant les enseignantes et enseignants isolés dans leur pratique, certains indiquant manquer d’idées, d’accompagnement ou encore d’exemples. À noter que 57% des participants, enseignant en France, précisent qu’ils n’ont pas suivi de formation obligatoire à un moment de leur carrière pouvant les aider dans leur pratique de l’enseignement. Par contre, il existe une volonté chez certains de s’autoformer pour faire évoluer leur façon d’enseigner.
- les rigidités structurelles (organisation en semestre des cours, des examens) n’encouragent pas le changement.
- les obstacles financiers et administratifs.
En conclusion, il ressort de cette enquête que les enseignantes et enseignants en droit du supérieur sont investis dans leur activité et auprès de leurs élèves. Du fait de la rigidité structurelle de l’organisation d’une année universitaire et par un manque de moyens et de temps, ils en restent souvent à une façon académique d’enseigner, mais ne sont pas contre faire des cours hors les murs de l’université (cabinet d’avocats, tribunal judiciaire, en extérieur...) lorsque cela est possible et que le cours s’y prête.
Ils sont prêts aussi à proposer une approche plus pratique de leur enseignement notamment par l’usage de support autre que le cours magistral, l’usage du cours inversé [3], la mise en place d’exercices plus concrets tels les cas pratiques à partir de pièces et de dossiers, l’analyse de documents juridiques, les exercices de recherches, les jeux de rôles, les mises en situation professionnelle, plaidoiries, procès fictifs... Ils estiment qu’il serait utile que plus de matières complémentaires au Droit soient enseignées aux étudiants.
Retrouvez l’intégralité de l’enquête sur ce lien.
Source : l’ensemble des graphiques présentés sont extraits de l’enquête "L’enseignement du droit" d’Alicia Mazoûz.