Il résulte des articles L1221-1, L1231-1 et L2411-1 du Code du travail qu’aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé.
En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l’employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l’autorité administrative d’une demande d’autorisation de licenciement.
Ayant constaté qu’au moment où il a imposé une mutation au salarié l’employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que l’employeur ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation du salarié à l’entretien préalable à la sanction disciplinaire
C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 2023 (n°22-12.922), publié au bulletin.
1. Faits et procédure.
Une salariée engagée en qualité d’agent de service et affectée sur un site précis, a été convoquée par lettre du 28 novembre 2016, à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Or, postérieurement à la date de son entretien préalable, le 12 décembre 2016, la salariée a candidaté aux élections des délégués du personnel en tant que suppléante.
Nonobstant cette candidature, la salariée a été notifiée le 28 décembre 2016, de sa mutation disciplinaire sur un autre site à partir du 9 janvier 2017.
À la suite de sa mutation disciplinaire, la salariée a finalement réintégré son site initial le 12 juin 2017 dans lequel elle a fait l’objet de deux mises à pied disciplinaire pour absences injustifiées, d’une nouvelle affectation et d’une nouvelle mise en demeure pour enfin, y être licenciée pour faute grave le 13 juin 2019.
C’est alors dans ce contexte que la salariée a donc saisi le conseil des prud’hommes le 5 février 2018 pour faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Par un arrêt rendu le 5 janvier 2022, la cour d’appel de Versailles fait droit à la demande de la salariée et prononce à cet effet la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur, résiliation produisant alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2. Moyen.
L’employeur se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article L2411-7 du Code du travail au motif duquel : « L’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement ».
En effet, au regard de cette disposition et selon l’employeur, c’est au seul moment de l’envoi de la convocation à un entretien préalable qu’il aurait dû avoir connaissance du statut protecteur de la salariée, du fait de sa candidature aux élections des délégués du personnel, et non pas au moment de la notification de la sanction disciplinaire, comme c’était le cas en l’espèce.
3. Solution et analyse.
Au visa de l’article L.2411-7 cité précédemment, et des articles L1221-1 et L1231-1 du Code du travail selon lesquels : « il résulte qu’aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé.
En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l’employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l’autorité administrative d’une demande d’autorisation de licenciement », la Cour de cassation précise que la connaissance de l’employeur du statut protégé de la salariée doit être requise non pas au moment de l’envoi de la convocation à un entretien préalable, mais au moment « où il a imposé une mutation à la salariée », c’est-à-dire postérieurement à cet entretien préalable.
Par conséquent, le pourvoi de l’employeur est rejeté car non seulement, il avait connaissance du statut protecteur de la salariée au moment de lui imposer une sanction disciplinaire, mais aussi il « ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation de la salariée à l’entretien préalable à la sanction disciplinaire ».
Cet arrêt consacre une protection extensive du salarié qui se porte candidat aux élections des délégués du personnel au moment de sa convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
Sources : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2023, 22-12.922, Publié au bulletin.