Après de longs débats sur l’introduction ou non de l’infraction d’inceste dans le Code pénal français, celle-ci est enfin entrée grâce à la Loi n°2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux. Le droit français s’inscrit ainsi dans la lignée du droit canadien qui l’incriminait déjà depuis 1985. Désormais, l’inceste est reconnu comme une infraction à part entière en droit français, surtout lorsque nous savons qu’un certain nombre d’actes de nature sexuelle commis sur des mineurs sont le fait d’individus qui ont une autorité parentale sur le mineur (1). Mais les dispositions vont plus loin que la simple inceste. En effet, elles visent également les personnes qui ont une certaine autorité sur le mineur en raison de leurs fonctions et qui pourraient ainsi plus facilement les exploiter sexuellement (2).
1. Incrimination de l’inceste
Comme pour la pédophilie, l’inceste entretient certains liens avec la pédopornographie devenue la préoccupation essentielle d’un bon nombre de pays. Il permet la commission de cette dernière infraction lorsqu’elle est fixée sur n’importe quel support et par n’importe quel moyen. Par conséquent, l’inceste et la pédophilie sont en relation, puisque « l’inceste fait effectivement partie de la pédophilie » [1]. Néanmoins, tous les actes pédophiles ne sont pas nécessairement de l’inceste qui se limite à la sphère familiale. Il ne faut donc pas les confondre. Dans tous les cas, l’inceste et la pédophilie, lorsque certaines conditions sont remplies, peuvent être de la pédopornographie qui est souvent le résultat d’un abus sexuel.
Il s’avère que la relation est considérée comme incestueuse lorsqu’elle est commis « au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » (art. 227-27-2 C.pén.fr.). Dans ce cas, le champ d’application a voulu être assez large pour comprendre le plus grand nombre de cas possibles. Ce texte rejoint clairement les dispositions canadiennes, même si elles restent plus larges que celles prévues par l’article 155 du Code criminel canadien qui incrimine expressément l’inceste. Il énonce que « commet un inceste quiconque, sachant qu’une autre personne est, par les liens du sang, son père ou sa mère, son enfant, son frère, sa soeur, son grand-père, sa grand-mère, son petit-fils ou sa petite-fille, selon le cas, a des rapports sexuels avec cette personne ». Ces dispositions s’appliquent également pour les demi-frères et les demi-sœurs (art. 155 (4) C.crim.can.). Contrairement au droit français, l’infraction ne s’applique pas qu’aux mineurs. Il s’agit de toutes relations sexuelles entre personnes de même sang à des rangs familiaux différents. Par contre, le droit français ne s’arrête pas qu’aux liens du sang, puisqu’il prévoit également d’incriminer les actes de nature sexuelle avec les concubins et toutes autres personnes ayant une quelconque autorité sur le mineur victime.
Des lacunes dans le droit canadien sont à mettre en exergue. En effet, d’après les juges, « l’inceste nécessite une pénétration quelconque entre une personne du sexe masculin et une personne du sexe féminin, reliées par les liens du sang. Par conséquent, un père ne peut commettre cette infraction à l’égard de son fils » (Ritter c. Lagacé, J.E. 90-270 (C.S.)). Le champ d’application de ce texte est donc limité. Autrement dit, les autres rapports sexuels qui impliquent un père et un fils ou un petit-fils avec son grand-père ne sont pas visés par ces dispositions qui ne se réfèrent qu’à un cas précis, à savoir la pénétration du sexe féminin par le sexe masculin. Il en va différemment en droit pénal français qui ne fait aucune distinction à ce niveau. Une simple relation sexuelle, de quelque nature qu’elle soit, avec un membre de la famille, notamment un ascendant, ou ayant une quelconque autorité sur le mineur suffit à caractériser la nouvelle infraction d’inceste.
