Lorsqu’une entreprise est en difficulté financière, elle peut solliciter des concours bancaires pour tenter de redresser sa situation. Mais ces concours peuvent être considérés comme abusifs si la banque les accorde en connaissance de cause, en méconnaissance des règles de la procédure collective ou en utilisant des moyens frauduleux.
Quelles sont les conséquences juridiques d’un tel comportement pour la banque ? Quels sont les critères permettant de caractériser la fraude ? Comment les juges apprécient-ils la responsabilité des banques dans ces situations ?
Le soutien abusif de crédit : un risque de responsabilité pour les banques.
Aux termes de l’article L650-1 du Code de commerce, les créanciers qui consentent des concours à une entreprise en difficulté ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait de ces concours, sauf en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de garanties disproportionnées. Ce texte vise à protéger les banques qui soutiennent l’activité économique, mais aussi à éviter les comportements abusifs qui portent atteinte à l’égalité des créanciers et au principe de cessation des paiements.
La fraude est le cas le plus grave, qui entraîne la nullité des concours consentis et la condamnation de la banque à réparer le préjudice causé aux autres créanciers. Mais comment définir la fraude ? La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 janvier 2024 [1], rappelle que constitue un acte frauduleux, au sens de l’article L650-1 du Code de commerce, celui réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive.
Le soutien abusif de crédit : une appréciation in concreto par les juges.
La qualification de la fraude relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui doivent apprécier les circonstances de chaque espèce. La Cour de cassation exerce un contrôle de légalité sur les motifs retenus par les juges, en vérifiant qu’ils sont propres à caractériser la fraude et qu’ils ne sont pas contradictoires ou insuffisants.
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, la Cour d’appel de Montpellier avait jugé que la banque avait commis une fraude en ne mettant pas à l’encaissement un billet à ordre et en incitant les époux U. à souscrire deux prêts-relais, dont les fonds ont intégralement servi à rembourser les échéances des emprunts de l’EARL, dans le cadre d’un montage financier d’ensemble orchestré par la banque pour tenter de maintenir l’activité de l’EARL. La Cour de cassation casse cet arrêt, en estimant que ces motifs sont impropres à caractériser une fraude et qu’ils ne constatent pas en quoi l’absence de réaction de la banque à l’échéance du billet à ordre était frauduleuse.
La Cour de cassation rappelle ainsi que la simple conscience du caractère abusif du crédit ou la volonté de préserver ses propres intérêts ne suffisent pas à caractériser la fraude, qui suppose un acte déloyal, une tromperie, une manœuvre, une falsification ou un autre acte répréhensible.
Que faut-il retenir ?
- Le soutien abusif de crédit est un comportement qui expose la banque à une responsabilité civile, voire pénale, en cas de fraude ;
- La fraude se définit comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage indu ou à échapper à une loi impérative ou prohibitive ;
- La qualification de la fraude relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui doivent apprécier les circonstances de chaque espèce et les éléments de preuve fournis par les parties.