De la reconnaissance progressive de la kafala judiciaire et de ses effets.

Par Aouatif Abida, Avocat.

12455 lectures 1re Parution: 29 avril 2016 6 commentaires 4.84  /5

L’article 20 de la Convention de New York dispose que tout enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d’une protection de remplacement, laquelle, aux termes de l’alinéa 3, « peut notamment avoir la forme du placement dans une famille » ou « de la kafala de droit islamique ».

La Convention de La Haye du 19 octobre 1996 a pour objet d’assurer la mise en œuvre des mesures de protection à l’égard des mineurs, parmi lesquelles elle mentionne expressément la kafala.

La kafala, bien que méconnue du droit français, doit donc offrir y compris en France un véritable statut à l’enfant ainsi recueilli.

Progressivement et suite au long combat de parents, d’associations, parlementaires... les droits sont rappelés par des textes mais il reste important de diffuser ces avancées pour que l’application se généralise sur le terrain.

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1. Nul besoin d’exequatur de la décision pour obtenir un DCEM

La décision judiciaire de kafala judiciaire doit, en principe, comme toute décision relative à l’état des personnes, être reconnue de plein droit sur le territoire français, et ce sans aucune formalité particulière.
Dès lors qu’elle est judiciaire, elle est opposable en France et doit produire ses effets de plein droit. Elle ne devrait donc pas avoir à faire l’objet d’une exequatur.

Les administrations ignorant cette institution ont longtemps exigé et exigent pourtant souvent cette exequatur.
La circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France est venue rappeler le caractère juridiquement infondé de cette exigence.

Il convient donc de résister à cette demande d’exequatur qui est inutile.
Les préfectures ne peuvent donc exiger l’exequatur du jugement de kafala judiciaire pour la seule délivrance d’un visa ou d’un DCEM (document de circulation pour mineur étranger) à l’enfant.

Résistez !

2. Sur l’acquisition de la nationalité française par l’enfant

L’article 42 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant ouvre désormais l’acquisition de la nationalité française à l’enfant qui, « depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ».

Les enfants recueillis par kafala judiciaire par une personne de nationalité française, qu’ils soient élevés en France ou même à l’étranger, peuvent donc obtenir la nationalité française dans un délai de trois ans.
Cela doit impérativement se faire avant la majorité de l’enfant.

Le délai du recueil devait auparavant être de cinq ans et était conditionné à une résidence en France.

Enfin, une fois français, l’enfant pourrait alors être adopté par les parents l’ayant recueilli, s’ils le désirent et selon leurs propres convictions religieuses car la loi nationale de l’enfant sera la loi française qui pour sa part, autorise parfaitement l’adoption.

Aouatif ABIDA
Docteur en droit
Avocat au Barreau de Paris

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  • bonjour ,
    j’ai fais une première demande de nationalité pour mon enfant recueilli par kafala judiciaire algerienne qui a ete refuser car mon enfant a passer la premiere annee en algerie et deux en france (trois ans de recueil) et la je refais une nouvelle demande car mon enfant vie en france depuis plus de trois ans sur le territoire et cela fait quatre ans de recueil mais aujourd’hui on me demande un certificat de non recours de la kafala j’ai fais cette demande au tribunal algerien il ne délivre pas ce document
    l’enfant et né sous X
    je suis de nationalité française
    merci
    cordialement

    • par kafala , Le 28 mai 2018 à 14:29

      Bonjour
      depuis 2016 en effet il suffit de 3 ans pour demander par simple déclaration la nationalité francaise de l’enfant recueilli par un citoyen francais.
      Cela se fait au TGI
      pour l’attestation de non appel, certains tribunaux le font, mais si ce n’est pas dans les habitudes du tribunal, il faut faire une attestation spéciale précisant que la kafala est sans appel.
      Nous avons un modèle gratuit de cette attestation sur le Forum de la Kafala en Algérie et au Maroc, un forum d’entraide de parents par kafala.
      http://forum-kafala.forumactif.com
      venez nous rejoindre et poser vos questions,
      maman kafala

