Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Dès lors, une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d’être justifié, de sorte que l’employeur n’est pas fondé à invoquer la méconnaissance de son droit à la preuve.
Doit en conséquence être approuvé, l’arrêt qui, après avoir constaté que le salarié a été licencié pour faute grave en raison de propos échangés lors d’une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel, en déduit que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire
1. Faits et procédure.
Le remplaçant d’un salarié en congé, a utilisé le poste informatique de ce dernier, et s’est connecté au compte Facebook du salarié, celui-ci n’ayant pas été fermé.
Par conséquent, le remplaçant a ouvert la messagerie Facebook du salarié en congé et y a lu une conversation avec une autre salariée de la même entreprise, qu’il a transféré ensuite à l’employeur.
En raison des propos insultants tenus au sein de l’échange électronique transmis, à l’encontre de son supérieur hiérarchique et de son remplaçant, le salarié en congé a été licencié pour faute grave le 9 décembre 2015.
Or, par un arrêt rendu le 17 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ainsi, l’employeur se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article 9 du Code de procédure civile selon lequel,
« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
2. Moyens.
L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors même que la preuve obtenue par l’employeur, sans utilisation d’un procédé clandestin, d’un stratagème sans fraude, ne méconnaît pas le principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
Au regard de ce principe, l’employeur considère qu’il était recevable à produire la conversation privée tenue par le salarié pour établir la faute qu’il a commise, dès lors qu’un autre salarié en a eu connaissance en travaillant sur l’ordinateur professionnel du salarié licencié qui, par négligence, avait laissé ouvert son compte Facebook sur cet ordinateur.
En l’absence de l’utilisation de quelconque stratagème pour obtenir la conversation tenue par le salarié licencié, l’employeur soutient alors qu’il n’a pas violé ni le secret des correspondances, ni le principe de loyauté dans l’administration de la preuve dans le cadre du procès civil.
En outre, l’employeur avance que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié, à condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Or, en l’espèce, l’employeur argue qu’il s’est trouvé contraint de sanctionner le salarié afin de faire cesser un trouble manifeste dans l’entreprise, afin de protéger les salariés visés par les propos insultants tenus dans la conversation.
3. Solution.
L’assemblée plénière rejette le pourvoi de l’employeur.
Une conversation privée, non destinée à être rendue publique mais surprise par un autre salarié sur un poste informatique professionnel, peut-elle constituer un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail, et par-là entraîner un licenciement pour motif disciplinaire ?
La Cour de cassation réunie en assemblée plénière répond par la négative sur le fondement de l’article 9 du Code de procédure civile cité ci-dessus et sur le principe selon lequel,
« un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ».
En effet, il est jugé qu’une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne peut constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail.
Par conséquent, le licenciement du salarié prononcé pour motif disciplinaire est insusceptible d’être justifié, et c’est pourquoi le pourvoi formé par l’employeur est rejeté.
Par cette décision, la Cour de cassation réaffirme son attachement au principe de loyauté dans l’administration de la preuve, et au droit à la vie privée du salarié au sein de l’entreprise.
Source.
C. cass. ass. Plen. 22 décembre 2023 (n°21-11.330)
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