Différentes modifications sont donc apportées au Code de la commande publique notamment aux schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), à la notion d’offre économiquement la plus avantageuse pour les marchés publics et au dispositif d’exclusion pour les personnes qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES). Ces évolutions concernent les procédures concessives figurant au Code de la commande publique.
1. « Vigilance » et « durabilité » des candidats : une exclusion qui restera facultative.
Alors que la loi modifie directement la partie législative du Code de la commande publique (CCP), elle habilite néanmoins le gouvernement à adapter ces mêmes dispositions par voie d’ordonnance. Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, il a été habilité à prendre les mesures relevant du domaine de la loi permettant d’introduire dans le Code de la commande publique un dispositif d’exclusion des procédures de passation des contrats de concession, à l’appréciation de l’autorité contractante, des opérateurs économiques qui ne satisfont pas aux obligations de publication d’informations résultant des mesures de transposition de la directive n° 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) nº 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE. Ces obligations portent sur la publication d’informations en matière de « durabilité » des entreprises.
C’est ainsi qu’une ordonnance publiée dès le 6 décembre 2023 (n° 2023-1142) a pu réécrire l’article L.3123-7-1 du CCP dans les termes suivants :
« L’autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession :
1° Les personnes soumises à l’article L225-102-1 du Code de commerce qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un plan de vigilance comportant les mesures prévues au même article pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis de concession ou d’engagement de la consultation.
2° Les personnes soumises aux articles L22-10-36, L232-6-3, L232-6-4, L233-28-4 et L233-28-5 du Code de commerce qui ne satisfont pas à leur obligation de publication des informations en matière de durabilité prévues aux articles L232-6-3 et L233-28-4 du même code pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis de concession ou d’engagement de la consultation ».
Le rapport préalable à cette ordonnance précise que le Gouvernement a entendu, à travers la commande publique, inciter les entreprises à respecter le nouveau cadre de « reporting » extra-financier, issu de la directive n° 2022/2464/UE du 14 décembre 2022 dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui se trouve ainsi transposée.
Cette nouvelle mesure sera applicable aux contrats de concession pour lesquels une consultation sera engagée ou un avis de publicité sera envoyé à la publication à compter du 1ᵉʳ janvier 2026. Dans l’attente, l’article L3123-7-1 du CCP tel que modifié par la loi industrie verte (voir ci-dessous) restera applicable.
2. « Vigilance » des candidats : un pouvoir d’exclusion facultatif moins ambigüe.
En son article L3123-7-1, le CCP prévoit que l’autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession les personnes qui, soumises à l’article L225-102-4 du Code de commerce en vertu du nombre de salariés qu’elles emploient, ne sont pas en mesure de présenter un plan de vigilance dûment réalisé pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis de concession ou d’engagement de la consultation.
La loi industrie verte (art.29) supprime la 2ᵉ phrase de l’article L3123-7-1 du CCP qui atténuait ce pouvoir d’exclusion en indiquant qu’une
« une telle prise en compte ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation ».
Cette suppression résulte d’un amendement qui suit une recommandation du Conseil d’Etat qui considère que cette disposition présentait une portée indécise qui n’apparaît pas dans les autres articles du Code de la commande publique traitant des motifs d’exclusion facultative.
3. « BEGES » des candidats : un nouveau motif d’exclusion facultatif.
La loi crée un nouvel article L3123-7-2 qui prévoit que
« L’autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession les personnes soumises à l’article L229-25 du Code de l’environnement qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation ».
Afin de favoriser la prise en compte du développement durable dans la commande publique au regard de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le nouvel article L3123-7-2 du CCP, établit un nouveau dispositif d’exclusion dit « à l’appréciation de l’acheteur ou de l’autorité concédante », pour les personnes qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation. Prévue par l’article L229-25 du Code de l’environnement, cette obligation, qui concerne environ 5 000 acteurs privés et publics, permet d’élaborer un diagnostic précis des émissions de gaz à effet de serre, accompagné d’un plan de transition, en vue d’identifier et de mobiliser des leviers de réduction de celles-ci.
Il est précisé que L3123-7-2 du Code de la commande publique est applicables aux contrats de concession pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à compter de la publication de la loi industrie verte.
Dans son avis du 11 mai 2023 sur le projet de loi, le Conseil d’Etat souligne que si la loi crée une possibilité et non une obligation pour les acheteurs publics, le respect du principe d’égalité impose que, lorsqu’elle est mise en œuvre, cette cause d’exclusion soit appliquée de manière identique à tous les candidats.
Ces nouvelles hypothèses d’exclusions facultatives interrogent sur la pertinence de ce dispositif au regard de la frilosité, voire de la défiance, manifestée par les acheteurs publics à son égard, comme les travaux parlementaires l’ont confirmé. Le niveau d’information sur les entreprises candidates (et leurs groupes) que requiert le nouveau champ d’application des exclusions à la discrétion des autorités concédantes et délégantes ne les incite pas à renoncer à cette prudente réserve.
4. Le verdissement progressif de l’avantage économique global des offres.
L’article L3124-5 du CCP prévoit que le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution.
La loi sur l’industrie verte complète ce texte en indiquant que « parmi ces critères peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l’innovation ». Cette modification anticipe sur la rédaction de cet article telle qu’elle résultera à compter du 22 août 2026 de la publication de la loi du 22 août 2021 « Climat et Résilience ». En 2026, cette faculté deviendra une obligation puisque l’article L3124-5 disposera que « pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité, au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ». Le Conseil d’Etat, dans son avis, a estimé qu’un tel enchaînement de textes, dans un temps aussi court, n’est pas de bonne méthode législative et est inutilement complexe, dès lors surtout que la disposition prévue n’ajoute rien au droit de la commande publique.
Pas de changement immédiat pour les patriciens, en effet, puisque ces critères figuraient déjà dans la liste règlementaire de l’article R3124-4 du CCP de la « pluralité de critères non discriminatoires » que l’autorité concédante peut mettre en œuvre…
Pour les acteurs de la commande publique, l’intelligibilité de la partie législative du CCP passe par une périlleuse navigation dans les arcanes de la légistique.