    • par Louisa , Le 6 novembre 2018 à 19:19

      Bonsoir j’aimerais avoir quelques informations j’ai eu un enfant par le biais d’une cappella toutes les démarches en Algérie ont été effectués mon bébé est arrivé avec nous le 22 septembre 2018 nous sommes tous deux de nationalité française et nous ne pouvons pas déposé un dossier dec quelles sont mes démarches à faire aujourd’hui car cet enfant a son visa jusqu’au 22 décembre c’est pas le visa long séjour merci pour votre retour

  • Bonjour Maître, Mme Aouati Abida Abida,

    J’ai pour ma part fait une demande de naturalisation Française pour mon enfant recueilli par kafala Judiciaire marocaine en 2007.
    Arrivé en France Septembre 2007.
    1 ère décembr, pas de problème, 2 ème, le Préfet s’est opposé, pour raison l’agrément n’était plus valide.
    Le cg, bureau de l’adoption, n’a rien voulu entendre, j’ai insisté pour rencontrer le Directeur.
    Par ailleurs, j’ai pu ainsi obtenir une extension d’agrément
    ( paradoxe).
    2 ème décembre, obtenue.
    Les 5ans de résidence en France, j’ai lancé ma demande de naturalisation pour mon fils.
    En 2012, lors de ma demande, la greffière du tribunal d’instance de Montpellier me demande l’exequature (avait 3 ans) je l’ai fourni, par ailleurs, elle me dit que celle-ci doit avoir 5 ans, je lui répond que ce n’est pas obligatoire.
    Elle insiste, je n’ai pas voulu m’opposer, j’ai dû me faire à l’idée et attendu les 5 ans.
    2ans d’attente, enquête au Maroc ?
    En 2014, laborieux combat, enfin une bonne nouvelle, convocation pour retirer la naturalisation.
    Je suis membre bénévole associative de L’APAERK, j’espère que les futurs parents kafils n’auront pas le même problème.
    Toujours nous justifier, quels sont nos droits ?
    Pour l’héritage à nos enfants en France, qu’elles sont nos démarches ?
    Doit-on faire une adoption simple ou plénière ?
    Lorsqu’il y a aucun lien de filiation, déclaration d’abandon.
    Veuillez, je vous prie d’agreer mes salutations distinguées.
    Mme El harba Najia

    • par Me ABIDA , Le 6 juin 2016 à 11:00

      Bonjour Madame

      Parcours difficile. Vous avez malheureusement eu à subir la méconnaissance fréquente de la kafala et ses effets.

      L’enfant une fois devenu français peut faire l’objet d’une adoption et là, il y a une différence entre l’enfant dont les parents biologiques sont vivants ou pas ainsi que d’autres subtilités.

      En fonction de la situation de l’enfant vis à vis de ses parents biologiques, il peut faire l’objet soit d’une seule adoption simple (qui ne coupe pas les liens) soit d’une adoption plénière.

      En fonction également de la situation, il peut y avoir ou pas désignation d’un conseil de famille en vue de la désignation d’un tuteur ad hoc et l’autorisation à l’adoption ou nécessité de l’autorisation des parents biologiques.

      Il y a des subtilités et chaque situation peut être différente.

      L’adoption ouvre les droits à la succession en France. Il n’y a plus de distinction avec un enfant biologique.

      Me ABIDA

  • par Berrehou , Le 29 avril 2016 à 19:53

    Je voudrais conseiller de faire le conseil de famille des que possible.

    Maintenant il est possible de le faire avant la nationalité française.
    Ç est un jugement français qui se fait au t.g.i. ç est gratuit sans avocat.
    Ca securise l enfant en attendant l adoption.
    De plus ca va plus vite de faire un conseil de famille que de saisir le défenseur des droits si on vous demande l exequatur.

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