2. Incrimination des personnes ayant autorité sur les mineurs
Le législateur français a érigé en infraction le fait d’avoir une relation sexuelle avec un mineur lorsque la personne est un ascendant, mais également lorsqu’elle a une autorité de droit ou de fait ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions et peu importe que la victime ait ou non donné son consentement (art. 227-24 et 222-26 C.pén.fr.). Autrement dit, dès qu’il y a un abus d’autorité sur un mineur à des fins sexuels, l’acte est incriminé selon qu’il y ai ou non violence, contrainte, menace ou surprise. Il en va de même aussi bien pour le mineur de moins de quinze ans que celui de plus de quinze ans et qui n’a pas été émancipé par le mariage (art. 227-27 C.pén.fr.). En outre, il a été prévu à l’article 222-22-1 du C.pén.fr. ce qu’il faut entendre par le mot « contrainte » lorsqu’il s’agit d’une agression sexuelle, à savoir lorsque l’atteinte sexuelle a été commise sur la personne victime avec violence, contrainte, menace ou surprise. C’est ainsi que la contrainte « peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime ». Dans ce cas, le législateur français prévoit les cas d’exploitation sexuelle de mineurs par des personnes étant en situation d’autorité ou de confiance sur la personne mineure, considérée comme vulnérable. Par conséquent, le législateur français souhaite incriminer les individus qui profitent de leur autorité parce qu’elle leur confère la confiance des personnes mineures et ainsi leur permet d’obtenir des faveurs sexuelles plus facilement. Ils jouent de cette confiance pour emmener le mineur vers des relations sexuelles. Toutefois, la protection française est moins sévère lorsqu’il s’agit d’adolescent, à savoir des mineurs de plus de quinze ans en droit français.
Les dispositions françaises rejoignent clairement celles prévues par le droit canadien, notamment celles de l’article 153 du C.crim.can. En effet, pour le législateur canadien, il s’agit clairement d’une exploitation sexuelle d’une personne mineure par une autre étant en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis d’elle. De ce fait, le mineur serait en situation de dépendance ou dans une relation où il serait exploité à des fins d’ordre sexuel. Ces dispositions s’appliquent pour les adolescents, à savoir de toute « personne âgée de seize ans au moins mais de moins de dix-huit ans » (art. 153 (2) C.crim.can.). Malgré de petites différences entre le droit canadien et français, la loi souhaite réprimer les individus qui profitent de leurs fonctions et donc de leurs statuts vis-à-vis d’un mineur pour obtenir des faveurs sexuelles. D’ailleurs, les différentes affaires relatives à la pédopornographie réelle, qui est la représentation d’un crime de nature sexuelle en train d’être commis, sont souvent le fait d’individus ayant une fonction qui leur donnent des prédispositions pour arriver à leurs fins. Le meilleur exemple et l’affaire très médiatisée relative au québécois Camil Girard qui s’est approché des mineurs grâce à son rôle dans l’Association des Grands Frères du Saguenay.
3. Conclusion
De manière générale, il est clair que le législateur français souhaite clairement s’en prendre aux individus qui profitent de leurs pouvoirs d’autorité, parentale ou non, sur une personne mineure dans le but d’obtenir des relations sexuelles. Tous les abus sexuels, qui se rattachent de loin ou de près avec l’infraction de pédopornographie et l’exploitation sexuelle, commencent à être tous réprimés par le législateur français comme canadien. En insérant explicitement l’infraction d’inceste dans son code pénal, le législateur français souhaite passer un message clair, à savoir que l’abus d’autorité sur un mineur, notamment lorsqu’il s’agit d’une personne ayant une quelconque autorité sur celui-ci, est désormais puni sévèrement (dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende pour les moins de quinze ans et deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende pour les plus de quinze ans non émancipés par le mariage). D’ailleurs, le parent à l’origine de l’abus sexuel ou de l’exploitation sexuelle peut se voir retirer totalement ou partiellement son autorité parentale sur le mineur, ainsi que sur ses autres enfants (art. 227-27-3 C.pén.fr.). La plupart des pays se mettent ainsi d’accord pour réprimer toutes les formes d’exploitation sexuelle de personnes mineures et encore plus, lorsqu’il s’agit de personnes qui ont une certaine autorité sur elles. Ils souhaitent faire en sorte que les mineurs ne soient pas des partenaires sexuels. Le mot d’ordre actuellement est le suivant : aucune exploitation sexuelle ne peut être tolérée envers les mineurs.
Caroline Vallet